Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 27 Décembre 2015

Trescléoux (05700)

Lectures du jour :

1 Samuel 1, 20-28, (voir également sous cette référence, méditation du 30 Décembre 2018)

1 Jean 3,1-24,

Luc 2,40-52

De Noël à Pâques

La piété d’Anne

Frères et Sœurs, ce matin les lectures qui nous sont proposées nous parlent de parents et d’enfants, et tout d’abord de Samuel dont la naissance va se réaliser dans des conditions bien particulières. En effet, la (future) mère de Samuel, Anne, est stérile et son mari Elkana a pris une autre épouse, Peninna, afin de s'assurer une descendance. Une profonde rivalité s'instaure entre les deux épouses et Peninna ne se fait pas faute de rabaisser sa rivale sans enfants. De sorte qu’Anne prend sa stérilité pour une malédiction voulue par Dieu. Alors elle profite du pèlerinage des vendanges au sanctuaire de Silo[1], pour demander au Seigneur de lui donner un enfant. En retour, elle le consacrera au Seigneur. Sa prière est exaucée et Anne met au monde Samuel[2] et elle rend grâces à Dieu dans une prière que l’on appelle le cantique d'Anne (2,1-11) dont on retrouvera la forme bien plus tard (11 siècles ![3]) dans le cantique de Zacharie ou dans le Magnificat de Marie après l’annonce de l’ange Gabriel.

Anne qui vivait sa stérilité comme une malédiction, reconnaît la naissance de Samuel comme une bénédiction.

Cette petite histoire de la naissance de Samuel, nous interpelle, aujourd’hui, où le droit à l’enfant est une revendication de plus en plus présente, où la science vient au secours de cette revendication, permettant à certains de penser que l’homme et la femme pourront s’affranchir de toute contrainte biologique, et repousser toutes les limites, pour accéder, nous dit-on à plus de liberté et plus d’égalité.

Nous, chrétiens, pourrions dire, comme Ponce Pilate, sur un ton mi interrogatif, mi désabusé, qu’est-ce que cette liberté-là, qu’est-ce que cette égalité-là…

Nous, chrétiens, qui essayons de vivre une relation intime avec Notre Seigneur, qui partage notre vie de tous les jours, nous sommes dans la continuité de la démarche d’Anne pour Samuel, qui sera aussi celle de Zacharie et Elisabeth pour Jean-Baptiste, et celle de Marie pour Jésus. Pour nous, l’enfant qui arrive dans notre foyer, n’est pas un enfant que l’on fait, auquel on aurait droit, mais un enfant qui nous est donné, que l’on reçoit, nous permettant ainsi de poursuivre l’œuvre créatrice de Dieu.

Et si, quelqu’un demandant à qui est cet enfant ?, nous répondons précipitamment, il est à moi [4]!, nous savons dans notre for intérieur qu’il n’est pas tout à fait à nous, et c’est exactement ce que nous exprimons dans le baptême des jeunes enfants[5], affirmant devant la Communauté, notre souhait qu’il grandisse et croisse dans la proximité de Notre Seigneur et sous sa protection.

La Sainte Famille (selon une expression usuelle !)

Eh bien, c’est ce que fit une autre famille, des artisans modestes, des juifs pieux, respectueux de la tradition qui, juste avant notre lecture de ce matin (Luc 2,22-39) ont présenté leur enfant au Temple, scène où Siméon, le vieux sage presque aveugle a pu prendre Jésus dans ses bras, l’élever en proclamant (à peu près) : Maintenant je peux mourir car mes yeux ont vu le salut préparé par Dieu pour tous les peuples, la lumière qui sera révélée aux païens (nous).

Et chaque année ils reviennent à Jérusalem, depuis leur Galilée, pour fêter la Paque, Pessah, mais cette année c’est une fête particulière, car leur fils Jésus, devenu adolescent, va faire sa Bar Mitzvah.

