Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 11 Septembre 2011
Culte à Gap (05000)

Lectures du Jour :
Genèse 50 v. 15 à 21
Colossiens 3: v. 12 à 14
Matthieu 18: v. 21 à 35
Le serviteur impitoyable et la remise de dette
Quelle belle introduction, à ce texte de Matthieu sur le Pardon, que cette lecture de la Genèse sur le Pardon de Joseph à ses frères, qui préfigure la personne du Christ, celui qui est venu en personne sur la terre des vivants, voici 2000 ans. Apporter, annoncer le pardon de la part de Dieu son Père à sa créature pécheresse, hommes et femmes que nous sommes, de tous les temps et de tous les moments de l'histoire de l'Humanité.
En effet, avec ce texte de Matthieu, nous découvrons avec Pierre, qui vit au quotidien avec Jésus, l'existence d'une autre forme de relation de l'Homme avec Dieu. Jusque là Pierre n'avait connu Dieu qu'à travers le Sinaï où Dieu s'était révélé à Moïse à travers des éclairs et des tonnerres et du Buisson ardent du désert. Le Dieu tout puissant, fort, jaloux et majestueux, appelé en divers endroits de l'Ancien Testament "l’Éternel des armées". Celui dont la sainteté est si grande et si impressionnante que l'homme pécheur, ne pourrait subsister devant Lui.
Et puis voilà qu'avec Jésus, son Fils le Messie, les choses changent, s'harmonisent et deviennent attachantes. Pierre découvre que le Dieu trois fois Saint, est présent de manière différente dans son "Oint", Jésus de Nazareth. Que l’œil pour œil, la dent pour dent, de la loi du Talion, des Temps Anciens changent avec Jésus "si ton frère a péché, reprends le, et s'il se repent, pardonnes lui" que nous trouvons en Luc 17, verset 3.
Tout cela est révolutionnaire pour le disciple qu'est Pierre et pour les apôtres à sa suite. Comme ils ont besoin d'en savoir davantage, Pierre de détache du groupe et s'approchant de Jésus lui dit "combien de fois pardonnerai-je à mon frère. Sera-ce jusqu'à sept fois?". En elle-même venant d'un juif pieux qu'est Simon-Pierre, cette question est un Evènement car pour la première fois, sans doute ce juif pieux s'évade, de la Loi prononcée par Dieu à Moïse sur le Mont Sinaï. En effet, en envisageant de pardonner jusqu'à 7 fois, c'est un effort surhumain et colossal qui s'accomplit en lui, surtout si on garde en mémoire la signification symbolique du chiffre 7 qui est la perfection.
Nul doute qu'en cet instant, Pierre a conscience qu'il dit et prononce quelque chose de bien, de grand, de beau et de généreux. Qu'il va certainement recevoir l'approbation de son Seigneur et Maître, le Christ. Car dans la symbolique du nombre on reconnaît que 7 fois va jusqu'à la limite du possible. Or, ici, dans le texte, Jésus parle de 70 fois 7 fois ce qui va bien au-delà de la limite de l'impossible et de l'infini. Quelque chose qui débouche sur l'incalculable et quelque chose d'irréalisable sur le plan humain, et que l'on retrouve souvent d'ailleurs, dans le livre de l'Apocalypse. Ainsi dans sa réponse à Pierre, Jésus multiplie le nombre de la perfection, par le nombre de l'infini. Autrement, dit Jésus, non pas 7 fois car on est loin du compte qui rendrait ton pardon parfait et ferait plaisir à Dieu. Le vrai Pardon, le seul valable, c'est celui qui ne connait aucune limite!
Pierre ignore, à ce moment là encore ce qu'est l'Amour de Dieu dans sa réelle dimension. Il connait certes, comme tout un chacun, les attachements du cœur humain, la fidélité réciproque, l'esprit de service, les élans de la sentimentalité charnelle et humaine, mais il est encore fermé à l'Amour parfait, ou plutôt à la démesure de l'Amour de Dieu pour sa Créature. Et là, qui ne le comprendrait pas?
Pierre, ici, ne répond plus. Le choc a sans doute été trop rude pour lui d'autant plus que Jésus va aller en l'instant au-delà de son trouble intérieur et va aussitôt l'entraîner plus loin encore, dans une dimension qu'il ne soupçonnait pas. Ainsi Jésus, par son enseignement, va essayer de lui en révéler la réalité en esprit. Le transportant sur le plan des rapports entre Dieu et l'homme, en l'illustrant avec la Parabole du serviteur impitoyable. Lui faire comprendre et à travers lui, à chacun et à chacune d'entre nous, que Dieu n'est pas un juge impitoyable, un président de tribunal, ni un comptable penché sur des livres de comptes compulsant des listes de péchés. Lui faire ouvrir un jour enfin, et à nous par réciprocité, les yeux sur une autre conception de pensée, de réfléchir et d'ouvrir notre coeur aux Saintes exigences de l'Amour Divin. Le Pardon à l'infini tel que Jésus l'indique à Pierre et à travers lui, à nous, avec ses paroles éternelles contenues dans les Évangiles.
