Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 17 février 2013
Trescléoux (05700)
Textes bibliques:
Deutéronome 26,4-10
LUC 4, 1-13
Romains 10, 8-13
La Tentation au désert
Introduction
Frères et sœurs,
Le passage qui nous est proposé ce matin, ouvre le temps du carême, qui fait justement référence aux 40 jours passés dans le désert par Jésus, avant qu’il ne revienne en Galilée pour entamer son ministère et sa lente montée vers Jérusalem,
C’est un passage complexe, qui peut donner lieu à plusieurs lectures.
Tout d’abord, il faut se rappeler que ce passage suit immédiatement le baptême de Jésus et l’annonce de cette voix venue du ciel « Celui-ci est mon fils bien aimé en qui j’ai mis toute mon affection », confirmant l’annonce faite à Marie « L’enfant qui naitra de toi sera appelé Fils de Dieu »..
Après son baptême ; le texte nous dit que Jésus était rempli du Saint esprit, et qu’il partit pour 40 jours dans le désert.
Résister à La tentation
Cette retraite au désert n’est pas l’initiative de Jésus. Il se laisse conduire par l’Esprit, conformément à la volonté de Dieu.
Le désert, c’est un espace ambivalent :
Aucun obstacle jusqu’à perte de vue, aux confins de l’horizon, aucun autre espace sur terre ne peut mieux donner une représentation de l’infini, sous cette voûte céleste qui nous interpelle : infini, éternité, où mieux qu’au désert peut-on se sentir un peu plus près de Dieu ? Il faut lire ou relire les pages que Théodore Monod a pu écrire sur cette relation au désert, génératrice d’une toute autre relation à Dieu, en qualité et en intensité.
Mais le désert c’est aussi un espace sans repères, un espace d’errance, où l’on peut tout aussi bien éprouver l’absence de Dieu, où il est facile de se perdre, de ne plus savoir où aller, savoir vers qui se tourner.
Cette référence au désert est claire : Encore une fois, la volonté des Evangiles, est d’inscrire la venue de Jésus dans l’histoire d’Israël : 40 jours, 40 ans, Dieu qui guide le peuple dans le désert, qui le nourrit, le peuple qui perd ses repères, qui récrimine, regrette le temps d’esclavage, puis érige le veau d’or au moment même où Moïse s’astreint à quarante jours et quarante nuits de jeûne avant la remise des tables de la Loi.
Voilà la situation de Jésus, au désert, ce Jésus, totalement homme, né d’une femme, mais ce Jésus dont l’essence divine vient d’être rappelée par cette voix céleste.
Que va-t-il sortir de ce carême au désert : Jésus va-t-il approfondir sa proximité, sa relation de confiance et d ‘amour à Dieu son Père, ou bien va-t-il se perdre ?
Nous sommes à l’aboutissement ultime des préfigurations de l’ancien testament, en Deut.. 8/2 : « Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t'ai fait marcher pendant ces quarante années dans le désert, afin de te faire connaître la pauvreté et de t'éprouver, pour savoir quelles étaient les dispositions de ton cœur et si tu garderais ou non mes commandements »
Par toutes ces références à l’ancien testament, Luc insiste sur le caractère messianique de Jésus : Celui qui accomplit les Ecritures,
Mais rien n’est encore certain , c’est maintenant que nous allons avoir la réponse : Quelle voie Jésus va-t-il choisir ?
Et C’est alors Qu’intervient le diable, et la scène nous est présentée comme une joute théologique entre deux spécialistes des écritures qui se répondent par versets interposés.
Mais l’enjeu est de taille : le diable, c’est le diviseur, le diable c’est cette petite voix pernicieuse qui te présente toujours une autre solution, un autre choix, une autre décision, en 1 mot, qui sème la zizanie (voir Matthieu 13/24-30).
Cette petite voix qui sait que Jésus est le fils de Dieu, avec tout ce que cela implique comme puissance, divine justement.
On n’est pas dans un match où il y a aurait le bon contre le méchant, où l’on saurait tout de suite dans quel camp nous situer. Ça ne marche pas comme ça car le méchant, le diable, le diviseur, est en nous, nous sommes ambivalents, comme le désert, capables à la fois de rester ancrés dans notre foi en Dieu et en mêmes temps capables de nous perdre, dans je ne sais quels raisonnements ou remises en cause.
Il n’est pas nécessaire que Jésus ait un adversaire face à lui pour connaître ce même dilemme, ces mêmes interrogations, et ce temps de carême est nécessaire pour lui, pour mettre les choses en ordre, au clair, dans sa tête avant d’affronter son ministère, jusqu’au bout.
Les 3 défis
Et c’est là qu’interviennent les 3 défis, auxquels Jésus est confronté et qui sont 3 tentations auxquelles il va résister.