Et les parents sont dans cette joie mêlée d’émotion, de fébrilité, que nous avons connue lorsque nos enfants ont demandé la confirmation de leur baptême, un jour de Pentecôte, l’une de nos grandes fêtes « carillonnées ».

La Bar Mitzvah est la cérémonie par laquelle l’adolescent entre dans le cercle des adultes, et à cette occasion, pour la première fois il pourra lire publiquement les rouleaux de la Torah et en faire un bref commentaire. Avec Jésus cette cérémonie prendra une autre tournure, celle d’un échange avec les prêtres, frappés de l’intelligence de ses réponses (v.47).

Et puis la fête se termine, les parents, encore remplis de joie intérieure après cette belle fête, (Marie gardant toutes ces choses dans son cœur-v.51) prennent la caravane du retour[6], les enfants se retrouvant entre eux, à l’arrière.

Ce n’est qu’au soir de la première étape, que les parents découvrent avec stupeur que leur fils n’est pas là. Changement brutal d’ambiance, c’est l’angoisse, les idées noires qui prennent le dessus. Il faut le retrouver. Et l’on assiste à ce terrible contraste de Marie et Joseph remontant vers Jérusalem, croisant les pèlerins tout joyeux, alors qu’ils ont déjà des images de mort devant leurs yeux.

Trois jours

Trois jours ! Trois jours d’obscurité profonde, où le désespoir gagne, puis au bout de ces trois jours, la délivrance : Jésus est retrouvé, Jésus est vivant, auprès de son Père.

Et soudain, dans ce récit, le calendrier est bouleversé, sommes-nous encore à Noël ou déjà à Pâques ? Nous ne sommes qu’au chapitre 2, et Luc nous annonce l’autre bonne nouvelle :

* la première : un enfant nous est né, le Fils nous est donné,

* la seconde : Le 3° jour, Christ est ressuscité, il est vivant ;

Et Luc poursuit dans ce raccourci:

* Les premières paroles de Jésus, dans le Nouveau Testament, elles sont là : il faut que je m’occupe des affaires de mon père,

* Qui font écho à ses dernières paroles : Père je remets mon esprit entre tes mains.

Tout est déjà dit : Luc, dans ce que l’on pourrait appeler son Prologue, nous annonce que Jésus est bien le fils de Dieu, comme Jean le fait dans le sien (Jean 1, 1-18).

Mais Jésus, le fils du Très haut, comme disent les bergers, s’est incarné dans une condition humaine ordinaire et il a une vie d’enfant ordinaire dans une famille ordinaire.

Et que fait en premier, une mère ordinaire lorsqu’elle retrouve son enfant fugueur ? Elle lui fait des reproches, bien sûr !

Et là, Luc est très fort (vous excuserez cette trivialité) car en quelques phrases, pleines de ces petits détails, il nous apprend à être parents :

* Vais-je, à force de dire cet enfant est à moi développer un amour possessif qui va l’étouffer, allant même jusqu’à lui reprocher l’amour que je lui porte ?

* ou vais-je, considérant qu’il n‘est pas tout à fait à moi, lui laisser un espace de liberté, lui laisser faire sa propre trace en l’aidant à apprivoiser cette liberté, soutenus dans cette tâche par Notre Seigneur ?

La caravane

C’est aussi cela que Luc nous enseigne. Car l’image de la caravane qui s‘ébranle sans Jésus n’est pas anodine : Jésus ne prend pas la caravane, c’est délibéré !

Et pourtant que souhaitent tous les parents pour leurs enfants, sinon qu’ils suivent la caravane, qu’ils prennent le bon train, qu’ils prennent un bon départ dans la vie, un bon métier et tant qu’on y est, un beau mariage !

Et si notre seule espérance se trouve là, que de désillusions nous attendent.

Jésus n’a pas pris le bon départ, n’a pas pris la caravane, mais il était libre, d’une totale liberté, en communion totale avec le Père.

