
DIMANCHE 7 octobre 2018
Culte à Trescléoux (05700)
Textes bibliques:
Genèse 3, 4-5
Marc 10,
2-16
Matthieu 4,11-17
Jésus
et les enfants
Nous
venons de lire que « le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme des
petits enfants ». Cela veut-il dire qu’ils sont un modèle de foi pour
le mériter ? en quoi serait-ce vrai ? Bien sûr selon un dicton populaire, il parait que la
vérité sort toujours de la bouche des enfants. Et en se fiant à ce dicton on
pourrait penser que les enfants sont purs et innocents. Mais en fait vous savez
bien que les enfants font des caprices, mettent des stratégies en place pour
obtenir ce qui leur fait plaisir, font du chantage affectif pour parvenir à
leur but, et finalement se mettent en colère. Cette idée d’une pureté
originelle pourrait aussi faire penser que les enfants croient tout, sans poser
de question. C’est la raison pour laquelle ils seraient des modèles de foi.
Comme si un enfant croyait tout comme cela, comme s’il ne redemandait jamais,
et à plusieurs personnes, ce qu’est ceci, comment on appelle cela, à quoi sert
tel ustensile. L’enfant, s’il est plus crédule que les adultes, prend quand
même le temps de vérifier que ce qu’on lui dit est véridique, suivant ses propres
critères. Il ne prend pas tout pour argent comptant.
Alors,
en quoi les enfants sont-ils un modèle pour entrer dans le royaume de Dieu, un
modèle de croyant ?
* Par leur capacité d’accueillir de nouveaux
savoirs
Un
enfant qui vient de naître est capable d’apprendre n’importe quelle langue.
S’il naît en France d’une mère vietnamienne, d’un père hongrois et qu’on lui
parle espagnol, il saura parler l’espagnol. Un enfant n’est pas déterminé à un
parcours de vie unique à sa naissance. Il peut encore développer un esprit
scientifique, il peut encore développer une sensibilité artistique, il peut
encore devenir un voyou. Tout est possible. Un enfant ne sait pas tout mais il
est capable d’apprendre, de faire sien de nouveaux savoirs. Il peut encore
changer considérablement. Il n’est pas enfermé dans une image fixe, définitive.
Les connexions entre ses neurones ne sont pas aussi figées que peuvent l’être
celles des adultes.
De
même qu’il est plus facile à un chameau de passer par une aiguille…il est plus
facile à un enfant d’être dans le Royaume de Dieu, qu’à un adulte qui campe sur
son savoir, un adulte imbu de sa personne, de ses connaissances, de ses trésors
personnels.
Nous
le voyons bien avec les disciples qui font barrage devant les gens qui veulent
amener auprès de Jésus des enfants, qui représentent la nouveauté : il y a
des adultes qui veulent garder jalousement ce qu’ils possèdent (en
l’occurrence, dans ce passage, les disciples pensent peut-être qu’ils possèdent
Jésus, que ses bénédictions sont pour eux seuls, qu’ils en ont l’exclusivité)
et ces adultes vont se contenter de ce qu’ils ont. Ils ont un capital (que ce
soit de l’argent, des connaissances, des amis, des livres, une famille) et vont
vivre sur ce capital jusqu’à la fin de leur vie, sans le renouveler, sans le
partager. Jésus, en reprochant à ses disciples cette attitude bien peu
généreuse, souligne que la vie est faite de nouveauté, de nouvelles relations,
de nouvelles questions, de nouveaux visages, de renouvellement, de
résurrection.
Les
enfants sont une belle image de cette vie selon Dieu, qui recommande les
questionnements nouveaux, qui encourage à renouveler ses centres d’intérêts, à
ne pas s’en tenir à son quant à soi !
*
leur capacité à Accueillir la différence, à accepter l’Autre.
Outre
le fait qu’il est capable d’apprendre de nouvelles choses, il y a un deuxième
aspect qui rend l’enfant modèle de croyant, c’est qu’un enfant est dépendant
des autres. Un petit enfant ne prépare pas son repas tout seul, il ne choisit
pas son rythme de vie, il ne choisit pas les vêtements qu’il va porter pendant
la journée, il ne choisit pas non plus ses parents, d’ailleurs. Un petit
d’homme est le seul être vivant qui ne s’en sortira pas s’il n’est pas pris en
charge par des plus grands pendant ses toutes premières années.
Un
enfant est extrêmement dépendant de son entourage. Il accueille la vie qu’on
lui organise même s’il essaie parfois de se rebeller pour affermir et affirmer
son identité. Il est vrai que le travail des parents est d’enseigner aux
enfants à se débrouiller tout seul au fur et à mesure qu’ils grandissent. Mais
le jeune enfant nous rappelle que tout ne dépend pas de nous dans la vie ;
qu’une part importante, si ce n’est essentielle, consiste dans ce que nous
recevons… des autres personnes et, dans une perspective chrétienne, de Dieu.
