Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 08 JANVIER 2012
Culte à Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Ésaïe 60,1-6 (voir également sous cette référence méditation du 06 Janvier 2013 et du 08 Janvier 2017)
Éphésiens 3, 1-6 (voir également sous cette référence méditation du 05 Janvier 2020)
MATTHIEU 2, 1-12
Bethléem contre Jérusalem
Chers frères et sœurs, encore un texte très connu, tellement connu que la tradition profane s’en est emparé, transformant ces mages, ces savants, en rois, et fixant leur nombre à trois au vu des cadeaux de 3 natures : or, encens, myrrhe (ce qu’Esaïe mentionne déjà) déposés aux pieds de l’enfant nouveau-né.
Le prologue de Matthieu
Les deux premiers chapitres de Matthieu constituent un prologue à l’évangile que l’on nomme parfois «l’évangile de l’enfance», car ils développent en quelque sorte pourquoi et comment la naissance de Jésus est advenue. Il faut remarquer que Matthieu est le seul à aborder tant la généalogie de Jésus que cet épisode des mages.
Donc nos évangiles dits « synoptiques » ne sont pas si synoptiques que cela, bien qu’ils développent tous, après ces prologues, ce que l’on appelle la préparation du ministère de Jésus.
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Autant le prologue de Jean[1] met en évidence le caractère divin de Jésus, « Au commencement était la Parole, et la Parole était Dieu. Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, Personne n'a jamais vu Dieu; mais le Fils unique, est celui qui l'a fait connaître », autant ce prologue de Matthieu met en évidence l’incarnation de Jésus, c’est à dire Jésus, l’Homme[2], ce qui se manifeste comme pour vous et moi par la réponse à cette question : D’où vient tu ?
- Qui sont tes ancêtres ? La Généalogie de Jésus y répond : Je suis de la famille de David,
- De quelle région es-tu ? Ma famille est de Bethléem, et ici le divin réapparaît, montrant dès le 2° chapitre du N.T. le caractère messianique de cette naissance : Ma famille est de Bethléem ; mon arbre généalogique le prouve, mais aussi parce que j’accomplis la prophétie de Michée proclamée 8 siècles plus tôt, 8 siècles !! Et celle d’Esaïe.
Et là nous ne sommes plus dans un conte de Noël, mais nous entrons dans la théologie.
La confusion
Et en effet, nous célébrons en ces quelques jours qui suivent Noël, l’épiphanie, c'est-à-dire la reconnaissance de Jésus comme roi, et dès ce chapitre 2 va naître une confusion qui va poursuivre Jésus tout au long de son ministère sur le sens de ce mot « roi ».
Les mages arrivent à Jérusalem en claironnant « Où est le roi des juifs qui vient de naître ? » vous imaginez l’accueil qu’Hérode a dû faire à cette question.
Les scribes chargés d’interpréter les prophéties font la même erreur en traduisant la prophétie de Michée, car le chef dont il est question, qui paîtra Israël mon peuple, est un chef spirituel, de nature divine et les prophètes n’ont jamais parlé d’un chef politique.
On est frappé de ce manque de discernement des scribes et des prêtres, incapables de se placer dans une perspective divine et d’en discerner le projet.
C’est cette confusion qui fera une première victime d’Hérode, en la personne de Jean Baptiste, avant le « massacre des innocents »[3]
L’Etoile
Et puisque nous sommes en présence d’un texte théologique et non pas d’un joli conte de Noël, il nous faut maintenant parler de ce personnage singulier dans notre histoire, c’est l’étoile, qui guide de façon constante ces étrangers, païens, jusqu’à un terme qu’ils ne connaissent pas.
Quelle belle parabole ! Au terme d’un itinéraire guidé par Dieu, (l’étoile, les songes) sans en connaître le chemin, malgré divers obstacles et détours, nous sommes conduits à Jésus.
Et Jésus devient l’étoile, et le fait de savoir qu’ils sont arrivés au bout du voyage emplit de joie les mages, avant même d’entrer dans la maison, et de découvrir le but de ce voyage.
Cette parabole manifeste dès le 2° chapitre du N.T. la suprématie universelle de ce nouveau roi : on vient des contrées les plus lointaines pour lui offrir l’or symbole de la royauté de l’enfant qui vient de naître, l’encens, utilisé dans le Temple soulignant sa divinité et la myrrhe pour l’embaumement des morts, qui préfigure sa mise au tombeau. C’est donc à un enfant-roi, d’essence divine, dont la mort est déjà annoncée que ces cadeaux rendent hommage.
Tous lui feront allégeance, les mages venus d’Orient en sont la synthèse :
- Ceux-là même qui détiennent la science, la connaissance, donc une certaine forme de pouvoir, s’inclinent devant cet enfant, car l’on n’est plus dans le registre du savoir, mais dans celui de l’espérance, de la foi et le point culminant de l’itinérance des mages va se situer là, dans cette maison de Bethléem.
C’est là qu’ils vont parcourir le plus grand bout de chemin, celui qui consiste à renoncer à son statut social, à l’affirmation de soi, pour s’agenouiller, pour rendre hommage à un enfant. Pour Matthieu, l’entrée dans la maison est l’aboutissement, l’accomplissement, au sens où Jésus emploie ce mot sur la croix, de leur «trajet derrière l’étoile».