Et c’est cette liberté qu’il veut nous transmettre à travers ce texte de Luc, nous invitant nous aussi à rechercher la proximité du Père, car c’est bien là que ses parents l’ont retrouvé.

Et si ses parents l’avaient cherché tout de suite là, près du Père, ne se seraient-ils pas épargné ces 3 jours d’angoisse, de désespoir ?

Que nous dit Jésus quelques chapitres plus loin[7] ? Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et toutes choses vous seront données par surcroît.

Mais si vous inversez la phrase, si vous cherchez d’abord ces choses terrestres, matérielles, même teintées de bons sentiments, pour vous même ou votre enfant, il n’est pas sûr que vous trouviez, de surcroît le royaume de Dieu, car le Royaume de Dieu n’est pas une destination, il est, ou il n’est pas, en vous[8]

Et il n’est pas sûr qu’il restera encore un peu de place pour lui.

Ce matin, frères et sœurs, Jésus nous pose cette question, posée à Marie et Joseph il y a 2.000 ans : Pourquoi me cherchez-vous ?

Pourquoi je cherche Jésus ? …. Pour me l’approprier, dire il est à moi, non, je ne crois pas. Peut-être parce qu’il m’a appelé, et, alors il faut que je le trouve, parce que Jésus, le ressuscité qui a surmonté la mort la plus infâme, est le seul par lequel je puisse me rapprocher du Père, en finir avec ces obsédantes questions sans réponse sur l’au-delà et l’en- deçà, sur l’avant et l’après, sur le pourquoi de ma présence ici et maintenant. Avec Christ, le crucifié, le ressuscité et la paix intérieure qu’il me propose, ma vie prend tout son sens : une direction, Lui, un point fixe, sa croix, et une signification : être un de ses ouvriers, (quelconque, certes[9]), une petite lumière[10] au milieu de mes contemporains

Et Jésus me pose une seconde question : où me cherches-tu ? C’est en moi, c’est dans mon cœur que je dois le chercher, car si je l’y trouve, c’est que je suis moi aussi une partie, une toute petite parcelle de son Royaume.

Conclusion

Chercher Jésus, chercher Jésus en moi mais aussi dans les yeux de mon frère, de ma sœur, voilà bien de quoi remplir une vie, de quoi construire une vie, et voilà bien de quoi aider nos enfants à construire la leur. Avec Christ à leur côté, ils peuvent bien ne pas suivre la caravane, il ne leur arrivera aucun mal.

Et voilà aussi un beau projet pour cette nouvelle année 2016 !

Amen !

François PUJOL

[1] Un des plus importants lieux de culte d'Israël pendant la période des Juges. Il est situé au centre de la Samarie, au sud de Tirtza, l'ancienne capitale du royaume du Nord (aujourd’hui en Cisjordanie près de Naplouse). Il est détruit en 1050 av. J.-C. lors d'une bataille opposant les Philistins aux Hébreux.

[2] C’est lui qui installera le premier roi d’Israël, Saül après la période des Juges, en -1040.

[3] « Nos ancêtres les Gaulois » étaient à peine sortis de l’âge du bronze

[4] Il est intéressant de noter que ce « à moi » est devenu un prénom : en basque, c’est le sens du prénom « Enea ».

[5] On a du mal à imaginer comment, dans la Réforme naissante (1524-1526), une divergence sur le baptême des jeunes enfants provoqua ce que l’on appelle la « guerre des paysans », (abandonnés par Luther) qui fit 130.000 victimes et déclencha une répression des plus atroces.

[6] Nazareth est à 150 kms de Jérusalem

[7] Luc 12,31

[8] C’est ce que nous dit Jean dans sa 1° lettre et aussi dans l’apocalypse (1,5-6)

[9] Luc 17,7-10

[10] Voir le Sermon sur la Montagne (Matth.5, 14 et Luc 11,35)