Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 13 Avril 2014
Trescléoux (05700) Dimanche des Rameaux

Lectures du Jour :
Esaïe 50, 4-7
Matthieu 21, 1-13
Philippiens 2, 5-11
Un Homme dans la ville
Frères et Sœurs,
Nous nous retrouvons une nouvelle fois en ce jour des Rameaux, jour de fête, en ce printemps ensoleillé, mais fête ambigüe où en 4 jours, la foule qui proclame « « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » où Hosanna ! signifie : « Sauve !, accorde le Salut », cette foule criera 4 jours plus tard « Crucifie-le » !
Mais aujourd’hui, Jésus entre dans Jérusalem et celui qui entre dans la ville, c’est le Fils de Dieu, qui vient juste, encore une fois de guérir deux aveugles à la sortie de Jéricho. Ces 2 aveugles qui le suivront et symboliquement, pourront eux aussi recevoir la lumière du Salut.
Celui qui entre dans la ville c’est le Messie, et pour bien nous le faire comprendre, Matthieu nous inonde de références à l’Ancien testament :
Tout d’abord ces acclamations issues du Ps. 118.25 « Éternel, accorde le salut! Béni soit celui qui vient au nom de l'Éternel! »
Puis :
Es.62.11 : « Voici ce que l'Éternel proclame aux extrémités de la terre: Dites à la fille de Sion: Voici, ton sauveur arrive; »
Zach.9.9 : « Sois transportée d'allégresse, fille de Sion! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici, ton roi vient à toi; Il est juste et victorieux, Il est humble et monté sur un âne, Sur un âne, le petit d'une ânesse. »
Zach. 14.4 : Ses pieds se poseront en ce jour sur la montagne des oliviers, qui est vis-à-vis de Jérusalem, du côté de l'orient ».
Jérémie 7 : Référence aux bandits dans le Temple, peu avant sa 1° destruction
Le Seigneur
Alors, Avant d’aller plus loin, une petite remarque sur le verset 3 : « Si quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez: Le Seigneur en a besoin »
Or ni Matthieu, ni Marc n’utilisent dans tout leur Evangile ce mot « le Seigneur ». C’est une expression qui ne sera utilisée que plus tardivement par les premiers chrétiens qui désigneront ainsi Jésus, après Pâques. Cela peut confirmer que Matthieu a repris un texte antérieur (son Evangile est assez tardif – vers 80) écrit par des disciples pour une liturgie naissante commémorant, chaque année cet évènement, comme nous le ferons tout à l’heure pour la Sainte Cène, relisant dans les Evangiles comment Jésus l’a instituée.
Un homme dans la ville
Jésus entre dans la ville assis sur un âne, en roi manifestant sa volonté de paix avec ses habitants.
Mais à partir de ce moment, ce n’est plus Jésus le Fils de Dieu, mais l’homme, qui se trouvera dans Jérusalem. Pilate le confirmera malgré lui, lorsqu’il dira à la foule « Voici l’Homme ». L’entrée dans Jérusalem est un voyage sans retour : Jésus ne retrouvera sa dimension divine que lorsque tout aura été accompli.
Pour l’heure, la ville est « secouée » par cette entrée (comme par le dernier tremblement de terre), Matthieu utilise la même expression que pour la naissance de Jésus, comme si une boucle était en train de se refermer.
La foule dit de Jésus « c’est un prophète », pas forcément « le Messie. » Et nous que disons-nous de Lui ? Car si nous disons de Jésus, simplement par exemple « Je pense que c’est le Fils de Dieu », ce qui serait une opinion comme une autre, il peut nous arriver la même chose qu’à la foule : Aujourd’hui « Hosannah », dans 4 jours « Crucifie-le »
Les dernières municipales nous ont rappelé encore une fois la versatilité des peuples, lorsqu’ils sont déboussolés, secoués..
Alors que si je dis au plus profond de moi : « Jésus est mon Sauveur », c’est une conviction, une confession qui m’accompagnera toute ma vie, avec Lui à mon côté. Ce n’est plus du tout la même chose : on a remplacé une opinion par la Foi.
Et les choses vont assez vite déraper. Dès son arrivée, Jésus va mettre de l’ordre dans le Temple et la foule, ne comprenant pas son geste se détournera de Lui. Ses disciples non plus ne comprendront pas ce qui se passe, à partir de l’entrée de Jésus dans la ville. Et pourtant, par 3 fois, dans les jours qui ont précédé, il leur a dit « Il faut », « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup... qu’il soit rejeté par les scribes, qu’il soit mis à mort et qu’il se relève trois jours après », dans Marc. Mais eux pensent « Il ne faut pas ».
Et de fait, il n’y en aura qu’un seul au pied de la croix. Et les autres, où sont-ils passés ?
Jésus va donc chasser les marchands du Temple, épisode ayant donné lieu à bien des interprétations, mais qui est pourtant porteur d’un symbole fort.
S’il y a des marchands au Temple (sur le parvis), c’est que nous sommes en pleine fête de pessah (qui sera suivie par Chavouot), où convergeaient vers Jérusalem tous les juifs du bassin méditerranéen (Flavius Josèphe parle de 3 millions de personnes), qui devaient changer leur argent pour pouvoir acheter les colombes du sacrifice en mémoire du sang de l’agneau qui a sauvé les hébreux pour leur sortie d’Egypte.
