Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 26 février 2017
Trescléoux (05700)

Lectures du Jour:
Esaïe 49, 14-15
Matthieu 6 24-34
1 Corinthiens 4, 1-5
« Je planterai aujourd’hui mon pommier»
Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain : le lendemain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.
Mais le lendemain n’est pas toujours riant. Nous finirons par mourir et il y a des jours de toutes sortes, des jours qui dépassent nos rêves les plus fous, mais aussi des jours dont nous voudrions qu’ils n’aient jamais eu lieu. Faut-il donc espérer simplement que le lendemain sera beau car notre Père céleste se soucie de nous ?
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Une légende assure que Luther aurait dit : « Même si l'on m'apprenait que la fin du monde est pour demain, je voudrais quand même planter aujourd’hui mon pommier. »
C’est autre chose que de l’espérance, c’est faire ce que l’on pense être juste, tranquillement, sereinement, sans se soucier du lendemain. Ou plutôt s’en soucier, car oui, planter un pommier est un projet d’avenir, c’est une visée pour demain. Mais cette visée n’est pas utilitariste, elle ne mesure pas seulement le rendement, mais la qualité de la démarche, le fait d’apporter quelque chose de nouveau et de bon à ce monde qui le mérite, et qui le méritera jusqu’au bout…
Alors bien sûr, le résultat compte, et l’on préfère voir mûrir les pommes du pommier que l’on a planté. Mais dans cette façon de voir l’existence, la vérité de la démarche suffit déjà à la justifier. Dans un sens c’est ce que Jésus lui-même a vécu sur la croix, comme un geste qui ne produit rien d’autre que de dire l’attachement qu’il a pour ce monde et ceux qui l’habitent. Et c’est aussi le geste de Luther, petit moine de province qui se lève et appelle l’église chrétienne du monde entier à se réformer. Lui non plus, n’avait aucune chance, mais il aura vu quelque fruits.
En réalité, personne n’a jamais retrouvé où Luther aurait dit cette phrase. Mais en tout cas, les circonstances où cette citation est sortie sont significatives. Elle est apparue en 1940 parmi les chrétiens allemands, désespérés par la puissance et la folie d’Hitler. À quoi bon lutter face à une telle fureur ? Cette phrase sur le pommier est venue pour qu’ils s’encouragent mutuellement à oser ne serait-ce qu’un geste positif, tourné vers le bien, vers la vie. Même à la veille de la fin du monde, planter un pommier, son pommier.
Qu’espérons-nous ?
Cette parabole du pommier de Luther dit une espérance qui est de l’ordre de la beauté de l’intention et du geste. Cette parabole dit l’importance de la dimension spirituelle de l’espérance. Et cela, nous en avons besoin pour comprendre la vie.
Souvent, notre espérance en ce monde est d’abord de survivre, comme le dit Jésus quand il nous cite : « que mangerons-nous ? que boirons-nous ? de quoi serons-nous vêtus ? ». Jésus ne se moque pas de ces besoins, il les connaît et les reconnaît comme légitimes. Notre corps, notre intelligence, notre sensibilité, notre cœur et notre foi ont chacun besoin à leur manière, d’être nourris, abreuvés, et vêtus. Dieu le sait. Et il espère que chacun de ses enfants aura ce minimum, nous dit Jésus.
Mais cela ne renferme pas la totalité de l’espérance, car cela n’explique pas pourquoi nous aurions envie de planter un pommier si la fin du monde était pour demain. Cela n’explique même pas pourquoi l’amitié est si importante pour nous, et encore moins l’amour, ni pourquoi il y a des causes pour lesquelles nous accepterions de donner notre vie.
Il faut aussi une dimension spirituelle qui vienne donner du sens, au-delà de la simple question de la nourriture, de la boisson et de la protection minimales. Nous sommes beaucoup plus libres que nous ne l’avons jamais été dans le passé. De même que nous pouvons choisir d’acheter toutes sortes d’objets aux 4 coins du monde, nous sommes libres de choisir ce qui donne sens à notre vie, choisir « notre » pommier dans le verger où nous sommes né ou un oranger venu d’ailleurs si nous le préférons.
Et c’est sur l’Evangile que nous comptons pour faire ce choix et pour que notre espérance prenne du sens et se réalise.
Sur quoi comptons-nous ?
Cette question est en réalité la plus importante, bien plus déterminante encore que tout le reste. C’est là-dessus que Jésus va attirer notre attention.
Certains espèrent s’en sortir par la sagesse, cela aide effectivement, ça éclaire, ça libère, cela peut nous aider à mieux comprendre la réalité et son fonctionnement, les causes et les conséquences. Jésus n’est pas contre l’intelligence, au contraire, il encourage à réfléchir par soi-même, il discute, il enseigne, il n’est pas contre cette sagesse qui consiste à nous unir et nous soutenir, bien sûr. Mais il ne nous dit pas de placer notre espérance dans la sagesse, ni dans la morale. C’est juste un cadre de base.
