Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 11 février 2018
Culte à Gap (05000)
Lectures du Jour :
1 Corinthiens 10, 31 à 11,1
Matthieu 16, 13-20
« Tu es Pierre et, sur cette pierre, je bâtirai mon église »
Voici un verset assez connu qui est sujet de polémique entre chrétiens. Car il a été l'un des passages utilisé par l'église catholique romaine à des fins de justification doctrinale et de primauté. Et moi qui travaille à l'aumônerie de l'hôpital d'Avignon avec des frères et sœurs catholiques, je ne m'aventure pas à rentrer dans des discussions à ce sujet. Du moins je laisse venir.....
Ce passage m'interpelle car si nous posons un regard tout simplement fraternel sur Pierre, si nous l'accueillons comme étant un compagnon de route, il me semble que cette parole du Christ m'est adressée également : je suis une pierre et sur cette pierre le Christ bâtit son église. Une église qui signifie à mon sens le rassemblement de frères et de sœurs, composé de multiples pierres disparates et uniques à l'image de la première communauté des disciples.
A travers ces paroles, j'entends que je suis comme vous une pierre et que Jésus compte sur moi comme sur vous pour bâtir et construire.
Je me suis alors demandée quelle pierre je suis ou bien quelle pierre j'aimerais être ?
Pour construire quelque chose, il faut du matériel solide, il me semble. Et les bâtisseurs choisissent généralement minutieusement leurs matériaux pour que le bâtiment puisse durer et surtout, tenir debout. Quoique, aujourd'hui avec l'obsolescence programmée, ce n'est plus tout à fait le cas, du moins la notion de durabilité a bien changé.
Mais quand on bâtit, et que l'on pose les fondements, il faut du solide. Or, Jésus ne semble pas avoir cela en tête ou alors il est un très mauvais maître de chantier car choisir Pierre comme fondement, connaissant ses peurs et ce qu'il fera au jour de l'arrestation de Jésus !! (Blague sur le reniement de Pierre).... Est-ce l'espérance de Jésus qui le rend presque aveugle à choisir un si mauvais candidat. Et si on le compare aux autres disciples, il n'y en a pas vraiment un pour relever l'autre. Jésus a beau être dans la grâce et la bienveillance, tout le monde peut voir que Pierre n'est en rien solide pour être cette pierre qui va supporter l'exigence de l'évangile.
Pourquoi ce choix de Pierre ? Et pourquoi me choisir également lorsque le Christ m'a appelée pour appartenir à son église puis être à son service ?
Je ne pense pas être une pierre solide, imputrescible, de cette veine où l'on se dit : « là, on est tranquille pour des années voire même plus, on a le temps de voir venir, c'est du béton...... ». Non, je sais que je suis fragile, friable, poreuse même à ce qui m'entoure et me touche. Une pierre imparfaite par excellence et de plus, une pierre pas facile car je ne rentre pas vraiment dans un plan calibré, carré ou réfléchi. Il faut user d'imagination et de créativité pour me faire entrer à la bonne place dans le plan de l'édifice.
Alors, le Christ peut-il compter sur moi ? Je ne le sais pas toujours, je ne pourrais pas l'affirmer et en cela aussi, je pense ne pas être de ces pierres qui appartiennent à des édifices ou une communauté où l'on pense y trouver une vérité ou une connaissance, un savoir qui mène à une vérité. Petite pierre fragile, je n'ai que mon vécu et mes intuitions comme bagages.
Et finalement, ce n'est pas si mal. Ce n'est pas pour me lancer des fleurs – quoique pourquoi pas - mais, ces petites pierres toutes fragiles, qui ne ressemblent pas à grand chose et qui n'ont l'air de rien sont assez pratiques et finalement très utiles car on a parfois besoin de souplesse, de latitudes pour faire tenir le tout. Et le résultat n'est pas parfait mais il est étonnant.
Prenons par exemple la tour de Pise : la pierre a su s'adapter au terrain, aux difficultés et aux épreuves du temps. L'édifice au final est bancal depuis des siècles mais il tient et, même, il paraîtrait que la tour se redresse.
Je pense aussi au temple d'Arles où l'on constate sur l'ensemble de l'édifice des mouvements de la pierre depuis sa construction et pourtant le bâtiment tient toujours debout et il a su s'adapter aux variations du terrains et au mistral.
Jésus a finalement bien choisi les pierres de son église que nous sommes. Imparfaites, fragiles, fluctuantes par leurs natures mêmes, elles ont révélé malgré tout et malgré elles des trésors de partages et des ressources à nulle autres pareilles. Et nous avons pris la suite de Pierre et des disciples. Nous sommes des pierres très disparates, parfois difficiles à correspondre les unes aux autres mais lorsque nous nous rassemblons au nom de notre maître, chef de chantier et grand architecte, nous arrivons bien souvent à dépasser nos propres infirmités et à construire plus grand, plus beau et plus loin encore.
Chaque pierre a sa place : pierres de taille, pierres brutes, pierres angulaires ou de façades, quelques soient notre nature, notre tâche ou notre éclat, nous sommes aux yeux de Dieu toutes et tous des pierres précieuses car nous sommes unique. Chacun offre qui il est et donne de la valeur, de la couleur et de la saveur à l’œuvre de notre Seigneur.
Qu'avons-nous alors envie d'apporter à l'édifice voire à notre propre édifice puisque nous sommes également toutes et tous le temple de Dieu ?
Certains aiment cette notion d'apporter, se sentir utile ou bien enseigner, apprendre. Mais n'est-ce pas se voiler la face et refuser au final d'entendre ce que le Christ nous adresse : « Tu es pierre », toi, ta personne. Il ne dit pas ce que tu apportes, tes œuvres, ton savoir ou ce que tu accompliras sera une pierre. Non, c'est toi, c'est moi, ton être, ma personne et non ce que je donne à voir.
A travers ces mots, je vous propose d'entendre l'invitation du Christ à être nous-mêmes et à incarner des pierres vivantes tout simplement avec notre propre existence, nos expériences, nos sensibilités et notre vécu. La communauté ne peut être que riche de cette diversité, elle n'en pâtira jamais bien au contraire.
C'est dans le cas où il manquerait l'une de ses pierres que le temple de Dieu se transformerait en champs de ruines.
Amen !
Pr Cécilia PLAÂ