Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 28 mars 2010

(Culte des rameaux)

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :

Luc 19, 28-44

Esaïe 50,4-7 (voir également sous cette référence, méditation du 29 Mars 2015)

Philippiens 2, 6-11 (voir également sous cette référence, méditation du 25 Septembre 2011)

7 jours pour re-créer le Monde

Chers Frères et Sœurs,

Eh bien nous y revoilà, à ce dimanche des rameaux, je serais tenté de dire, ce fameux dimanche des rameaux, dont je ne sais que dire de plus, que dire de nouveau que vous ne sachiez déjà, sur cette entrée glorieuse dans Jérusalem, maintes fois racontée, y compris par les non-chrétiens, qui en retiennent les processions, les branches de buis aspergées d’eau bénite, et ce Jésus, acclamé le dimanche, victime le jeudi d’un procès truqué et d’une foule haineuse qui crie « crucifie, crucifie », après avoir crié « Hosanna, hosanna », puis exécuté le vendredi.

Que s’est-il donc passé ? Aurions-nous loupé un épisode ? Et puis, Jésus présenté en victime, est-ce bien de cela qu’il s’agit ?

Revenons en arrière :

Luc, au chapitre 9 nous dit que “Lorsque le temps où il devait être enlevé du monde approcha, Jésus prit la résolution de se rendre à Jérusalem.”

Entre le chapitre 9 et le chapitre 19, Jésus nous raconte beaucoup de paraboles, rarement comprises par son auditoire, et fait des miracles. Dans Luc, il en manque un, le premier, les noces de Cana, qu’on ne retrouve que dans Jean : rappelez-vous, on l’a lu il y a quelques dimanches : voyant qu’il n’y a plus de vin, sa mère lui dit « il n’y a plus de vin ! », d’un air de dire, « alors qu’est-ce que tu attends ?, et lui que répond-il ? « Mère, mon heure n’est pas encore venue », c'est-à-dire, « le moment n’est pas encore venu de montrer qui je suis réellement ».

Puis, lorsqu’il estime le moment venu, il entame sa montée vers Jérusalem. Lui, le fils de Dieu, comme l’a déclaré Jean Baptiste, il suit un plan écrit depuis l’origine des temps, dont il connaît très bien le scénario final, qu’il respectera jusqu’au bout, jusqu’au bout de cette semaine terrible,

Au chapitre 18, il annonce à ses disciples : « Voici, nous montons à Jérusalem, et tout ce qui a été écrit par les prophètes au sujet du Fils de l'homme s'accomplira. Car il sera livré aux païens; on se moquera de lui, on l'outragera, on crachera sur lui, et, après l'avoir battu de verges, on le fera mourir; et le troisième jour il ressuscitera ». Mais ils ne comprirent rien à cela; c'était pour eux un langage caché, des paroles dont ils ne saisissaient pas le sens.

Et aussi plus tard lorsqu’il dira à Juda juste après la Cène, dans Jean 13:27, “Ce que tu as à faire, fais-le promptement.”, y compris au jardin des oliviers où, malgré la peur et l’angoisse, que les évangiles ne nous cachent pas, il renoncera à fuir ce destin en déclarant à ceux qui viennent l’arrêter, : « “Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges? Comment donc s’accompliraient les Ecritures, s’il en était ainsi?” Et il se rendra.

Oui, les écritures doivent être accomplies, y compris dans son entrée à Jérusalem, rappelant ainsi concrètement qu’il est venu pour accomplir les Ecritures, et non pour les abolir, comme le lui reprochent en permanence les scribes :

- La prophétie de Zacharie qui dit au chapitre 9, verset 9 : "Sois transportée d’allégresse, fille de Sion! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici, ton roi vient à toi; Il est juste et victorieux, Il est humble et monté sur un âne, Sur un âne, le petit d’une ânesse."

Mais les scribes, ils auraient du se souvenir aussi de Zacharie 12/10 : « Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication. Ils regarderont vers moi, celui qu'ils ont transpercé. Ils prendront le deuil en mémoire de moi, comme on se lamente sur un fils unique; et ils pleureront amèrement sur moi. En ce jour-là grandira la lamentation dans Jérusalem, comme la lamentation dans la plaine de Megiddo ».

La bataille de Megiddo…

On pourrait citer aussi le Psaume 22, que vous pourrez relire chez vous, qui décrit, 650 ans avant la naissance de Jésus, les scènes de sa crucifixion.

Revenons à notre entrée dans Jérusalem et cet ânon qui était dans le proche orient le signe d’un Roi victorieux entrant dans la ville vaincue en témoignage de paix. Pour nous, l’âne c’est aussi cet animal, autrefois compagnon d’infortune des paysans miséreux, ce mal aimé des animaux de la ferme, pourtant si courageux (il peut porter la moitié de son poids), cet animal intelligent mais modeste, c’est lui que Jésus a choisi pour le porter.

