Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 04 AVRIL 2010
Culte à Gap (05000)

Lectures du Jour :
Luc 24, 13-35
Romains 6, 3-11
Actes 10, 34-43
Sur le chemin d’Emmaüs : un doute crucial
Certaines mauvaises langues disent que l’ange annonçant la résurrection du Christ est apparu à des femmes…parce qu’il était sûr que la rumeur se répandrait très vite ainsi…
Toujours est-il que dans notre texte de ce matin, même si les disciples ont effectivement eu le récit des femmes concernant le tombeau, il n’en demeure pas moins qu’ils vont en parler en dernier…
On les sent pour le moins dubitatifs…c’est la mort, c’est la déception qui prime dans leur narration. C’est la mort qui a le dernier mot. C’est le monde du désespoir qui est le grand vainqueur.
Je voudrais ce matin m’arrêter avec vous sur trois points qui me semblent importants dans ce texte et qui peuvent nourrir notre réflexion :
Il y a d’abord ce cheminement, puis l’importance de la cène comme signe pour nous aujourd’hui de la présence du Christ. Et enfin il y a une mission, celle du chrétien, qui se dessine clairement.
Ainsi deux disciples sont en route pour un village nommé Emmaüs. On ne sait rien de la motivation de ce voyage. Ils sont juste en route.
Et ensemble ils parlent ; ils parlent de cette histoire qui les a pris aux tripes pendant trois ans ; ensemble, comme après tout deuil, ils parlent de celui qui les a quittés. Peut-être essaient-ils de se raccrocher à des souvenirs communs ; ou encore tentent-ils de se justifier mutuellement de l’avoir suivi, ce prophète comme ils disent, mais dont l’horrible fin semble marquer un point d’orgue à leurs espérances.
Ainsi, ensemble, ils cheminent.
Ce cheminement est nécessaire ; il est nécessaire pour nous. Un point de vue arrêté, statique et immuable risque de s’effondrer très vite, à la moindre difficulté de la vie.
Cheminer…Faire chemin ensemble. La foi n’est pas statique ; elle doit cheminer. Nous sommes appelés à cheminer, à nourrir notre foi, à ne pas nous arrêter à nos certitudes comme nos doutes.
Pour cela, les disciples ne cheminent pas seuls ; ils cheminent à deux. Nous-mêmes sommes appelés à cheminer ; par le culte, par les études bibliques, l’autre, les autres sont nécessaires à ce cheminement. On n’est pas chrétien tout seul ; on risque vite soit de se dessécher, soit de camper sur des positions normatives. On peut difficilement cheminer seul. Le mot grec signifie d’ailleurs « faire chemin ensemble ».
L’autre, les autres me sont donc nécessaires pour avancer dans la foi, et pour que cette foi me fasse vivre et envisager la vie avec espérance.
Et vous avez remarqué que le Christ n’est pas absent dans ce cheminement.
A partir du moment où, vous connaissez, deux ou trois sont réunis en son nom, il vient cheminer.
Le Christ les rejoint donc dans cette marche ; il va marcher avec eux ; avec eux qui ne vont pas le reconnaître ! Incroyable ! A-t-il changé à ce point pour que ceux qui l’ont suivi pendant trois ans ne le reconnaissent pas ?
Mais et nous, qui parfois le suivons depuis des années, reconnaissons-nous systématiquement sa présence ?
Sommes-nous vraiment conscients ce matin qu’Il est là, présent, pas en symbole, pas en image, présent, peut-être assis sur un banc, peut-être debout au milieu de l’allée, peut-être nous attendant déjà à la table de communion ?
Pourtant, Jésus l’a dit : « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Au milieu, ce n’est pas vaguement en nous ; ou un peu loin à surveiller de là-haut du coin de l’œil !! Au milieu ; assis à côté de l’un d’entre vous…ça fait bizarre n’est-ce pas ? Mais c’est ainsi !! Et nous aussi, on a un peu de mal parfois à le reconnaître !!!
Une chose me paraît importante dans le texte : quelque chose les empêchait de voir…
La tristesse, la déception, la certitude que tout était fini, voilà certainement ce qui les empêchait de voir ; voilà certainement ce feu qui brûlait en eux et les empêchait d’être ouvert à une bonne nouvelle ; d’être ouvert, « tout simplement » je dirai, à la possibilité de Dieu.
Nous-mêmes avons bien souvent des œillères à notre foi : l’habitude, la peur d’être ébranlé dans ses certitudes, l’incrédulité, la rationalité ambiante sont autant de feux qui brûlent en nous et nous empêchent de le reconnaître…Et transforment notre foi en contenu intellectuel, en savoir plutôt qu’en « vivre ».
Mais Dieu, le Dieu de Jésus-christ, connaît ces endurcissements de notre cœur. Voilà pourquoi la sainte cène est une véritable grâce pour chacun de nous, pour chacun reconnaissant qu’un feu aveuglant brûle en nous.
Pour les disciples, ce sera un moment unique, celui où leurs yeux vont s’ouvrir ; les yeux de leur cœur ; les yeux de l’amour qu’ils ont pour le Christ.
