Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 16 Novembre 2014

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :

Matthieu 25, 14-30,

Proverbes 31, 10-31

1 Thessaloniciens 5,1-6

« Qu’as-tu fait de ton talent ? »

Nous venons de lire la parabole des talents.

Pour nous, aujourd’hui, le mot « talent » désigne l’aptitude, le don, la capacité d’une personne à résoudre un problème, dans quelque domaine que ce soit.

Et cette parabole est très précisément à l’origine de cette signification du mot. Mais elle est incompréhensible si l’on ne connait pas le sens initial de ce mot :

A l’époque de Jésus, le talent est une unité de mesure qui vaut environ 30 kilos et dans cette parabole, il s’agit de 30 kilos d’argent, soit environ 20 années de salaire d’un employé.

Le maître remet donc à ses serviteurs une fortune appréciable, de 150 kilos d’argent pour l’un à quand même 30 kilos pour le troisième.

Venons en à la parabole elle-même.

Le maître part en voyage et remet à ses serviteurs tous ses biens. Il s’en va, il ne leur donne aucune consigne. Il ne va pas chercher à diriger ou à contrôler de loin. Il laisse ses serviteurs complètement responsables de l’usage qu’ils en feront. Et il ne dit pas quand il reviendra.

Tout ce que le maître possède, il l’a confié à ses serviteurs. Et ils ont reçu ainsi beaucoup plus que ce qu’ils avaient alors en propre, probablement aussi bien plus que ce qu’ils ne pouvaient jamais espérer avoir. Quelle signification faut-il alors donner à ces dons ? Faut-il rester sur leur signification matérielle ou faut-il voir dans ces talents autre chose, un bien que les serviteurs ne pouvaient recevoir à la naissance ni gagner eux-mêmes par la suite ? Recevaient-ils ainsi un bien que seul le maître possédait en propre et qu’il leur confiait ?

C’est bien cela qu’il faut comprendre. Jésus parle ici de la relation entre Dieu et les hommes. Les talents qui sont confiés par Dieu à l’Eglise sont son amour et sa parole, cette parole qui libère et qui change les humains en hommes debout, en adultes.

Longtemps après, le maître revient et fait les comptes. Il y a toujours un moment où il faut faire le bilan de ce qui a été. Et le bilan qui doit être fait est celui de la mise en valeur de ces dons que le Seigneur avait remis. Qu'en est-il de l'amour de Dieu, de l'annonce de l'Évangile, de cet amour et du salut donné à tous ?

Les deux premiers serviteurs ont cru. Ils ont cru que cette parole qui leur était confiée était vraiment devenue leur parole. Ils se sont empressés de la semer, et ces semailles ont rapporté du fruit en abondance. Ils ne se sont pas posé de questions, ni embarrassés de savoir si la parole qui leur était donnée était une parole humaine ou une parole divine, et si l'Esprit était un Esprit d'en haut ou d'ici-bas. Ils se sont conduits comme des apôtres, comme des héritiers du Christ.

Le troisième serviteur lui n'a pas compris la signification de cette relation d'amour et de confiance que Dieu désirait. Il n'a pas cru que son maître l'aimait et lui faisait confiance. Il a eu peur. Il a eu peur parce qu'il savait que son maître avait un pouvoir surnaturel : « il moissonne ce qu’il n’a pas semé et il ramasse ce qu’il n’a pas planté ». Peur aussi parce qu’il savait qu’un jour il lui faudrait rendre des comptes. Peur aussi peut être parce que l’enseignement qu’il avait reçu, loin de lui présenter Dieu comme une source de vie, de bénédiction et d’amour en qui on peut avoir confiance lui avait montré un Dieu jaloux, exigeant, intransigeant dont il fallait à tout prix suivre la loi. C’est cette peur qui l’a paralysé, qui l’a empêché de partager le don reçu. Il a pensé qu’il fallait strictement appliquer la volonté de Dieu, sans comprendre ce qu’elle était vraiment dans ce cas. Le talent est devenu pour lui un poids, un fardeau impossible à porter. Matthieu nous dit qu’il creusa un trou dans la terre et l’y cacha. C’était un moyen de l’oublier, ou en tout cas d’en renier la responsabilité et aussi d’être assuré de le rendre en l’état, et ainsi ne pas risquer les foudres de son Dieu.

La peur lui a fait avoir une vision déformée de Dieu, et donc aussi de lui-même, des autres, de la vie: ce qu'il n'arrive pas à saisir au plus profond, c'est la grâce! Il ne comprend pas qu'à l'origine de tout être, il y a ce don gratuit de Dieu, le geste gratuit et généreux d'un Dieu qui donne la vie, qui nous autorise à vivre, qui nous bénit dans cette vie! Cette autorisation à vivre, cette parole première de bénédiction, c’est ce que nous rappelle notre baptême! Voilà ce que nous avons tous reçu et que nous pouvons faire fructifier, dans la mesure où nous prenons le risque de vivre vraiment, d'aller à la rencontre des autres, de leur faire confiance.

Le serviteur qui a peur n’ose pas cette expérience. Sa peur l'empêche d'avancer, de faire un pas vers l'autre, d'entrer dans le courant de la vie... La peur le paralyse. Il croit en un Dieu arbitraire, un Dieu qui ne cesse de demander des comptes, un Dieu qui juge ou condamne, un Dieu qui nous réclame toujours l'impossible et devant qui l'on ne peut être qu'en défaut.

C’est maintenant, en fait, qu’apparait l’essentiel de la parabole, à savoir que ceux qui se font une mauvaise idée de leur maître, c’est à dire une idée archaïque de Dieu, peuvent difficilement comprendre et accepter ce qu’il leur demande dans ce cas, et, s’ils y arrivent, ne s’empresseront pas de l’accomplir. Ceux qui, en effet, le voient méchant, arbitraire, violent et injuste, ou pire encore, inutile, et ils sont nombreux parmi nos contemporains, ne peuvent entrer, nous le comprenons bien, dans sa démarche.

Et c’est alors la responsabilité de l’Eglise et de chacun de nous de faire connaitre sans tarder notre maître, de le faire connaitre comme un maître qui nous aime, comme un maître « doux et compatissant » qui nous fait confiance, tout le contraire d’une divinité dure et menaçante. C’est notre responsabilité de serviteurs de dire autour de nous que Dieu est fidèle, au lieu de laisser dire qu’il est un despote injuste et violent, et de ne pas laisser tant de personnes s’endormir dans cette idée fausse, comme semble le faire le troisième serviteur.

C’est notre responsabilité aussi de lire et relire sans cesse les Écritures, comme nous le faisons en ce moment même, pour y découvrir, et pour faire découvrir à d’autres que nous les richesses et les bénédictions de sa parole.

Nous tous, lecteurs et destinataires de la parabole de ce jour, nous sommes nommés serviteurs du maitre, et nous disposons donc d’au moins un talent de « bonne nouvelle » à partager, à faire fructifier, à « placer », en quelque sorte, à investir avec discernement dans le monde.

Nous sommes porteurs de cette valeur inestimable. À nous de savoir ce que nous voulons en faire. Nous pouvons, comme ce troisième serviteur, garder cette parole pour nous-mêmes parce que nous la trouvons trop lourde, trop lourde à mettre en œuvre et impossible à supporter. Choisissons plutôt, comme les autres serviteurs, de la proclamer au monde, autour de nous, afin que cette parole porte du fruit.

Amen

Jean Jacques Veillet