Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 4 mars 2018

Gap, (05000)

Lectures du jour :

Exode 20, 1-17,

Luc 9:57-62

1 Corinthiens 1, 22-25

Suivre Jésus

Comment suivre Jésus ? Comment répondre à cet appel qui vient souvent heurter et choquer nos consciences. Car il y a une grande différence entre le vouloir et le pouvoir, entre la volonté et l’action.

En regroupant trois situations distinctes d’hommes qui veulent suivre Jésus, l’évangéliste Luc nous invite non seulement à méditer la radicalité de cet appel, mais aussi la possibilité d’y répondre. Luc nous aide à répondre à la question « comment faire ? »

Un examen attentif du passage permet de caractériser chacun des personnages par un substantif. Au premier, la prétention du « Je te suivrai partout où tu iras », au second l’hésitation du « Permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père » et au troisième, la condition du « Je te suivrai, mais … ».

Le prétentieux reçoit une douche froide qui peut s’entendre comme un refus de Jésus. Mais refus de quoi au juste ? D’une pieuse illusion qui consiste à croire qu’il suffit de vouloir pour pouvoir ? D’une profonde ignorance qui méconnaît les dangers de l’itinéraire que va emprunter Jésus, c'est-à-dire le chemin du calvaire ?

C’est en tout cas sur ce thème que réagit Jésus : tu ne sais ni où je vais, ni l’inconfort de ma situation. Et par « Le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête », il faut entendre plus qu’un constat d’itinérance, une situation de danger où peut se lire à posteriori la torture et la mort. Ce danger-là, personne ne pourra l’assumer à la place de Jésus, ni même l’y suivre. Pensez un instant à la folle prétention de Pierre vite démentie par son triple reniement ! Et non seulement personne ne le pourra, mais personne ne le devra, car Jésus est mort pour que tous soient sauvés.

Oui, c’est bien une prétention orgueilleuse que Jésus repousse ici, car il n’y a pas de place pour nos trompeuses certitudes sur le chemin ouvert par le Christ !

« Laisse-moi d’abord prendre congé des miens ! » Le troisième homme ne me semble pas avoir la prétention du premier. Certes, il affirme clairement sa volonté de suivre le Christ mais il pose une condition à son obéissance. La demande peut nous paraître légitime et pourtant Jésus ne la reçoit pas favorablement. Que faut-il comprendre ? Probablement que cette demande est ambiguë. L’homme a bien perçu l’exigence radicale de l’enseignement de Jésus et tente de la repousser en invoquant une excuse.

C’est une façon de dire au Christ : « Oui, Seigneur, mais pas tout de suite, laisse-moi encore décider seul une dernière fois. » Plus ou moins consciemment, notre homme pourrait cacher de cette façon soit le besoin qu’il a d’être approuvé par les siens avant de partir à l’aventure, soit la crainte d’abandonner les rênes de son existence, soit encore le secret espoir d’être retenu.

Quoi qu’il en soit, Jésus débusque un mauvais prétexte, un regard en arrière coupable.

Son avertissement– « mettre la main à la charrue et regarder en arrière » – nous ramène à une réalité simple et exigeante :

- le suivre ne se fait pas par étapes : oui maintenant avec ma bouche mais attends demain pour le reste de mon être.

- Le suivre ne se fait pas non plus en ménageant la chèvre et le chou : oui ici et maintenant pour lui plaire le dimanche, et non demain en semaine pour ne pas déplaire à un environnement indifférent ou hostile.

- Le suivre ne se fait pas enfin selon nos conditions : oui, Seigneur mais jusqu’ici et pas plus loin, il faut bien que je préserve quelques domaines de ma vie !

Jésus repousse ainsi avec douceur et fermeté les conditions et négociations que nous sommes tentés de lui imposer dans notre marche à sa suite.

Si j’ai laissé volontairement le deuxième homme pour la fin, c’est qu’il s’agit de la situation la plus complexe et la plus riche d’enseignement.

Contrairement aux deux autres hommes qui semblent s’être proposés spontanément pour suivre Jésus, celui-ci est appelé.