Et c’est le moment de rappeler que résister à la tentation, ce n’est pas résister à des fautes morales, les Evangiles ne sont pas des traités de morale. Résister à la tentation c’est résister au risque d’infidélité à Dieu, céder à la tentation c’est céder au risque d’ingratitude, au risque de négation de l’amour de Dieu pour nous, c’est d’une toute autre gravité.
Le 1° défi, il le subit par un aspect tout à fait matériel : il a faim, il n’a rien, ce serait si facile de se servir de sa puissance divine, pour avoir illico table garnie.
Jésus répond à la petite voix par Deut 8/3, Lui, Jésus il se nourrit de la Parole du Seigneur. Ce que n’a pas fait le peuple d’Israël au désert.
Il n’utilisera pas la puissance divine pour changer les pierres en pain pour se nourrir lui, mais plus tard, il multipliera pains et poissons pour nourri les foules.
Le 2° défi est celui de la soif de pouvoir, de l’affirmation de soi, soif inextinguible, qui peut aller chez certains jusqu’à la domination sur leur peuple, c’est le pouvoir politique. Cette affirmation de soi, cette domination et la gloire qui va avec, sont à portée de mains de Jésus, ses propres disciples ne manqueront pas, plus tard de le lui suggérer.
Mais Jésus répond que la seule autorité qu’il reconnaît est celle de son Seigneur et qu’il ne servira que lui seul.
Mais cela n’empêchera pas Jésus de se confronter à ceux qui détiennent ce pouvoir et de le faire avec l’autorité que lui donne la Parole. Et chaque fois ce seront ceux qui détiennent le pouvoir qui devront battre en retraite. (Gandhi, MLK) : L’autorité nue le la Parole, plus forte que le pouvoir politique ou religieux
Le 3° défi est la tentation de vouloir échapper aux prophéties (celles du serviteur souffrant, par exemple en Esaïe) et à l’issue finale du Golgotha en se rappelant ce psaume 90, où il est écrit que rien de mal ne peut arriver à celui qui se confie en Dieu, qui espère en Lui, car les anges le protègent.
Jésus a donc le pouvoir de se sauver lui-même, d’échapper à la croix ; de prendre en mains sa vie plutôt que de la confier à son père.
Cela fait référence à ce que l’on entendra plus tard « sauve-toi toi-même »
Mais Jésus se reprend, ce qui triomphe c’est sa confiance en Dieu, sa confiance qu’après la croix et ce sacrifice horrible mais nécessaire qu’il accepte, finalement, il sera sauvé. Sa mort sur la croix manifestera plus sûrement à la face du monde la puissance de son Père, que s’il, avait utilisé cette puissance pour y échapper..
Les Ecritures
Ce passage nous interpelle sur la lecture que l’on peut faire des Ecritures. L’histoire nous montre trop les effets destructeurs que peut donner l’instrumentalisation des Ecritures, leur utilisation pour nous servir, notre volonté, nos projets.
Car lire la Bible ne sert pas à fournir des arguments (plus ou moins raisonnables ou crédibles) afin d’affirmer notre vérité ou nos opinions. Elle ne doit pas être un instrument au service de nos propres desseins. Lire la Bible, c’est se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu qui s’y trouve. C’est retrouver ce qui est central dans cette Parole : Dieu veut nous accueillir tels que nous sommes et construire avec nous une relation basée sur la grâce, le pardon, l’amour.
Conclusion
Le récit de la tentation de Jésus fait suite au récit du baptême dans lequel Jésus est désigné comme le Fils bien-aimé, il suit aussi une longue généalogie qui désigne Jésus comme issu d’une longue lignée humaine et croyante (Esaïe 11).
Ce récit c’est celui de quarante jours de lutte contre soi-même et de recherche spirituelle intense.
Ainsi Jésus ne se lance pas dans sa mission sans s’y être préparé et en tout cas pas immédiatement après la révélation de son baptême. Il prend le temps du discernement et accepte aussi le temps de la lutte pour l’affermissement de sa foi.
Voilà de quoi méditer pour nous :
On n’est jamais chrétien une fois pour toutes, on le devient toujours. Être chrétien, c’est se laisser construire dans le temps par sa relation à Dieu. C’est entrer dans un processus de changement, toujours à recommencer.
Jésus aussi construit son identité étape par étape au cours de son ministère. (Voir les noces de Cana)
Prendre le temps de construire sa vie spirituelle est une difficulté sérieuse aujourd’hui. À l’époque du « tout, tout de suite », de la recherche d’efficacité immédiate, ce message est difficile à entendre. (Force d’un message décalé)
La foi se construit, se nourrit, se développe dans le temps.
Ce temps de carême qui s’ouvre devant nous, avec ses moments de méditations qui nous sont proposés est pour nous une occasion d’approfondissement, et d’affermissement, pour que notre vie spirituelle soit pleinement épanouie dans la présence bienveillante de Notre Seigneur et dans l’attente du miracle de Pâques.
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Amen !
François PUJOL.