Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 1er octobre 2017
Trescléoux (05700)

Lectures du jour :
Ézéchiel 18, 25-28 (voir également sous cette référence, méditation du 1er Juillet 2012)
Matthieu 21, 28-32
Philippiens 2,1-11 (voir également sous cette référence, méditation du 25 Septembre 2011)
Il y a urgence !
Jésus vient d’entrer à Jérusalem, une entrée qui est décrite par l’évangéliste comme ayant suscité l’enthousiasme des foules. Ensuite, Jésus va jusqu’à la cour extérieure du Temple, où il provoque un incident en perturbant le commerce d’animaux nécessaire pour accomplir les sacrifices au Temple. Puis Matthieu montre Jésus au milieu de controverses avec les pharisiens et les scribes. Les pharisiens et les scribes sont les théologiens de l’époque, ceux qui étudiaient les écritures juives, en particulier la Torah, et les interprétaient. Ils sont présentés comme les adversaires impitoyables des prédicateurs tels que Jean-Baptiste et Jésus qui cherchent à apporter des changements aux pratiques juives de l’époque. Nous sommes au moment où Jésus vient d’avoir une discussion avec eux sur la source de l’autorité en vertu de laquelle il enseigne, et la parabole des deux fils que nous avons lue a pour but de montrer quelle est la volonté du Père et qui la suit.
Reprenons cette parabole :
Un homme avait deux fils. S’avançant vers le premier, il lui dit : « Mon enfant, va donc aujourd’hui travailler à la vigne ». Celui-ci lui répondit : »Je ne veux pas » ; un peu plus tard, s’étant repenti, il y alla. S’avançant alors vers le second, il lui dit la même chose. Celui-ci lui répondit : « J’y vais, Seigneur » ; mais il n’y alla pas. Et Jésus pose cette question : « Lequel des deux fils a fait la volonté de son père ? »
La réponse serait évidente si un fils avait dit «non» et n’avait pas été travailler, et que l’autre fils avait dit «oui» et l’avait effectivement fait. Mais ce n’est pas le cas et l’on est tenté alors de s’en tenir au résultat, ce qui est le plus simple. Le travail demandé a été fait par le premier fils, bien qu’il ait initialement refusé de le faire. Le second n’a pas fait ce qui lui était demandé. C’est bien évidemment le premier qui a fait la volonté de son père.
Quelle interprétation pouvons nous maintenant en donner : Le second fils représente bien sûr les juifs traditionnels qui suivent à la lettre la Torah et l’interprétation qui en est donnée par les pharisiens et les scribes, respectant toutes les obligations et les interdits. Ce faisant, ils ne s’occupent que d’eux-mêmes et délaissent leur prochain, c’est-à-dire la vigne de leur Père. Le premier fils correspond, lui, dans cette parabole, à toutes les catégories non croyantes ou méprisées de la population, représentées par les collecteurs d’impôts et les prostituées. Ils ne suivent pas forcément toutes les obligations de la religion juive mais ont entendu Jean-Baptiste puis Jésus, et en particulier leur recommandation de se soucier de leur prochain. Ils soignent la vigne de leur Père sans avoir forcément répondu à toutes ses demandes.
En conséquence, il semblerait normal que ces derniers aient accès au Royaume de Dieu, bien qu’ils n’aient pas, initialement, répondu favorablement à la demande de leur Père. Par contre, les interlocuteurs de Jésus, scribes et pharisiens, qui ont le comportement du second fils, ont répondu « oui » à toutes les demandes de leur Père mais n’ont rien fait ne devraient pas, nous semble-t-il, avoir accès au Royaume de Dieu.
Et voilà que tout se complique : Jésus, au verset suivant, dit à ses interlocuteurs: « En vérité, je vous le déclare, collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu ». C’est-à-dire que bien qu’ils n’aient pas fait ce que le Père leur demandait, les juifs traditionnels ne sont pas rejetés. Ils sont justes déclassés, placés après les catégories qu’ils méprisent.
Comment comprendre cela. En fait, Jésus cherche à nous faire réfléchir. Il ne nous offre pas de solution toute faite à la question essentielle qui est de savoir ce que Dieu attend de nous en réalité. Il nous propose, par cette parabole, une énigme qui prête à réfléchir, à nous poser des questions sur notre relation à Dieu.
Cherchons donc à mieux comprendre l’attitude du fils qui répond « Non », puis qui change d’avis et va travailler.
Sommes nous dans ce cas nous-mêmes? Ne voyons nous pas dans cette parabole un appel à évoluer, à nous convertir qui est un des éléments centraux de l’évangile. Grâce à cette parabole on voit un peu mieux ce que Jésus entend par là. Il ne s’agit même pas d’arriver à faire le bien, mais juste d’avoir une certaine ouverture d’esprit, une certaine écoute de Dieu qui permette de se remettre en cause et de faire un premier pas dans une perspective positive.
