Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 24 Février 2013

Culte à Trescléoux (05700)

Textes bibliques:

Luc 9 28-36

Genèse 15,5-18

Philippiens 3,17-4,1

« Jésus et l’Alliance»

On a bien du mal, avec nos esprits cartésiens, à prendre au sérieux ce genre de texte où se mêlent des faits tangibles et concrets et des aspects qui relèvent plus du rêve ou de l'hallucination collective. On ne sait pas ce qui s'est passé cette nuit-là sur la montagne mais quelques indices dans le récit de Luc nous font penser que les disciples ont pu rêver dans un sommeil profond. De la même manière, c'est en songe qu'Abraham entend la Parole de Dieu. Les termes employés dans les deux récits évoquent exactement le même sommeil que celui qui touche Adam au moment de la création d’Ève. Ainsi l'intervention de Dieu se passe dans une sorte de sommeil profond, comme si Dieu se révélait dans des moments d'endormissement.

Pourtant, les événements qui sont relatés concernent une réalité vraiment concrète. Le texte de la Genèse, même si la scène qui nous y est décrite aux versets 9 et 10 nous paraît barbare et étonnante, nous rapporte un rituel tout-à-fait plausible pour l'époque. Effectivement lorsque l'on concluait une alliance, entre deux chefs de guerre ou deux rois, cette alliance était conclue dans le sang. Le sang, symbole de la vie, est nécessaire. Pour bien marquer symboliquement l'importance que l'on attachait à l'événement célébré, on partageait les animaux du sacrifice, et les personnes qui voulaient conclure l'alliance marchaient entre ces bêtes partagées en deux, dans une sorte de fleuve de sang et devenaient à ce moment-là indéfectiblement liées, un peu à la manière des frères de sang des histoires d'indiens du siècle dernier.

Venons en au texte de Luc que nous venons de lire, souvent appelé la transfiguration. Il n'y a pas de sacrifice et de victimes partagées. Et pourtant, nous sommes à la fin de la mission de Jésus, au début du chemin qui va le conduire à la Croix.

Après le tout début du chapitre (9) il y a la multiplication des pains, qui est une préfiguration du Royaume annoncé. Puis il y a cet épisode où Pierre confesse que Jésus est le Messie. Cette confession est assez étonnante à ce moment-là du récit, et on a l'impression que Pierre la fait sans vraiment se rendre compte de la portée de ses paroles. Cette première confession de Pierre est tout de suite suivie par la première annonce par Jésus, l’annonce de la Passion, annonce qui va entraîner, chez les disciples, la réprobation, comme une sorte de dénégation par avance de la croix. Suit ensuite un développement dans lequel Jésus montre comment il faut le suivre, et comment, pour ce faire, il est nécessaire de renoncer à soi-même jusqu'au martyre et jusqu'à la mort. Et vient alors cet épisode de la transfiguration auquel assistent Pierre, Jean et Jacques, justement ces mêmes disciples qui accompagneront Jésus à Gethsémané au tout début de la Passion. Le texte nous dit aussi que les disciples, en descendant de la montagne après la transfiguration, ne disent rien. Ils ne disent rien pour l'instant. Ils ne disent rien parce qu’ils n’ont pas encore véritablement compris. Et ils ne diront rien jusqu'à ce que la Passion se soit complètement accomplie, jusqu'après la résurrection quand leur foi au Christ ressuscité sera affermie.

Et pourtant, ce récit de la transfiguration est réellement là pour rappeler aux disciples que l’Alliance de Dieu avec les hommes existe, et leur montrer que Christ est partie de cette Alliance. Et cet évènement est en quelque sorte un renouvellement de cette Alliance, qui sera scellée par le sacrifice de Jésus sur la Croix. Les disciples n’ont pas assisté au baptême de Jésus et à l’intervention de Dieu qui envoyait Jésus en mission : « Celui-ci est mon fils bien aimé, celui qu’il m’a plu de choisir ». Ils ne réalisent pas vraiment qui il est et ne comprennent pas le sens du sacrifice qu’il leur annonce.

Ce récit est donc là pour les éclairer et il contient de nombreuses allusions à des évènements connus de tout le peuple d’Israël, évènements qui ont accompagné sa relation avec Dieu.

