Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 07 juin 2009

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :

Deutéronome 4, 22-40

Mathieu 28, 16-20

Romains 8, 14-17 (voir également sous cette référence, méditation du 27 Mai 2018)

Soumis aux autorités… Jusqu’où ?

Vous aurez remarqué qu’aujourd’hui est un Dimanche particulier : la fête des mères mais aussi 1° dimanche après pentecôte, et journée d’élection au parlement européen qui risque de connaître dit-on, un taux d’abstention record.

Je voudrais profiter de cette coïncidence de calendrier, pour vous parler de l’Eglise dans une telle journée, de sa relation vis à vis des autorités civiles, vis-à-vis de l’action et du monde politique, sans trop nous éloigner du texte de Mathieu que Palmyre vient de nous lire.

Si nous faisons comme à l’accoutumée un retour vers les Ecritures pour chercher une réponse à cette question que peut-on lire ?

- Soyez soumis aux autorités, (Rom. 13, Col.1, Tite 3/1) et son contraire dans Eph.6/12, Col.2/15,

- Priez pour les autorités (1 Tim .2/2)

Mais aussi,

- Rendez à César… (Math.22/21)

- Nul ne peut servir 2 maîtres, Dieu et Mammon (Math.6/19-34)

Vous voyez bien que sur cette question comme sur tant d’autres, les Ecritures ne nous livrent pas La réponse, mais des éléments de réflexion, que nous devons éclairer par tout l’enseignement de Jésus Christ, et pas seulement par un seul verset sorti de son contexte. C’est à chacun de nous de trouver sa réponse, en conscience.

Alors quelle attitude avoir face aux autorités, face aux nouveaux Césars ?

L’action politique, la vie publique, c’est notre vie quotidienne, il est normal de s’y intéresser, voire de s’y impliquer, s’y passionner même, pour contribuer à rendre la vie collective meilleure, pour participer, améliorer ce vivre ensemble qui s’effiloche de jour en jour.

L’Eglise, en tant qu’institution a un rôle spécifique à jouer, différent de celui que nous pouvons jouer, individuellement, là où nous sommes, sans penser pour autant que le monde puisse devenir le Royaume, autrement dit en luttant pour la justice sans prétendre en extirper tout le mal. Ce sera une lutte incessante.

Les disciples ont reçu pour mission ce que Palmyre vient de vous lire dans Math. 28 : évangélisez, baptisez, exhortez vos prochains à se libérer de cette culpabilité diffuse, cette angoisse devant la vie, à s’approprier les enseignements du Christ et ainsi naître de nouveau chaque matin,

Mais aussi, respectez votre prochain, dans sa diversité, sa culture, sa langue, comme le firent les apôtres le jour de Pentecôte

Eh oui, c’est bien compliqué, car en plus, L’Eglise a reçu une mission de témoignage, d’interpellation des autorités civiles, de les rappeler à l’ordre, à l’ordre voulu par Dieu pour le bien des hommes habitant cette terre.

Eh oui, frères et sœurs, lorsque nous disons le Notre Père, la troisième requête est bien : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » ? Car cela aussi se trouve dans les Ecritures (Math. 6 et Luc 11).

Mais la volonté de Dieu sur la terre ne s’accomplira pas juste en levant les yeux vers le ciel, ou par une prière un peu molle, il faudra mouiller la chemise, car c’est par nous, à travers nous, nous seuls, que cette volonté peut s’accomplir. Vous voyez notre responsabilité dans cette histoire !!

Alors certains en ont conclu qu’il fallait faire advenir le Royaume sur la terre, et que ce serait « sur la Terre comme au Ciel ». Comme le firent les jésuites en Amérique latine ou plus proche de nous les communautés agraires post soixante-huitardes de disciples d’Emmanuel Mounier, mais ça ne marche pas.

D’autres en ont conclu qu’il fallait descendre dans l’arène, et alors créèrent des partis politiques « chrétiens », des syndicats « chrétiens », mais ça ne marche pas non plus.

Ça ne marche pas car ils ont oublié que le rôle de l’Eglise n’est pas de rester entre soi, mais bien de se dissoudre comme le sel dans l’eau pour faire progresser la volonté de Dieu.

Non, le rôle de l’Église n’est ni de se retrancher du monde, ni de descendre dans l’arène, mais d’interpeller, rappeler les enseignements de JC, conserver sa capacité d’indignation lorsqu’elle constate des méthodes de gouvernement contraires à la volonté de Dieu.

