Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 24 Mars 2013

Culte des Rameaux– Trescléoux (05)

Lectures du Jour :

Matthieu 21 1-11

Esaïe 50,4-7

Philippiens 2, 6-11

Les rameaux : une fête tragique !

Nous venons de lire le récit de l’entrée de Jésus à Jérusalem.

Tous les évangiles racontent cette entrée, c’est dire l’importance que les évangélistes y ont accordé. Et pourtant ce n’est que le début de la semaine sainte qui va se terminer par la crucifixion puis la résurrection, événements autrement importants. Mais cet épisode est fondamental car déjà l’incompréhension de la mission de Jésus apparaît et le malentendu va commencer à s’installer entre une foule qui attend un roi et un Christ dont le royaume n’est pas de ce monde.

Tout commence dans la joie.

C’est l’entrée triomphale du Messie dans sa ville, avec pour monture singulière un âne, un animal paisible, la monture des humbles, selon ce qu’annonçait précisément Zacharie le prophète, non pas un cheval tirant un char de guerre.

Cette arrivée d’un Messie pacifique, annonciatrice de réconciliation réjouit tout le peuple. L’acclamation de la foule et les gestes qui l’accompagnent pour faciliter la marche du roi qui arrive - on dispose en effet des vêtements, des rameaux, des palmes dans les rues comme pour dérouler un tapis en son honneur - signifient l’immense communion entre le peuple et son chef. Tous attendent le miracle de la délivrance de l’occupation romaine et le rétablissement de l’indépendance et de la souveraineté d’Israël!

Mais, après les cris de joie lancés dans les rues en l’honneur du Roi :« Hosanna pour le fils de David ! Béni soit le fils de David !», voici que dès l’entrée à Jérusalem, l’on s’interroge sur son identité qui apparaît alors moins certaine. Est-ce vraiment le roi attendu ?

Et l’on est alors amené à dire, de proche en proche , qu’il ne s’agit en fait que d’un prophète, le prophète Jésus ; qui plus est un prophète venant d’un bourgade inconnue, Nazareth, en Galilée...

De Messie à roi, fils de David, puis de fils de David à prophète, bientôt la foule déçue, et manipulée demandera la mort de celui qu’elle désignera finalement comme « blasphémateur » !

Les Rameaux sont donc une fête tragique comme souvent les fêtes excessives.

Le malentendu durera tout au long de la semaine sainte, jusqu’au reniement, jusqu’à l’arrestation et l’exécution, hors de la ville, au Golgotha.

Mais ce malentendu n’est-il pas le fait même de Jésus qui prend le risque d’une entrée triomphale ?

N’est-ce pas lui qui décide d’effectuer ce geste prophétique, n’est-ce pas lui qui assume l’annonce de la venue du Messie en sa propre personne ? Oui, c’est effectivement lui qui assume l’annonce anticipée de la mort de ce Messie, mort incompréhensible pour les foules.

Et bientôt les rumeurs et les cris de colère s’entendront dans la ville : scandale ! Incohérence ! Contradiction ! Le Messie est vainqueur, il ne peut pas mourir ! Et le Seigneur tout-puissant ne peut laisser faire une chose pareille ! Car, s’il existe, comment peut-il accepter la mort de celui-là même qu’il envoie pour sauver le monde !

Sommes nous aussi victimes de ce malentendu ? Ne savons nous pas, contrairement à cette foule, que c’est la volonté du Seigneur qui va s’accomplir, qu’il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle ?

Cette fête des Rameaux qui commémore l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem et l’accomplissement de cette volonté ne célèbre-t-elle pas de fait l’entrée dans nos vies, dans le plus secret de nos vies, de ce Messie paradoxal, tout-puissant et en même temps sans aucun pouvoir.

Son royaume n’est pas de ce monde, en effet, car c’est avec les yeux de la foi seulement que nous pourrons discerner et voir ce qu’il nous révèle en vérité. C’est avec le regard de la foi qu’il nous faudra comprendre et accepter le tragique de la mort lorsqu’elle nous guette, l’abjection de la souffrance quand elle nous étreint, et l’horreur de la méchanceté des hommes. Et c’est avec les yeux de la foi qu’il nous faudra saisir sa présence, là où précisément tout le monde dit autour de nous qu’il n’est pas là, qu’il est absent, qu’il a abandonné ses enfants à leur malheur, et déserté le monde.

Son royaume n’est pas de ce monde. Mais il s’y trouve cependant mystérieusement présent. Telle est notre certitude.

Et celui dont l’évangile nous raconte qu’il entre à Jérusalem, est entré en fait en chacune de nos vies et signe sa présence au plus secret de nos vies.

Certains pourront croire alors, un peu naïvement, que puisqu’il est déclaré « roi », il peut sans aucun doute délivrer et guérir encore, comme un roi en son royaume !

Ceux-là courent cependant au devant de belles désillusions, ayant de sa présence et de son pouvoir une compréhension toute matérialiste, et de la foi une vision utilitariste.

D’autres, au contraire, diront, sceptiques, qu’il n’y a là qu’un prophète. Et ils ne voudront courir aucun risque, restant prudents et n’engageant pas leur foi, demeurant sur une position d’attente.

Mais nous, humblement, nous attesterons aujourd’hui même que cette présence est bien celle d’un Messie, mais un Messie inattendu, discret, pacifique, et tout-puissant dans sa faiblesse même, car manifestant son amour pour nous : sans jamais se prévaloir d’une quelconque force triomphale, d’une quelconque force miraculeuse qui en impose, qui stupéfie les témoins, qui fascine, qui, pour tout dire, aliène.

Ce Messie inattendu laisse en revanche, à nos yeux, les yeux de la foi, la liberté de croire, de discerner, et de reconnaître qui il est.

Quelques versets avant notre texte, Jésus ouvre les yeux de deux hommes qui vont décider de le suivre et de devenir ses disciples.

Et juste après notre récit, il entre dans la cour du temple de Jérusalem, renverse les tables des changeurs.

Ces gestes prophétiques, ouvrir les yeux des aveugles et redire ce pour quoi est fait le temple, à savoir la prière et l’action de grâces, ces gestes ont ici pour but de redire l’essentiel de la fête des Rameaux qui nous est laissé en forme d’impératifs :

Ouvrez les yeux !

Ouvrez les yeux de la foi, acclamez votre roi et priez le Seigneur, en toute circonstance !

Car il est entré dans votre vie.

Il est entré dans notre vie y compris là où notre foi se trouve mise en question, y compris là où la royauté du Christ semble mise en doute, et y compris là où notre prière même semble vaine, inopérante, sans efficacité aucune, là où précisément il n’y a ni miracle, ni guérison ni triomphe : il est là, présent, mystérieusement vivant par notre foi, maître de notre vie.

Amen !

Jean-Jacques VEILLET