Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 03 novembre 2019
Culte à Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Ésaïe 45, 21-24,
Luc 19, 1-10, (lire également méditation du 03 Novembre 2013)
2 Thessaloniciens 1,11-2,2
Recevoir Christ avec joie !
Chers frères et sœurs,
Il ne vous aura pas échappé que Jeudi c’était le 31 Octobre, et qu’il y a 502 ans, Luther affichait[1] ses 95 thèses contre l’abus des indulgences[2] sur la porte de l’église du château de Wittenberg.
La Société de l’Histoire du Protestantisme français avait proposé en 1866 à l’Église Réformée d’instituer un culte annuel de la Réformation, célébré le 1er dimanche après cette date.
Cette proposition fut bien accueillie et pendant longtemps, la Fête de la Réformation fut célébrée dans beaucoup de paroisses Réformées, car elle tombait bien, dans le calendrier de l’année et pouvait être associée à la fête des récoltes. Puis elle tomba dans l’oubli.
Alors, vouloir renouer avec cette tradition d’un culte de la Réformation peut être vu comme passéiste, nostalgique, voire anti-œcuménique. Oui, si ce culte était l’occasion d’une auto-glorification, d’un retour aux temps héroïques du protestantisme, du souvenir des épreuves que nos ancêtres spirituels ont subies, et d’honorer « Saint Luther » et « Saint Calvin » !!
Non, si ce culte est l’occasion de parler de ce que les réformateurs ont redécouvert, à savoir que l’homme est sauvé par la grâce, par le moyen de la foi, et non par ses propres œuvres[3], thème précis de cette parabole de Zachée.
Le salut par la foi
En ce jour de la Réformation qui a mis en avant le salut par la foi, on peut essayer de rappeler ce qu'est la foi, ou ce qu’elle n’est pas :
On peut commencer par-là : La foi n’est pas une croyance, que Dieu existerait, par exemple. Cela n'a rien de spécialement chrétien et relève d’une simple opinion.
La foi, c’est d’abord une rencontre avec Jésus Christ, dont on a fait la connaissance à travers les Evangiles qui le suivent pas à pas, jusqu’à cette croix sur laquelle il s’est donné pour nous, selon ses propres mots[4].
Mais cette rencontre peut ne jamais avoir lieu, car pour rencontrer Christ, il faut le chercher, trouver son regard, qui ne nous quittera plus.
De cette rencontre naît une double confiance :
* En Dieu, créateur de l’Univers, qui forme pour nous des projets de bonheur, pour nous donner un avenir à espérer[5], et qui nous attend, comme le proclame le prophète Esaïe (45, 22),
* En Jésus-Christ, qui par sa mort et sa résurrection nous a ouvert un chemin de réconciliation[6] avec Dieu, dont nous nous sommes tellement éloignés, que nous nous sommes perdus. C’est pourquoi nous aussi nous avons besoin d’être sauvés, retrouvés, libérés. C’est le sens de ce mot, salut.
Forts de cette rencontre et de cette confiance, notre foi nous donne l’espérance que la main de Christ ne nous quittera plus, y compris lors du grand passage, de sorte que pour nous l’au-delà n’existe pas puisqu’il est déjà ici et maintenant.
Zachée est l’illustration de ce que peut produire cette rencontre pour celui qui en est bénéficiaire : Celui qui s’était perdu dans des chemins de traverse sans issue, est sauvé, sauvé de lui-même, ici et maintenant, et pour l’Eternité, par Jésus, le Christ de Dieu.
Riche et pur ?
Luc n’aime pas les riches, prompts à s’auto-justifier comme l’a prouvé la parabole du pharisien et du publicain[7] (encore un, à moins que ce ne soit déjà lui !) de dimanche dernier, prompts à considérer qu’ils peuvent accéder par eux-mêmes à la pureté, contrairement aux autres, les impurs, dichotomie encore prégnante aujourd’hui entre les bons et les méchants, eux et nous, nous et les autres, etc….