Certains espèrent s’en sortir par la providence de Dieu, comme dans bien des Psaumes, comme les prophètes qui attendaient que le Messie vienne. Des disciples de Jésus ont espéré qu’il accomplirait cela, imposant la paix, supprimant toute maladie, toute famine, Après Jésus, bien des chrétiens ont espéré le retour de Jésus…
Tant de personnes fondent ainsi leur espérance dans l’idée que Dieu conduirait l’histoire, faisant pleuvoir quand il pleut, faisant naître et mourir, tomber malade ou guérir, donnant à manger. C’est en partie vrai, car Dieu agit pour le bien, mais c’est aussi en partie faux car il n'est pas un magicien, et cette façon d’espérer est source de bien des angoisses, de craintes, de culpabilités mal placées, et de pertes de foi en Dieu.
Mais Jésus ne nous dit pas d’espérer en Dieu, il nous dit de lui faire confiance, il nous dit que Dieu est au courant de nos besoins et qu’il nous aime, il y travaille donc comme il peut, comme il veut, et il fait sans doute au mieux.
Mais alors, si Jésus ne nous dit pas d’espérer en notre propre sagesse, ni d’espérer en Dieu, ni d’espérer en Christ… que nous propose Jésus ? Contrairement à ce que l’on pense parfois, Jésus ne nous dit pas une seule fois d’espérer. Ce n’est pas dans son approche. Pourtant la notion d’espérance était importante dans l’Ancien Testament, et elle le sera pour l’apôtre Paul, par exemple. Mais pour Jésus, non, ni le mot « espérance », ni le verbe « espérer » ne font partie du message de Jésus, selon les 4 évangiles, pour une fois unanimes.
Il y a pourtant un contenu à notre espérance dans l’Évangile. Il y a une conception de ce dont nous avons tous besoin pour vivre et pour vivre bien,. Il y a cet amour qui donne sens à notre vie, même quand elle toucherait à sa fin, un amour qui peut se manifester dans ce pommier, notre pommier, celui que nous voudrions encore planter si la fin du monde était pour aujourd’hui.
Notre espérance à donc un contenu, mais Jésus ne nous dit pas d’espérer. Jésus ne nous dit pas d’attendre patiemment un lendemain meilleur ni d’attendre le monde futur. Au contraire, Jésus nous dit de nous occuper d’aujourd’hui. Et la question d’aujourd’hui, selon Jésus, ce n’est ni d’espérer, ni d’attendre mais c’est de chercher. C’est bien plus actif, bien plus engageant aussi. C’est vivre, aujourd’hui :
Chercher en 1er, chercher avant toute chose et par-dessus tout, le royaume de Dieu et sa justice.
Il y a deux sens au mot « chercher », en français comme en grec. On peut chercher comme on cherche des champignons dans les bois, et on peut chercher comme on cherche à faire plaisir à quelqu’un que l’on aime. Le Royaume de Dieu et sa justice sont à chercher dans ces deux sens.
Le Royaume de Dieu, ce n’est pas un endroit à chercher, mais c’est l’action de Dieu, c’est cela que nous pouvons chercher.
Plutôt que d’espérer l’action de Dieu on peut déjà ouvrir les yeux et voir qu’il a déjà agi et qu’il agit dans le présent, qu’il agit dans notre monde, qu’il agit dans la personne à côté de nous, et parfois par la personne à côté de nous.
Alors que dans le fait d’espérer, il y a en germe une sorte de dégoût de ce monde et du jour que nous vivons. Nous espérons toujours un mieux. Par contre, quand on cherche les traces de Dieu, on ouvre les yeux sur des réalités et sur des instants qui sont plus beaux que tout ce que l’on aurait pu rêver. Nous pouvons voir que le monde est bien moins mauvais qu’il n’en a l’air, nous pouvons voir que nous-mêmes, que notre voisin bénéficions déjà d’une sorte de processus de résurrection et de vie.
Et ce règne de Dieu, cette action de Dieu on peut la chercher comme on cherche à faire plaisir à quelqu’un, et c’est même précisément cela. C’est bien plus actif qu’une espérance, c’est une démarche délibérée, dans la prière, et en y consacrant une bonne part de nous-mêmes.
Nous cherchons le Royaume de Dieu. Et nous cherchons sa justice
Chercher la justice de Dieu
C’est bien plus engageant que d’espérer sa justice, c’i est une bonne idée aussi puisque sa justice est encore de l’amour, bien entendu, comment en serait-il autrement. Sa justice garde le meilleur, sa justice irrigue en profondeur notre être et nos pommiers.
Mais chercher la justice de Dieu, c’est bien plus engagé encore que de chercher son action. Chercher sa justice c’est reconnaître sa puissance de transformation et c’est s’y associer par nos pensées, nos paroles et nos actes, par nos projets. Et par ce pommier, que chacun d’entre nous peut rêver de voir mis en terre. Parce que nous savons que nous en sommes dignes et que nous en sommes capables.
Et de toute façon, toutes choses nous serons données en plus !
Amen !
Jean Jacques Veillet[1]
[1] D’après Marc Pernot -Paris-Oratoire - 15 juin 2014