Notez
bien que Jésus nous dit que le propre du Royaume de Dieu est d’être reçu. On ne
part pas à la conquête du Royaume de Dieu.. Le Royaume de Dieu n’est pas
quelque chose qui se gagne, qui s’achète, qui se conquiert : le Royaume de
Dieu se reçoit, comme l’enfant reçoit en cadeau la vie et tout ce qui
l’entoure, sa chambre, son lit, ses jouets, ses repas, ses vêtements, ses
frères et sœurs, et aussi les réprimandes et les bons conseils des parents qui
tiennent à lui. La vie du petit enfant est marquée par le signe de l’accueil.
C’est ce qui manque le plus souvent aux adultes.
Il
suffit de regarder de près tous les sondages sur la pratique religieuse.
Combien de français remplacent le prêtre ou le pasteur par un moniteur de
sport, le culte dominical par la grasse matinée ou les courses au supermarché…
et tout cela avec la meilleure conscience qui soit. Bien évidemment la
communauté ecclésiale composée de personnes qu’ils n’ont pas choisies est
remplacée par les relations amicales qu’ils ont triées sur le volet.
Un
enfant ne fait pas tous ces choix-là. Il accueille. Il accueille ce que ses
parents lui ont préparé de bon pour qu’il grandisse en grâce, en stature et en
sagesse, devant Dieu et devant les hommes. Et c’est ainsi qu’il est de
plain-pied dans le Royaume de Dieu c’est-à-dire le monde espéré par Dieu et non
la vie que l’on se construit sur mesure. Méfions nous de la vie que l’on se
construit sur mesure, à un moment donné : cela devient rapidement un
carcan dont nous n’avons pas conscience et qui arrête notre vie en pleine
lancée.
Cela
nous conduit au troisième aspect qui caractérise les enfants à savoir l’Audace.
* Un enfant est capable d’audace.
Un enfant est
capable d’audace parce qu’il n’est pas encore prisonnier de tous ces carcans
qui risquent de brider, plus tard, sa créativité. Quand il se promène, par
exemple, l’enfant prend souvent des chemins inattendus pour les adultes :
un parapet, un joli massif de fleurs, des flaques d’eau…l’enfant est capable
d’une audace – qui confine parfois à la prise de risque – parce que les
conventions ne sont pas son affaire..
Ce
sont ses audaces successives qui permettent à un enfant de grandir : oser
se mettre debout même s’il risque de tomber, oser prendre tout seul sa cuiller
pour manger, même s’il en met partout ; … en refusant le conformisme,
l’audace nous rend plus grand et nous permet de rendre le monde plus vaste et plus
intéressant. Les plus grands artistes font preuve d’audace en apportant une
part personnelle à leur discipline plutôt qu’en copiant ce qui s’est fait
jusque là. Ce que les uns appellent le « trait de génie », d’autres
le nomment « inspiration ». Nous pouvons y voir la part que nous
laissons à Dieu pour hisser notre vie hors du commun, la part que nous laissons
à Dieu pour nous attirer jusqu’à lui, comme pour ces parents attirés et
attirant leurs enfants jusqu’à Jésus c’est-à-dire jusqu’à un niveau d’existence
qui fait de nous des êtres pleinement humains.
Le
petit enfant, lui, ne cesse de connaître plus grand et plus grand encore. Et
quand cette audace ne vient pas de l’enfant lui-même, il faut qu’elle vienne
des stimulations de ses parents, de ses parrains marraines, de ses enseignants,
de ses catéchètes, de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, font figure
d’éducateur pour lui, et sont autant de portes qui s’ouvrent sur un univers
plus grand. Le Royaume de Dieu est pour tous ceux qui n’ont pas fait le choix
de scléroser leur existence mais restent ouverts, disponibles à autre chose que
leur nombril, attentifs à une autre parole, une autre pensée que la leur.
Jésus
nous exhorte à ne pas nous construire nous-mêmes un royaume de Dieu, à ne pas
forcer le passage vers ce que nous pensons être le paradis, mais à accueillir
ce que Dieu nous offre, en terme de situations de vie, en termes de dons
personnels, en termes de personnes dont nous croisons la route, en terme
d’actions possibles, en termes d’engagement.
Trop s’occuper de soi nous empêche de vivre. Jésus nous recommande, quand c’est le cas, de retrouver l’esprit de l’enfant qui sommeille en nous pour retrouver l’audace propre aux enfants de Dieu.
C’est alors que le Royaume de Dieu cessera
d’être une chimère mais deviendra le concret de notre existence.
Amen !
Jean Jacques Veillet