Il aurait même tendance à considérer que Dieu exerce une « option préférentielle pour les pauvres ».
Ainsi, Zachée ne jouit pas d'une grande considération : homme du fisc, il récolte l'impôt, non pour ses coreligionnaires, mais pour l'occupant romain, prenant au passage sa commission. Il y aurait tant de choses à redire sur le comportement de Zachée, ses malveillances, ses malversations, ses compromissions, son égoïsme et sa corruption.
Jésus, pourtant, se dirige vers lui. Pourquoi donc ?
Qu’a-t-il de particulier ? qu’a-t-il fait de particulier ?
Rien.
Luc poursuit sa réflexion sur un autre thème qui lui est cher : la conversion:
Simplement, si Zachée se retrouve en haut d’un sycomore, certes c’est pour échapper à ses concitoyens qui risqueraient de le lyncher, mais surtout parce que même si ses caisses sont pleines, il ressent un vide au fond de lui, et peut-être un regard désabusé sur la vacuité de sa vie quotidienne.
Alors il est en recherche, d’autre chose, de quelqu’un peut-être, ce Jésus dont il a entendu parler…
Combien de Zachée avons-nous croisés ou croiserons-nous sur nos chemins ?
Jésus, lui, va à leur rencontre, tous ceux qui sont mis à l’écart par leurs contemporains, en général pour d’excellentes raisons. Ceux qu’on ne voit plus, qu’on n’entend plus. Jésus les rencontre parce qu'ils aspirent à quelque chose qui n'a pu jusqu’ici se déployer à cause de l’enfermement dans lequel ils se trouvent. Jésus reconnaît cette aspiration et il va les chercher, les libérer, y compris dans la boue et le mépris. C'est ainsi qu’il s'invite chez Zachée.
Zachée voulait voir Jésus mais c'est lui qui est vu, reconnu, appelé par son nom, et sa vie va être transformée dès qu’il aura reçu le Christ avec joie (v.6). C’est cela et cela seulement, qui le rend pur, Zachée, puisque telle est la signification de ce nom, que Luc ne lui pas donné par hasard, s’inspirant de la pédagogie du Christ toujours prêt à nous prendre à contrepieds.
Demeurer dans ta maison (v.5)
Lorsque Jésus dit à Zachée hâte toi de descendre, il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison, on peut remarquer ceci :
Descends : On ne peut effectivement recevoir Jésus sans s’être mis d’abord au bon niveau, en bas, dans l’humilité et la repentance.
Il faut : Nous sommes à Jéricho, à 40 kms de Jérusalem, juste avant l’entrée triomphale de Jésus dans la ville. Les seuls fois où Jésus utilise ce il faut, à trois reprises[8] auprès de ses disciples, c’est pour annoncer ce qui va se passer à Jérusalem dans la semaine qui suivra son entrée. Ce il faut aujourd’hui (employé deux fois pour Zachée), a ce même caractère de nécessité : Lorsque Jésus se tient à la porte[9], on ne peut que lui ouvrir.
Dans ta maison : Il s’agit ici non pas du bâtiment mais de toutes les personnes de sa famille, de ses proches, qui seront eux-aussi au bénéfice de cette rencontre[10].
Lui aussi est un fils d'Abraham :
Nous sommes à l'image de ses contemporains ; nous le jugeons, nous le croyons indigne de recevoir la grâce.
Et pourtant, le Seigneur n'hésite pas à le rencontrer, face à face, et à s’inviter chez lui et annoncer que le salut est entré dans cette maison, non par quelque mérite particulier, mais simplement parce qu’il est au bénéfice de cette promesse universelle faite à Abraham, renouvelée par Ésaïe : Tournez-vous vers moi, et vous serez sauvés, Vous tous qui êtes aux extrémités de la terre! Promesse qui est pour nous aujourd’hui.
Rien qu'un peu d'attention et de bienveillance et voilà Zachée transformé. Jésus ne juge pas aux apparences, il va droit au cœur.