Le parcours géographique des mages semble donc secondaire par rapport à leur itinéraire spirituel, qui les mène de l’observation d’une étoile, à l’adoration d’un roi nouveau. Cet itinéraire spirituel met accessoirement en évidence leur capacité à s’affranchir des pressions de l’autorité temporelle.
- Allégeance des nations : les premiers à l’adorer, dans Matthieu, sont des étrangers, manifestant ainsi dès ce chapitre 2, la place positive, bénéfique, qu’auront les étrangers tout au long des Evangiles, comme ils l’ont dans l’ancien testament : Joseph recueilli par le pharaon, Ruth la moabite que l’on retrouve dans les ancêtres de Jésus, Cyrus le Perse qui libère les juifs de Babylone, et dans le chapitre qui suit notre méditation, Jésus lui-même trouve refuge en Egypte où il devient un étranger.
Tout ceci pour nous mettre en garde, pour nous rappeler en ces temps de désordres démographiques, de flux migratoires en expansion, générateurs de réflexes compréhensibles de repli sur soi, de rejet de l’inconnu, que sur cette terre, il n’y a pas d’étrangers[4], nous sommes tous frères en humanité, unis par le sacerdoce de Jésus Christ.
Bethléem contre Jérusalem
On a donc 2 attitudes en totale opposition, celle des mages que nous venons de décrire et celle d’Hérode, accroché à son pouvoir, prêt à tous les complots pour rester dans cette cité de Jérusalem, symbole du pouvoir politique.
Et la naissance de Jésus à Bethléem n’est pas due seulement à un improbable recensement mais elle se veut un symbole lourd de sens :
- La royauté de Jésus se satisfait d’une petite bourgade, de naître dans une modeste maison ou une étable, car sa puissance n’a pas besoin des attributs habituels des rois pour s’exercer,: " Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n'est pas d'ici. " Jn 18:36- répondra Jésus lors de son procès.
- En naissant à Bethléem, cité de David, Jésus affirme sa légitimité au-dessus de tout autre personnage, pour être le roi des juifs
- Enfin naître à Bethléem, qui signifie « la maison du pain » nous projette déjà dans le dernier repas de Jésus.
A ce basculement des «lieux de pouvoir», symbolisé par le passage de Jérusalem à Bethléem, fait écho le renversement des attitudes, des comportements.
Sous les yeux des mages, s’inaugure une nouvelle manière d’être roi, caractérisée par le dépouillement, et surtout une nouvelle manière d’être, tout simplement.
La rencontre entre les mages et Jésus inaugure l’émergence d’un peuple nouveau, d’hommes et de femmes qui se tourneront plutôt vers Bethléem que vers Jérusalem, dont les relations avec leurs voisins, qui deviendront leurs prochains, seront fondées sur l’amour, l’humilité et le renoncement.
Ceux-là participeront à la gloire du Christ ressuscité. Ils seront saisis de la même joie que celle des mages enfin arrivés au terme de leur voyage, car leur espérance les fait se mettre en marche en confiance, sûrs d’arriver à bon port.
Nos Eglises
Cette opposition ou plutôt cette alternative Jérusalem/ Bethléem nous renvoie à nos communautés, sont-elles plutôt dans l’auto satisfaction de bien connaître les Saintes Ecritures, dans leurs temples bien solides, à l’architecture ostensible, sont-elles des lieux où se jouent des rapports de forces, des enjeux de pouvoir, donc plutôt Jérusalem, ou bien, plutôt Bethléem, mettant leurs connaissances, leurs dons, au service de cet enfant, dans la même disposition d’esprit, dans la même démarche d’humilité, de disponibilité exprimée par les mages, entrant dans une maison ou une étable, qui ne sera qu’un lieu d’hébergement provisoire.
Cette question renvoie à celle du rôle de nos communautés : sont-elles toujours les témoins de cet amour reçu, de cette présence constante à nos côtés, que nous devons annoncer, proclamer, en tous lieux, en temps et hors de temps, comme le disait Paul.
Le message qui nous est délivré ce matin nous encourage à nous mettre en marche, aller en confiance vers des lieux inconnus, vers des gens inconnus, vers des êtres qui nous sembleraient aujourd’hui aussi étranges que l’étaient les mages, accorder davantage de place à ceux qui «viennent de loin» et peuvent ainsi nous remettre en question,
« Ce mystère, c'est que les païens sont cohéritiers, forment un même corps, et participent à la même promesse en Jésus Christ par l'Évangile », que ce verset de Paul puisse nous accompagner, accompagner notre Eglise tout au long de cette année.
Amen !
François PUJOL.
[1] Jean 1,1-14
[2] « Le fils de l’Homme », comme il se nomme lui-même,
[3] Matthieu 2,16-18
[4] C’est aussi le slogan de la CIMADE (créée en 1939 pour accueillir les réfugiés fuyant le nazisme, en premier lieu ceux d’Alsace-Lorraine -200.000-), par 3 femmes : Suzanne De Dietrich, Madeline Barot, et la marseillaise Jane Schlœsing.