Jésus ne dit rien d’autre dans la prière sacerdotale (Jean 17) :

« Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Mais comme tu m’as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. »

Nous sommes dans le monde mais nous ne sommes pas du monde : Un peu comme sur un terrain de rugby, vous reconnaissez les équipes avec leur maillot distinctif, et puis un homme habillé en noir (tiens, tiens !!) qui semble courir lui aussi après la balle, mais il ne la touche pas. Et l’on voit très vite que son rôle est particulier : il siffle de temps en temps, réprimande quand il estime que la règle n’a pas été respectée, met parfois la main à sa poche...

Oui, Il y a du travail sur le terrain de sport, et il y en a aussi beaucoup sur le triste terrain de jeu qu’est devenue notre planète.

Et curieusement, même si chacun de nous a l’impression de dépenser beaucoup d’énergie, chacun dans sa paroisse, nos Eglises-institutions semblent souvent silencieuses, comme un arbitre qui ne sifflerait jamais de faute, qui aurait perdu ses sifflets et ses cartons jaunes.

Heureusement, dans certaines circonstances, des chrétiens, investis par le Saint-Esprit, ici ou là se lèvent.

Ce fut le cas derrière le rideau de fer où cette résistance spirituelle fut menée par des prêtres en Pologne, des pasteurs en Allemagne de l’Est entraînant derrière eux leur Eglise toute entière.

En 1934, face aux exigences du régime nazi, une partie de l’Eglise protestante allemande a dit NON, créant ainsi une Eglise Confessante dont bien des membres paieront le prix fort.

Chez nous, en 1941, 16 membres de l’ERF, dont 13 pasteurs et 3 femmes ont, en l’absence d’une parole publique de l’Eglise pris l’initiative, sans aucun mandat, de rédiger ce que l’on appelle « Les Thèses de Pomeyrol. », 8 affirmations sur une page, tapées sur une machine à écrire par J. Cadier (des brigades de la Drôme), rappelant le gouvernement de Vichy à l’ordre, déclenchant un large mouvement de résistance spirituelle dans la France protestante et bien au-delà.

Et alors, aujourd’hui ?

Les pères fondateurs de l’Europe étaient tous animés par une foi chrétienne et leur volonté de faire prévaloir la paix, la réconciliation dans le respect de la diversité, le progrès de peuples en reconstruction.

Aujourd’hui, la paix est pour tous un acquis durable qui ne mobilise plus personne et si d’élargissement en élargissement l’on construit une Europe seulement économique, un grand supermarché, on construira aussi une Europe sans âme, une Europe sans conscience, une Europe qui aura perdu l’homme de ses préoccupations.

L’enjeu aujourd’hui est de proposer aux européens un projet de vie en commun mobilisateur, d’équité, de justice, de cohésion sociale, de respect de chacun, bref, de fraternité et de recherche du bien commun où chacun des 475 millions d’européens sera considéré comme une personne unique et non comme un code-barres.

Si la classe politique est défaillante dans cet enjeu, alors les Eglises peuvent jouer ce rôle.

Après ces élections, le traité de Lisbonne prévoit une rencontre trimestrielle entre le président de la commission et les autorités religieuses, un peu comme Gap Espérance ici.

Les Eglises sauront-elles parler d’une seule voix, pour rendre leur discours compréhensible, sauront-elle parler assez fort ?

Fin Avril, la Conférence de Eglises Européennes, qui regroupe toutes les confessions chrétiennes (hormis l’église catholique romaine) a adressé une lettre ouverte aux 27 chefs d’Etat. Il nous faut prier pour que cette initiative soit féconde et suivie de beaucoup d’autres.

Parler haut et fort d’une seule voix au nom de Christ qui nous réunit tous, voilà l’enjeu européen de nos Eglises, et en particulier nos Églises de la Réforme, héritières de ce Luther, obscur petit moine, qui missionné par personne, sinon par sa seule conscience, en placardant ses 95 thèses sur les portes des églises de Wittenberg un 31 octobre déclencha, à son corps défendant un véritable tsunami spirituel et des bouleversements politiques qu’assurément il n’avait pas prévus.

Et à propos des thèses de Pomeyrol, G. Casalis, l’un des 16, (il avait 24 ans) dira plus tard qu’elles contribuèrent à « faire émerger une Eglise confessante prête à payer le prix de la grâce ». Et nous, quel prix sommes-nous prêts à payer ?

Amen !


François PUJOL