Il y a tout d'abord le lieu où se déroule la scène. La montagne est bien évidemment un rappel du Sinaï, appelé l'Horeb, le lieu où Dieu s'est manifesté à son peuple. C'est le lieu aussi où Dieu donne sa Parole, la Torah qui fonde cette Alliance. C'est le Sinaï, là où le peuple se rassemble. Cette référence à l'Horeb est donc pleine de sens. Et si nous faisons référence à l'Horeb, au Sinaï, alors la lumière qui est présente dans la transfiguration nous rappelle cette lumière qui marquait la présence de Dieu dans le désert pour conduire le peuple d'Israël. Cette lumière a aussi enveloppé la montagne au moment où Dieu a transmis la Loi au peuple d'Israël. C'est cette lumière aussi que voit Abraham en songe. Cette lumière représente la présence même de Dieu, elle est signe de Dieu, elle est signe de sa vérité et de sa vie. Cette lumière c'est Jésus qui la porte, comme s'il rassemblait sur sa personne des aspects humains et des aspects divins.

Les deux personnages qui sont présents aux côtés de Jésus ont aussi joué un rôle très important dans l'histoire de l'Alliance. Ils sont considérés dans l'Ancien testament comme étant les plus grands prophètes. Moïse, celui qui a reçu la Loi sur le Sinaï et Élie qui y est aussi monté pour écouter Dieu et s'est battu jusqu'au bout pour que cette Loi soit appliquée en Israël. Ils sont d'une certaine manière, des hommes fidèles, fidèles à Dieu, fidèles à l'Alliance que Dieu a passée avec son peuple. Fidèles bien que le peuple se détourne de cette Alliance. D'une autre manière aussi, Moïse et Élie sont deux personnages de l'Ancien testament qui ne connaissent pas la mort ou en tout cas dont la mort ne nous est pas vraiment racontée. Moïse meurt sur une montagne, et on ne sait pas où son corps a été enterré. Et Élie, lui, est enlevé par un char de feu sous les yeux de son successeur Élisée. Leur présence aux côtés de Jésus est le signe que Jésus est à leur niveau, fidèle à l’Alliance, et peut être aussi que, comme eux, il ne connaîtra pas la mort. Et que s’il connaît la mort de manière humaine, il va ressusciter et sceller de nouveau cette Alliance.

Vous voyez que ce texte est très riche et la signification de l'épisode n'est pas évidente à découvrir. On pense souvent que la transfiguration a eu lieu pour indiquer aux disciples quelle est la véritable nature de ce Jésus qu'ils suivent, de ce Jésus dont ils vont voir les souffrances, de ce Jésus dont ils vont voir aussi les échecs apparents. Et selon cette interprétation cette vision leur serait donnée en guise de simple mise en garde, pour leur dire "attention vous allez peut-être douter, vous allez penser que cet homme que vous suivez n'est pas celui que vous pensez, n'est pas celui que vous espérez. Parce que vous pensez que le Fils de Dieu, le Messie, ne peut pas souffrir comme il va souffrir, il ne peut pas mourir comme il va mourir. "Et la transfiguration serait comme une forme d'image donnée à l'avance pour "rectifier le tir", pour leur dire "l'homme que vous allez voir souffrir, c'est cet homme qui est revêtu de la gloire de Dieu".

C’est en fait aussi un récit d’Alliance qui relie intimement le moment présent avec toute l'histoire de l'Alliance entre Dieu et son peuple, et qui relie tout aussi intimement toute l'histoire de l'Alliance avec la Passion qui va venir plus tard.

C’est enfin un récit qui termine la mission de Jésus sur terre par les mêmes paroles de Dieu que celles prononcées à son baptême : « Celui-ci est mon fils bien aimé, celui qu’il m’a plu de choisir ». Mais cette fois il ajoute : « Ecoutez le »

Cette injonction est faite aux témoins de la scène, aux disciples, et à travers les disciples à toute l'Église, l'injonction de faire confiance en cette Parole qui nous vient de Dieu, cette Parole qui est incarnée en Jésus Christ qui a pris la condition d'homme et qui est allé jusqu'au bout de l'amour de Dieu pour l'ensemble des hommes.

C'est donc bien d’une histoire d'Alliance dont il s'agit, plus qu'un simple événement un peu fabuleux et plus qu'une simple mise en garde. Et cette Alliance nous est proposée à nous aussi. Il nous est proposé de nous mettre à la place des disciples, de bien entendre la Parole qui nous est transmise par le Seigneur, et de la transmettre.

C'est le cheminement auquel nous sommes invités jusqu'à Pâques, pendant tout ce passage du carême. Après le récit de la tentation que nous avons lu dimanche dernier, le récit de la transfiguration qui nous rappelle l’Alliance et la valeur du sacrifice de la Croix, témoignage de cette Alliance et non pas expiation.

Amen !

Jean Jacques Veillet