Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 2 octobre 2011

St Laurent du Cros (05)

Lectures du Jour :

Esaïe 5, 1-7

Philippiens 4, 6-9

Mt 21, 33-44

Les mauvais vignerons

Lorsque j'ai commencé à faire des recherches sur ce texte, j'ai été très surprise (et un peu découragée!) de trouver très peu de prédications ou de documents: la plupart reprenaient les paraboles des ouvriers de la 11ème heure ou des deux fils et chaque fois que je tombais enfin sur un Mt 21, ce n'étaient jamais les bons versets!

Alors, j'ai commencé à me demander si c'était à cause de l'extrême violence de toute cette histoire ou d'une conclusion qui nous rappelle des engagements face auxquels nous nous sentons parfois pas très inspirés ou un peu tièdes.... « il donnera la vigne en fermage à d'autres vignerons qui lui remettront les fruits en temps voulu »

C'est peut-être cette difficulté qui m'a poussée à explorer cette parabole qui est à la fois très pédagogique, claire, imagée et pourtant assez difficile à comprendre. En tout cas pour moi.

Mon « fil rouge », ce sera:

« Comment partir de la violence pour en arriver à l'amour? »

Je dirais: « En partant du début »!

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Il était une fois le propriétaire d'une vigne qui l'entourait de tous ses soins.

Une barrière, une clôture, pour la protéger de l'extérieur.

Une tour pour voir les dangers arriver.

Un pressoir pour ne garder que le meilleur du raisin.

Ce propriétaire, c'est Dieu et cette vigne, objet de tous ces soins, c'est la plus noble des plantes, le symbole de tout ce qui est puissant, excellent et fructueux: c'est le peuple d'Israël, vigne plantée dans la terre promise, sur les collines de la Palestine.

Le maître de ce domaine porteur de fruits promettant une belle vendange, s'absenta.

Il avait donc entière confiance dans ces vignerons, avec lesquels il avait signé comme qui dirait, un contrat d'exploitation.

En effet, Dieu avait conclu une alliance avec son peuple; il faisait confiance aux guides d'Israël, les chefs religieux pour que ce peuple vive assuré de son amour et dans le respect de cette confiance.

Et quelle n'est pas sa déception lorsqu'il réalise que ces hommes ne respectent rien...

La confiance bafouée, ça fait mal, ça met en colère mais surtout, surtout, ça peine énormément.

Et puis, quelle violence s'exprime ici sur cette terre de Palestine, (hier comme aujourd'hui d'ailleurs)!

Les premiers qui souffrent, ce sont les serviteurs, ces prophètes envoyés tout au long de l'histoire vers le peuple d'Israël pour lui rappeler son alliance.

Prophètes refusés, prophètes maltraités, prophètes lapidés c'est à dire torturés avant la mort. Matthieu fait monter cette violence. Il fait certainement référence, au moment où il rédige son évangile (environ en 70 après la naissance de Jésus-Christ), à une aggravation des relations entre les chrétiens et les chefs des juifs, les grands prêtres.

Le dernier envoyé auprès des vignerons comme un espoir évident, c'est Jésus, le fils.

C'est lui qui représente entièrement le maître de la vigne et offre encore une fois aux vignerons la possibilité de se repentir: « ils me respecteront » pense le propriétaire; c'est à dire « ils me respecteront dans la personne de mon fils ». Mais non, l'inimaginable, l'invraisemblable se produit: le fils est tué, le père, à travers lui, est rejeté. L'alliance est bafouée et le terme de « peuple élu » n'a plus de sens.

Le texte faire dire aux vignerons: « nous tiendrons l'héritage »! et le mot hébreu utilisé dans le texte signifie là: « déposséder » et même, « rendre pauvre »: nous déposséderons le père de son fils, nous le rendrons pauvre et nous aurons la richesse, le pouvoir sur le Bien de Dieu.