Or Jésus renverse les tables des changeurs et des vendeurs de colombes, car bientôt par son sacrifice sur la croix, le sang de l’agneau sera de nouveau versé, cette fois pour le salut de toute l’Humanité, et dès lors étant rachetés, justifiés, tout nouveau sacrifice deviendra inutile.
Ses contemporains pouvaient-ils comprendre cela ? Evidemment non, car il faudra attendre le 3° jour pour reconstituer ce puzzle.
L’hymne aux Philippiens
L’un des premiers à avoir compris quel était l’enjeu de cette ultime semaine, c’est Paul, dont la lecture ce matin de ce que l’on appelle «l’hymne aux Philippiens» n’est pas fortuite, car elle est propre à dissiper le malaise qui pourrait subsister de cette fête des rameaux.
En effet cet hymne est une des premières confessions de foi à destination de ces néo-chrétiens, sans aucune référence,[1] pour leur permettre de clarifier ce en quoi ils croyaient, de clarifier le statut, la mission passée, le rôle à venir de Celui en qui ils fondent leur foi et leur espérance, et quelle relation ils peuvent établir avec Lui.
Vingt ans seulement, après la résurrection de Jésus, sans aucun texte repère, il élabore une confession de foi centrée sur Jésus-Christ qui doit être la plus claire possible pour être reprise par les communautés naissantes et proclamée comme « la bonne nouvelle ».
Alors Paul reformule cette confession de foi :
- Ayez les uns envers les autres les mêmes sentiments que ceux de Jésus à votre égard, que l’on trouvera 30 ans plus tard dans les évangiles : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »)
- Jésus fils de Dieu, est de nature pleinement divine, il est l’égal du Père,
- Mais il ne s’est pas prévalu de ce rang divin
- IL s’est vidé de sa nature divine pour se faire totalement homme[2] au milieu des hommes,
- IL a été reconnu comme tel par tous les hommes qui l’ont rencontré,
- IL est allé au bout de sa condition humaine, en acceptant les pires conséquences : la mort, donnée par ces hommes mêmes au milieu desquels il est venu, la pire des morts, celle réservée aux esclaves[3], aux bandits, aux « terroristes » : la mort sur la croix.
- Mais Dieu l’a relevé (d’entre les morts), par la résurrection, et lui a redonné sa puissance divine en l’établissant « maître des nations »
- Ainsi, tout genou qui se fléchira, toute langue qui proclamera Jésus-Christ comme son Seigneur pourront accéder eux aussi à la dimension divine, devenant « citoyens des cieux » (3, v.17).
L’hymne aux Philippiens nous donne la bonne clé de lecture :
- De même que Jésus s’est vidé de sa nature divine pour endosser forme et surtout condition humaine, s’abaisser jusqu’au plus bas de cette condition, pour ensuite, par la volonté de Dieu, être relevé par la résurrection, et retrouver sa nature divine,
- De même que Paul, immergé dans sa « judaïté », exemple d’observance de toutes les traditions, intellectuel brillant, élève de Gamaliel (le président du Sanhédrin), appelé à monter rapidement dans la hiérarchie, s’est vidé de tout ce qui faisait son « vieil homme », pour, après avoir été abaissé par Dieu, après être devenu aveugle, totalement dépendant des autres, renaître, devenir un homme nouveau, libéré, disponible pour le service de Christ,
- De même, nous sommes appelés à cette imitation : nous vider de notre ego, de tout ce qui nous a façonnés jusqu’à aujourd’hui, nous départir de nous-mêmes pour redevenir ce que nous sommes réellement, un enfant de Dieu, démarche sans laquelle nous ne pouvons pas nous approcher de la croix et nous laisser habiter par Jésus-Christ.
Alors seulement, dans cette quête de vérité absolue, nous serons « justifiés », non par nos propres mérites, mais par le don de Dieu. Nous serons réconciliés avec notre Créateur grâce au sacrifice de Jésus Christ, qui scelle une nouvelle alliance, nous ouvrant l’accès à la dimension divine. C’est ainsi que nous devons comprendre les paroles de Jésus : « Je suis le chemin » de réconciliation avec le père, « je suis la porte » d’entrée, selon sa promesse : « Celui qui croît en moi, il a la vie éternelle », ainsi nous pouvons être « sûrs de notre salut » (pour reprendre une expression du Réveil).
Voilà la théologie, la Christologie qui découle des affirmations de Paul dans sa lettre aux Philippiens.
Alors Paul peut renouveler ses recommandations, répétées plusieurs fois dans le texte : Soyez disposés à l’appel céleste de Dieu en Jésus Christ, tenez ferme, combattez pour la bonne nouvelle et surtout, réjouissez-vous ! (alors que lui-même était en prison), ce qu’il répète tout au long de cette lettre, oui réjouissons-nous en ce dimanche des rameaux, chantons avec la foule, l'espérance, l'attente du salut : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le règne de Dieu qui vient ! Hosanna ! Sauve-nous, Seigneur ! »
Amen !
François PUJOL
[1] (le dernier livre du canon hébraïque, Malachie avait tout de même 4 siècles, et il annonçait le messie sans plus de précision, et même le retour d’Elie, d’où cette question de Jean Baptiste à Jésus « Est-tu Elie ? »
[2] C’est le sens du baptême qu’il demande à Jean-Baptiste
[3] Les citoyens romains ne pouvaient être crucifiés.