Sa réponse, « Permets-moi d’abord d’aller ensevelir mon père. », est à interpréter comme une forme d’hésitation. Nous pouvons d’autant mieux comprendre sa demande qu’en semblable circonstance, il est fort à parier que nous aurions fait pareil.

Comment tout lâcher subitement alors que le deuil vient de frapper notre famille proche ? Et nous pouvons rester surpris devant la réponse de Jésus : « Laisse les morts ensevelir leurs morts ».

Mais dépassons cette première réaction et essayons de faire la part des choses. Selon les commentateurs de ce texte, « Aller d’abord ensevelir son père » peut s’entendre de trois manières différentes :

  • Il pourrait s’agir d’un décès qui vient d’avoir lieu et donc d’un ensevelissement immédiat.
  • Ou bien, ce serait une façon de demander à Jésus l’autorisation de rester auprès de son père âgé jusqu’à ce qu’il meure. Le délai d’attente pourrait être long, en tout cas incertain ; d’où l’insistance de Jésus pour une obéissance immédiate.
  • Ou encore, cela ferait référence à la cérémonie funéraire qui prenait place un an après l’ensevelissement. Cette interprétation aiderait à comprendre l’impératif de Jésus « Laisse les morts ensevelir leurs morts ».
  • Ceci étant dit, et quelle que soit l’hypothèse retenue, le problème reste entier et la réponse de Jésus pose question. Essayons toutefois de la comprendre :
  • Elle signifie que la décision personnelle à prendre a plus d’importance que ce qui est universellement considéré comme «sacré » parmi les hommes, à savoir les rites funéraires. C’est dire si la décision proposée par Jésus est impérative.
  • Elle veut dire enfin que le plus proche des proches dans l’ordre de l’autorité, son propre père, vient désormais après Jésus, et l’on croit entendre ces paroles difficiles du même Évangile : «14:26 Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple.». C’est dire si la transformation du disciple de Christ est appelée à être totale !

Et nous pouvons retourner cette affirmation de Jésus dans tous les sens, nous ne pouvons y voir aucun moyen d’atténuer sa portée et sa radicalité : suivre Jésus, c’est changer complètement de perspective, c’est engager notre vie entière sous son autorité, c’est saluer en Lui notre Seigneur et Maître.

Mais devant ces exigences, qui donc peut répondre à cet appel ? Comment suivre Jésus ?

C’est là que le parallèle des trois situations est intéressant. Avez-vous remarqué que l’appel du Christ n’est pas pour celui qui a la prétention de pouvoir obéir, ni pour celui qui voudrait y mettre ses conditions ? Non, elle est pour l’hésitant qui n’est pas certain de pouvoir répondre. C’est une belle illustration de la grâce qui est offerte aux hommes. L’appel est si radical qu’il n’est accessible qu’à ceux qui se savent incapables et offrent au Christ leurs impossibilités qu’elles soient faites d’hésitations paralysantes, d’attachements coupables ou même de profond désespoir. En quelque sorte, c’est l’humilité qui triomphe.

Il se peut que l’ordre du Christ « Suis-moi » résonne à vos oreilles comme une exigence tyrannique. Pourtant j’aimerai vous inviter à entendre l’appel que nous lance Jésus avec Matthieu : Mat 11, 28-30. 28 «Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes. 30 Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger.»

Et ce qui dans ce texte prouve que le joug du Christ est doux et léger, c’est qu’il n’enferme pas l’homme qui le suivrait dans une obéissance infantilisante, mais il lui donne une mission gratifiante en disant : « Va, annoncer le Royaume de Dieu ». Voyons dans cette façon de procéder une expression de l’amour du Christ et de Dieu qui nous élève en responsabilité.

Annoncer le Royaume de Dieu est en effet l’aventure la plus belle qu’un homme ou une femme puisse vivre, même si elle n’est pas toujours de tout repos.

Croire en Jésus-Christ, c’est donc marcher à sa suite.

Celles et ceux qui le connaissent sont invités à poursuivre leur route.

Quant aux autres, Jésus les appelle et dit à chacun : « Toi, suis-moi ! »

Amen !

Pr Marc SCHMITT