Mais les habitants de Jérusalem n’étaient pas sur cette longueur d’onde. Eux, ce qu’ils voulaient comprendre des prophéties c’est qu’un roi, un sauveur (un libérateur à la Bolivar ou à la Garibaldi) viendrait les délivrer, non pas d’eux-mêmes, car c’est bien de cela qu’il va s’agir, mais de l’occupant romain.

Les juifs ne s’intéresseraient qu’à la situation de leur propre peuple, alors que Jésus s’adresse à l’Humanité, ils se plaçaient juste dans le moment présent, alors que la dimension de Jésus c’est l’éternité.

On imagine dès lors que ce quiproquo sur le sens de la venue de Jésus à Jérusalem, ne pouvait déboucher que sur un fiasco.

Un fiasco, un échec, mais du point de vue des hommes. Car depuis son simulacre de procès jusqu’à la croix, c’est les hommes qui ont la main, qui mènent le jeu, mais au sépulcre c’est Dieu qui reprend les commandes, pour que les écritures soient accomplies jusqu’au bout : « Mort où est ta victoire, où est ton aiguillon ? » s’écrie Paul, reprenant la prophétie d’Esaïe « Il anéantira la mort à jamais, pour toutes les nations, il essuiera les larmes de tous les visages », ce qui s’annonce en ce jour des rameaux, c’est la victoire de la Lumière sur les ténèbres.

Esaïe, dont pratiquement tout le 3° livre, à partir du chapitre 40, est consacré à annoncer la venue, la mort et la résurrection de celui qui est appelé le « Serviteur de Dieu » [1].

L’ancien testament nous a conté comment Dieu a créé le monde et l’Homme en sept jours, par la puissance de la lumière sur les ténèbres et le chaos.

Mais l’homme, fort des qualités et des dons que Dieu lui a donné, a voulu la jouer en solo, la créature a voulu jouer les créateurs et a rompu sa relation avec Dieu, pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui.

Le Nouveau testament nous conte comment Jésus a recréé le Monde, en sept jours, malgré les trahisons, les tentations, et l’abandon. Une semaine c’est long. C’est l’achèvement de tout le travail entrepris depuis que Jésus s’est engagé dans ce que l’on appelle son ministère.

Jusqu’à son dernier souffle, les écritures seront accomplies, lorsqu’il s’écriera « Père je remets mon esprit entre tes mains », paroles déjà annoncées dans le Psaume 31, six siècles plus tôt. Il exprime ainsi que personne ne lui a pris sa vie, mais que c’est lui qui nous l’a donnée.

Après sa mort, Jésus est descendu aux enfers, c’est en tout cas ce que nous proclamons, ce qui a fait polémique au temps de la Réforme : Que devait-on comprendre dans cette expression ? Sébastien Castellion, l’un des rares opposants à Calvin qui n’ait pas péri sur le bûcher ou moisi dans un cachot, expliquait que Jésus était descendu aux enfers, certes, mais pour en fermer la porte. C’est tout à fait juste, car avec sa résurrection, le 7° jour, nous vivons sous le signe de cette re-création du Monde par Jésus Christ, d’un monde nouveau à la participation duquel nous sommes dorénavant tous prédestinés.

Voilà le sens de cette semaine, et de ce 7° jour qui est devenu pour nous le premier.

Oui, nous sommes tous prédestinés à partager ce nouveau monde, cette vie éternelle que Jésus nous promet, non pas pour demain, mais pour aujourd’hui « Celui qui croit en moi a la vie éternelle ». C’est d’ailleurs ce qu’il dit deux chapitres avant celui que nous venons de lire : Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards, car voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous

Encore faut-il que nous l’acceptions, que nous acceptions Jésus-Christ comme seigneur et sauveur, afin d’être réconciliés avec notre créateur, que nous accomplissions cette conversion, ce demi-tour pour revenir à l’essentiel, au sens profond que doivent avoir nos vies, saisir cette main tendue, la prendre chaque matin et naître de nouveau avec Jésus. Entrer sans crainte chaque matin dans une nouvelle journée de la vie éternelle, voilà ce qu’il y a au bout de cette semaine sainte qui se terminera dimanche prochain.

Il y a quelque temps, des amis partaient pour plusieurs mois en Afrique avec leur fille qui avait une quinzaine d’années. Et comme je lui demandais si cela ne l’effrayait pas un peu, elle me répondit du tac au tac « non, et de toutes façons je suis avec mon père, il ne peut rien m’arriver ».

Cette réponse m’est toujours restée en tête. Je vous en parle aujourd’hui car pour nous il en de même. Et ce qui pourrait rester de ce culte des rameaux 2010, est que, raffermis dans notre foi par ce que nous venons de lire et d’entendre, que chaque matin nous puissions prendre la main que Dieu nous tend, et que nous puissions dire nous aussi « Je suis avec mon père, il ne peut rien m’arriver ».

Amen.

François Pujol

[1] Ésaïe 42.1-12; 49.1-9; 50. 4-11; 52.13 à 53.12