Alors, pour punir ces vignerons assassins, ces chefs d'Israël qui ont tué Jésus, ces guides qui ont failli à leur mission de veille sur le peuple de l'alliance, Dieu leur retire sa confiance.

Et c'est là la pire des punitions et le pire des affronts qu'il puisse leur faire.

Car il la leur retire pour la donner à ceux que ces grands de l'élite religieuse juive méprisaient le plus: les païens, les non-juifs, des convertis de Rome, d'Athènes ou d'ailleurs, des étrangers, des gens non fréquentables, des moins que rien.

Tous ceux qui commençaient à former une Eglise nouvelle aux côtés des juifs restés fidèles.

Dieu choisit ce nouveau peuple, lui offre sa grâce et n'attend de lui que le fait qu'il l'accepte et l'accueille.

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Je vous parlais en commençant d'une histoire d'amour qui suivrait toutes ces horreurs... On la découvre avec cette nouvelle alliance entre Dieu et les hommes.

Car nous pourrions légitimement nous dire que cette vigne et les beaux fruits qu'elle porte, … c'est un peu nous...

Nous pouvons en effet nous dire qu'une clôture nous permet de vivre apaisés, tranquilles, protégés. N'est-elle pas cette présence de Dieu à nos côtés, cette intime conviction d'être « veillés »?

La tour, elle, serait la foi, cet esprit qui nous tend vers le haut, qui nous détache du ras du sol, de nos visions étroites et nous permet de regarder de plus haut, plus loin et plus large.

Nous sommes libres d'y monter.

Quant au pressoir, c'est ce qui nous permet de faire le tri: ce qui est bon, dont on se régale et ce qui ne l'est pas, qui nous empoisonne la vie. Ce pour quoi nous sommes doués (un regard, un geste, une affection) et ce que nous ratons ou n'arrivons pas à faire (un mot, une main tendue, une prise de position). Nous sommes fait des deux, nous le savons et le pressoir nous aide à ne voir,ne garder et n'exprimer que le meilleur de nous-mêmes, ne voir et ne garder que le meilleur de ceux qui nous entourent.

C'est en mettant en valeur ce bon jus de raisin qui vient de chacun de nous que nous pouvons avancer. On serait bien bêtes de laisser ce jus tourner vinaigre à force de ne voir que le mou du raisin! …...

Dieu a à notre égard cette bienveillante indulgence qui peut nous donner confiance. Ecoutons le.

Il prend soin de nous.

Il nous envoie des serviteurs, des prophètes, tous ces hommes et ces femmes de bonne volonté, ces amis, ces gens de rencontre qui ont le courage de nous rappeler sa volonté quand nous n'avons pas trop envie de nous en souvenir...

Il y a aussi ceux qui depuis plus de 2000 ans nous ont précédé, ont entretenu la vigne dont nous avons hérité et dont nous préparons à notre tour la vendange.

Et puis nous avons eu la vie, les paroles et l'éternelle présence de cet homme, le fils chéri que le père a envoyé avec toute sa confiance.

Oui, Dieu nous aime d'un Amour absolu, gratuit et sans condition. Il nous connait bien, nous appelle chacun par notre nom et nous parle « au plus secret de nos coeurs ».

Sa seule espérance, c'est que nous acceptions cet amour, que nous le vivions tellement fort qu'il ne passe pas inaperçu, qu'il questionne, qu'il attire, qu'il accueille.

Cet amour, c'est notre HÉRITAGE.

A nous de le faire grandir, fructifier. Car nous ne sommes que les gérants de notre argent, de notre temps, de notre vie; ils disparaîtront avec nous (puisque nous sommes mortels, je vous le rappelle!) alors que l'amour, lui, restera et d'autres après nous en prendront soin à leur tour.

Alors, au travail, joyeusement et avec tous nos meilleurs côtés!

Dieu, par sa grâce, est à côté de nous pour nous aider à porter du fruit.

Amen !

Isabelle CHRISTOPHE