Tel est le rapport et le climat entre Jésus et les siens et par la suite entre Jésus et nous. Pauvre Pierre qui voulait sans doute organiser un contrôle très poussé de nos fautes, instituer un fichier du Pardon, un carnet de remise de dettes et qui voulait ainsi instaurer un pardon dirigé et contrôlé. Ainsi Jésus, par ses paroles, fait entrer Pierre dans la vie même du royaume de Dieu en lui disant: "c'est fini pour toi, ces comptes et ces décomptes. Tu es désormais dans un domaine qui va au-delà de ces règles et l'Eglise instituée par Christ va devenir une Institution dans une dimension toute nouvelle, car l'Eglise, c'est le royaume des grands nombres, c'est même aller au-delà des grands nombres".
Ainsi, avec cette parabole du serviteur impitoyable, nous apprenons ce qu'est le royaume de Dieu et pour cela, nous découvrons, à l'écoute de ce récit, qu'en recevant la remise de nos dettes, certes innombrables, elles sont couvertes de façon définitive par le Sang de Jésus versé à la Croix. Nous sommes tenus alors d'agir de même à l'égard de nos semblables comme Dieu a agi envers nous. Autrement dit, nous sommes tenus d'être des distillateurs de pardons.
Cette parabole fait état aussi de 10.000 talents ce qui représente aujourd'hui 60 millions de francs ou 10 millions d'euros! Un chiffre hallucinant qui augmenterait d'ailleurs au fil des jours ...
Il faut ici comprendre et saisir tout le drame de cette situation. Pierre pensait encore sans doute à des chiffres normaux, mais avec Jésus, ce sont soudain des chiffres vertigineux qui s'alignent. Ce sont des chiffres qui expriment et révèlent tout à la fois, notre vraie relation à Dieu et là, le petit chiffre 7 de Pierre en devient presque ridicule! Il en est de même pour nous qui sommes arrivés avec nos petits chiffres d'hommes bien appliqués. Nos petits pardons, avec la certitude de faire de grands cadeaux aux hommes et à Dieu. Mais voilà, lorsque Dieu se met à compter nos dettes, ce sont de terribles chiffres, d'effroyables nombres et pourtant Dieu, nous remet nos dettes, toutes nos dettes.
Nous le savions certes depuis longtemps, l'ayant appris avec nos catéchismes de l'enfance, mais y croyons-nous vraiment? Croyons-nous vraiment que Dieu, désormais, n'a plus de comptabilité nous concernant? Vivons-nous pleinement dans ce Pardon qui se répète 70 fois 7 fois? Pardon qui a été dit et réalisé une fois pour toutes et pour toujours, à Golgotha. Le croyons-nous aussi assez au point de voir dans chaque homme qui nous côtoie, qui nous harcèle, nous offense et nous blesse parfois, un homme baigné aussi de pardon, un homme aimé 70 fois 7. Alors, admirons dans cette Parabole "la Grâce Divine" où Dieu ne fait pas ici, que de nous remettre nos dettes mais nous incite à notre tour à remettre celles des autres qui nous côtoient.
Si je sais alors que je suis pardonné en tout par Dieu, Dieu qui m'accorde son Pardon, me demande à mon tour de pouvoir pardonner. C'est un Don de Dieu qu'il donne à l'homme, de pouvoir pardonner à son tour comme il nous pardonne. C'est l'extraordinaire, car qui a ce pouvoir de pardonner si ce n'est Dieu seul. Mais maintenant Dieu nous donne son pouvoir de pardonner comme si nous étions à sa place car, ne l'oublions pas, ne sommes-nous pas par sa Grâce, ses fils et ses filles par adoption!
Ainsi, revenant au début de cette lecture de l’Évangile qui nous dit "tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le Ciel et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le Ciel!" nous deviendrons de vrais disciples du Christ en imitant son exemple: par l'amour, le pardon, la compassion, la miséricorde envers notre prochain.
Il est probable que Pierre n’ait compris la leçon qu'après la Crucifixion. Mais nous qui vivons bien après la Crucifixion, savons-nous bien que ce Pardon n'est pas susceptible de marchandage, de rabais ou de comptes! Ce devrait être là notre conviction et notre assurance, et pour toujours.
Alors, inclinés au pied de la Croix, nous entendons, chacun et chacune, pour notre part, le Seigneur nous dire "Père, pardonne leur." Oui, le Pardon est au cœur de l'Amour de Dieu. Il se confond avec le mot Grâce, et la Grâce de Dieu ne s'essouffle jamais. Car en nous atteignant, elle rebondit, rejaillit, renforce et se renouvelle sur tout l'entourage de l'enfant de Dieu que je suis, que je veux être et demeurer.
Alors, nous pourrons dire sans crainte, en conformité avec la Parole de Dieu " Seigneur, aide nous à pardonner comme Toi, Tu nous pardonnes".
Amen !
Jean-Pierre Morel
Chants:
Psaume 8: strophes 1, 2, 3, 4
Cantique ARC 222: strophes 1, 2, 3, 4
Cantique ARC 241: strophes 1, 2, 3, 4