Regardons l’appel que Dieu nous adresse, selon Jésus :
« Mon Enfant, va aujourd’hui travailler dans la vigne. »
- « Mon Enfant » : Il y a dans ce mot la tendresse de Dieu pour nous. Et en même temps nous sommes un enfant, nous avons encore à apprendre, à grandir, à progresser.
- « va » : Dieu ne s’adresse pas à nous globalement en nous disant « allez ». Le Père s’adresse individuellement à chacun, et sa volonté, fondamentalement, c’est de nous voir capable d’évoluer.
- « va aujourd’hui » L’appel de Dieu est urgent ; c’est maintenant qu’il faut y aller, maintenant ou jamais.
- « travailler dans la vigne. » Ce n’est même pas « la vigne de Dieu », c’est « la vigne » tout court, notre vigne à nous, les humains et à lui, notre Dieu. La vigne, dans la Bible c’est à la fois l'humanité et c'est chacun de nous individuellement. Dieu nous invite donc à aimer notre prochain et à participer à la construction de l'humain. C’est une question de joie ou de souffrance, de vie ou de mort pour nous et notre entourage. Ce n'est pas un examen : Dieu veut, naturellement, la joie, la paix, la vie pour chacun. Mais une vigne mal entretenue s'étouffe sans donner grand-chose
L’appel de Dieu est donc personnel, pressant et concerne l’humanité.
Qu'est-ce qui peut alors nous décider à finalement faire ce que Dieu voulait ? Surement d’abord l’amour de notre prochain. Peut-être aussi le sentiment que dans cette vigne, nous ne travaillons pas pour un patron pénible mais pour nous-mêmes, parce que c'est notre vie et que nous sommes chez nous dans ce monde. Peut-être aussi tout simplement le plaisir de faire quelque chose d'utile et de beau de ce temps que nous avons et de toutes ces qualités qui sont les nôtres. Il y a une vraie joie à voir pousser ce que l'on a semé... Et cette joie est encore plus grande quand ce qui germe est de l'humain, de la fidélité et de la bienveillance, quand germe un peu d’espérance véritable pour notre frère qui était désespéré.
C’est ce qui est arrivé aux prostituées et voleurs dont parle Jésus. Ils ont écouté l’appel à la conversion lancé par Jean-Baptiste et se sont mis en route avec le Christ. Ils sont encore prostitués et voleurs, mais au moins ils sont en chemin, et malgré tout, ils font ainsi la volonté de Dieu pour eux, à ce moment là
C’est donc un temps pour se convertir, un temps pour changer de mentalité et se mettre en route, grâce à Dieu.
Cherchons aussi à comprendre l’attitude du fils qui répond « oui » et qui ne va pas travailler.
Pourquoi n’y va-t-il pas ?
Ce peut être un intégriste qui critique Jésus comme trop libéral, mais prie et pratique les bonnes œuvres .Il répond présent à l’appel de Dieu mais ne se met pas en route. Il ne voit même pas ce qu’il y a à réformer dans sa pratique religieuse, dans sa lecture de la Bible, dans ses certitudes politiques, dans sa façon de se comporter avec les autres… Ces gens là disent « Moi Seigneur, je suis devant toi, je suis à toi »… mais il n’avancent pas d’un pouce, et la vigne se meurt, en eux et autour d’eux.
Mais si ce fils veut vraiment y aller, s’occuper de la vigne, et n’y arrive pas, c’est que faire le bien, aimer son prochain et s’occuper de lu,i c'est plus facile à vouloir qu'à faire.
Nous sommes parfois capables d’avancer, nous sommes parfois capables de comprendre et d’aimer notre prochain comme Dieu nous le demande et d’évoluer ensuite dans le bon sens. C’est bien. Mais souvent, bien souvent, nous sommes incapables d’avancer d’un pouce malgré toute notre bonne volonté. Le pardon et l’aide de Dieu sont la réponse à cette difficulté bien réelle, et l’appel à reconnaître en tout pécheur un frère en humanité.
L'essentiel, c'est la bonne volonté devant Dieu, c’est l’amour du prochain et l'envie de devenir une sorte de source de bénédiction en ce monde. L'essentiel, c'est cette espérance en Dieu. Le second fils nous invite à lui dire, en confiance, « Me voici, Seigneur, tel que je suis ». Dieu nous aide à cheminer, il nous montrera ensuite ce que nous pourrons faire dans la vigne.
Et l’on comprend ainsi que, quoi que nous répondions et fassions, nous avons une place dans son Royaume.
La conclusion donnée par Jésus est très encourageante. Tout nous est donné par Dieu gratuitement. Même les gens haineux qu’il a en face de lui entreront finalement dans le Royaume de Dieu, nous dit ici Jésus, ils seront seulement « devancés par les prostituées et les voleurs ». On ne peut pas dire que la menace soit terrible. Mais il y a tant de joie à avancer dans cette direction que chaque retard est une perte .
Amen !
Jean-Jacques VEILLET