Les oreillettes de leur cœur vont s’ouvrir pour entendre enfin ce qu’il a à leur dire, ce message qu’ils ont entendu de la part des femmes, mais qu’ils ne peuvent, par leur seul intellect, comprendre : Il est ressuscité ; il est vraiment ressuscité.
J’entends parfois certaines personnes me dire : « oh ! Moi, ça ne change rien à ma foi que le Christ soit ressuscité ou pas »…
Pour ces personnes-là, je dirai que ça ne changerait rien à leur foi d’apprendre que Dieu n’existe pas…
La résurrection, et son acceptation, ne sont pas des options de la foi chrétienne.
Nos yeux sont souvent empêchés de le reconnaître ; empêchés de reconnaître que Dieu est le Dieu qui nous accompagne, et qui a son mot à dire dans nos vies comme dans ce monde.
Un feu aveuglant brûle souvent en nous.
Voilà donc ce cheminement nécessaire, pour chacun d’entre nous. Cheminement avec les autres, cheminement avec le Christ.
Mais peut-être avez-vous remarqué dans le texte que Jésus ne s’impose pas.
Il arrive, je crois, à un moment du cheminement, où il faut faire des choix.
Jésus, à un moment, fait mine d’aller plus loin sur la route. Les disciples ont le choix : soit le laisser partir, arrêter ce cheminement avec lui, soit l’inviter à rester.
Ca ne veut pas dire d’ailleurs qu’ils ont terminé leur cheminement ! ils ne l’ont pas encore reconnu ; mais ils l’invitent à rester ; ils l’invitent.
Certainement que dans nos cheminements, malgré nos doutes et nos aveuglements, nos incertitudes, nos questionnements, il nous faut nous même à un moment prendre parti ; il nous faut prendre le parti de l’inviter, dans nos vies, dans nos maisons.
Notre foi ne peut en rester uniquement au plan intellectuel avec des ressassements permanents et quelques gargarismes de cerveau qui nous rassurent…
Avec nos doutes, avec nos vies, avec nos rationalismes, il arrive un moment où le Christ nous laisse totalement libre de choisir : on continue la route ensemble, et je t’apporte ma lumière par ma présence, ou bien tu veux continuer la route seul , avec ton remue-méninges sans réponses, et ton pessimisme ambiant qui est le même que ce monde…
Si on l’invite à continuer la route, ce cheminement, avec nous, alors la sainte cène est là pour dissiper la fumée de nos aveuglements ; pour soutenir notre foi par ce partage du pain que le Christ lui-même, que le Christ en personne nous donne.
Et la sainte cène est là pour nous rappeler que si c’est folie d’avoir la foi et de vouloir en vivre, nous ne sommes pas seuls à être fous ! il y a autour de la table, autour du Christ, d’autres fous, d’autres personnes qui font confiance en Dieu !!
Il y a autour de cette table des personnes qui, comme les femmes, proclament haut et fort sa résurrection ; il y a des personnes qui, comme Pierre, ont tourné le dos à dieu pour x ou y raisons à un moment de leur vie ; il y a des personnes aussi variées que les disciples. Mais qui , toutes, ont envie de le reconnaître, à la fraction du pain, et ensemble ont envie de l’inviter dans leur vie.
Mais alors, après que nos yeux, les yeux de notre cœur se soient ouverts, il y a une mission.
Je ne sais pas si vous avez remarqué : les disciples en chemin n’ont pas peur de parler à un inconnu de leur Messie. Pourtant, ils ont peur ; le texte le dit. Et les circonstances font que ce n’est peut-être pas de bon ton de parler de ce Jésus.
D’autres récits vont les montrer enfermés, par peur des juifs.
Là, non seulement ils en parlent ouvertement, et ils proclament leur foi, sans honte, sans peur, mais encore le texte nous dit qu’ils sont triste pour cet homme qui ne semble pas savoir ce qui s’est passé.
La voilà notre mission, celle que chaque chrétien est appelé à vivre : annoncer, sans honte, sans peur, ce Christ qui est venu ouvrir nos yeux et éteindre le feu aveuglant qui brûlait en nous.
La voilà, notre mission : être triste pour celles et ceux qui n’ont pas entendu véritablement l’Evangile. Et pas besoin d’aller au fin fonds de la brousse pour trouver ces personnes.
Pensez à vos enfants ; à vos petits-enfants… Ont-ils entendu, vraiment déjà entendu parler de Jésus-Christ ? Leur avez-vous déjà dit pourquoi vous allez au temple ? Leur avez-vous déjà dit avec vos mots ce que l’Evangile du Christ a changé dans votre vie ?
Arrêtons d’avoir honte ; arrêtons d’avancer l’argument du respect des convictions de l’autre.
Nous devons être fier de cet évangile qui apporte la vie, qui apporte l’espérance, qui apporte la joie et offre la paix intérieure.
Nous devons être fiers d’avoir cette mission ; et pour cela, Jésus-Christ nourrit notre audace de pain, ce pain qui rassasie les ventres et les cœurs ; il nourrit nos peurs de vin, celui qui libère pour la joie.
Arrêtons d’avoir honte ! Montrons à notre entourage que dans notre cheminement, nous sommes passé, comme les disciples d’Emmaüs, de la tristesse à la joie ; de l’enfermement à la liberté ; du désespoir à l’espérance.
Amen !
Nathalie PAQUEREAU