Le droit de changer :
Zachée est bien des nôtres : comme nous, son passé n'est pas très glorieux mais il peut encore changer. Jésus accorde le droit au changement ! Voilà la bonne nouvelle. C'est un droit extraordinaire que nos sociétés humaines ne reconnaissent plus guère. Ce droit est une forme de grâce ! Une porte ouverte sur l’espérance.
Ceux qui murmuraient contre Jésus étaient bien ceux qui interdisaient le changement parce qu'ils n'avaient plus d’espérance pour eux-mêmes, se satisfaisant de respectera les règles, les codes, la morale. Voilà leur horizon.
Mais Jésus, le Fils de Dieu qui a porté sur la croix la somme de toutes les souffrances du monde, propose tout autre chose : une vie transformée, un regard nouveau sur notre vie, sur nous-mêmes, sur le monde, sur l’Humanité ! Voilà le sens du mot salut.
Et lorsque Jésus rencontre tous ces estropiés, ces marginaux aux vies bancales, il ne leur dit pas : Va, je t’ai guéri de tes souffrances, morales ou physiques, il leur dit Va, ta foi t’a sauvé.
Aucun rapport apparent, pourtant c’est ce qu’il dit de Zachée aux pharisiens : Lui, se trouve au bénéfice de ce salut non pas parce qu’In-extremis, il promet de bien se comporter, mais parce qu’il a reçu le Christ avec joie[11], non pas dans sa maison, mais dans son cœur.
Conclusion :
Notre confiance en Dieu nous donne l'assurance de son amour, la conviction que bien que toujours pécheurs, nous sommes toujours pardonnés[12]. Forts de cette grâce imméritée, nous pouvons dès lors entreprendre des relations apaisées avec notre prochain, dont nous sommes redevables devant Dieu, suivant ainsi les recommandations du Christ, malgré les difficultés et nos faiblesses, et les aider à faire cette rencontre qui a transformé nos vies comme celle de Zachée.
Oui, c’est à nous maintenant, en hommes et femmes de bonne volonté, artisans du bien commun, d’aller chercher et sauver ce qui était perdu.
Amen !
François PUJOL
[1] Selon les informations fournies par Philipe Melanchton, ami de Luther et rédacteur de la confession d’Augsburg qui mit fin au conflit opposant les princes allemands, ralliés à la Réforme et l’empereur Charles Quint.
[2] Sorte de carte de crédit qui assurait, contre rétribution, un passage très court par le purgatoire : « Aussitôt que l'argent tinte dans la caisse, l'âme s'envole du Purgatoire ». L’argent ainsi récolté permit à Léon X de financer la construction de Saint Pierre de Rome.
[3] Principe également reconnu par la Confession Commune Luthériens-Catholiques du 25 Juin 1998 : « c'est seulement par la grâce, par le moyen de la foi en l'action salvatrice du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu… qui nous appelle à accomplir des œuvres bonnes »
[4] Jean 10, 17 : Le Père m’aime parce que je donne ma vie, pour ensuite la recevoir à nouveau. Personne ne me l’enlève, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la recevoir à nouveau : tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père.
[5] Jérémie 29, 11
[6] Jean 14, 6 : Jésus lui dit (à Thomas): Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi.
[7] Luc 18, 9-14, voir méditations du 23 Octobre 2016 et du 07 Octobre 2007
[8] Dans Marc 8, 31 Marc 9, 30 Marc 10,32
[9] Apocalypse 3, 20 : Voici : je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je mangerai avec lui et il mangera avec moi.
[10] C’est la « Maisonnée ». On peut lire Marc (2, 13-17) et Matthieu (9, 9-13) pour voir qui sot les proches de Zachée !
[11] Contrairement au Jeune Homme riche, qui n’a pas compris cela et est reparti tout penaud la tête rentrée entre les épaules.
[12] Romains 5, 20 : Là où le péché abonde, la Grâce surabonde.