Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 27 octobre 2019

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :

Deutéronome 10,12-11,1 (Voir sous cette référence, méditation du 21-janv-18)

Luc 18, 9-14 (Voir également méditations du 7-oct-07 et du 23-oct-16)

2 Timothée 4, 12-18

« Être Juste pour le Christ»

Ce n’est pas dans les habitudes de Jésus de se laisser aller à des leçons de morale faciles où les rôles sont bien tranchés. Pourtant ici, c’est bien ce qu’il semble faire.

Le récit nous présente un pharisien qui est monté au temple pour prier. Il jeûne deux fois par semaine, donne la dîme de tous ses revenus et est convaincu que sa conduite dans la vie courante est irréprochable, conforme à la loi de Moïse. De fait, il remplit son rôle de juif pratiquant à la perfection.

A côté de lui, un collecteur d’impôts prie sans oser lever les yeux. Il se reconnait pêcheur et implore la pitié de Dieu. C’est un homme riche qui a fait fortune en prélevant les impôts d’une manière suspecte, mais tout à fait tolérée par l’administration civile de l’empire romain. Il s’est surement enrichi aux dépens du petit peuple et, ce faisant, il est très loin de se conformer à la loi de Moïse. Rien ne montre d’ailleurs qu’il en suive les autres exigences.

Nous constatons pourtant que Jésus l’absout facilement, comme s’il appliquait à son égard les critères d’une nouvelle loi que nous découvrons au fil des différents textes que nous rencontrons. Mais cette nouvelle loi semble inverser les valeurs, à moins que nous n’ayons pas tout compris et que nous ayons encore quelque chose à découvrir. En fait c’est bien cela le but de ce texte.

Il nous faut cependant comprendre que les choses ne sont pas aussi simples. Dans les autres paraboles, Jésus demande généralement à ses interlocuteurs d’exercer leur esprit critique. Il achève la plupart du temps ses récits sur une question ou sur un commentaire qui sollicite la réflexion de celui qui l’écoute. Ici ce n’est pas le cas. L’histoire s’achève sur une affirmation bien nette : « Quiconque s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé ». Le collecteur des impôts est reconnu comme juste et le pharisien ne l’est pas, sans que notre opinion ne soit sollicitée.

Vraiment, avec Jésus, nous perdons nos repères avec ce bon qui n'est pas si bon et ce mauvais qui n'est pas si mauvais. Bref on s'embrouille un peu avec ce bon pharisien qui devient finalement le mauvais de l'histoire et ce mauvais collecteur des impôts qui devient le bon. Alors reprenons au début.

Si le pharisien est désavoué, ce n'est pas parce que Jésus lui reproche d'être vertueux. Il l'est et c'est tant mieux. Qu'il ne cesse pas de l'être… Son tort n'est ni dans sa fidélité à la loi, ni dans ses actes de piété ou de charité qui sont bien réels. Ce qui ne va pas chez cet homme c'est qu'il est trop parfait, trop pur et qu'il en devient trop dur. Son comportement est trop remarquable. Il s'affiche, parade, « voyez comme je suis obéissant aux commandements de la loi de Dieu »… Il est tellement vertueux que les autres sont cloués sur place, paralysés, disqualifiés d'avance. Il est si bien de sa personne qu'il en est décourageant pour les autres. Être vertueux oui, c’est bien, mais il faut l’être discrètement, sans que cela se sache, sans que cela accable l'entourage.

Le pharisien a une manière spécifique d'être, de vivre, de prier. Il veut pouvoir être repéré, distingué. Lorsqu'il s'adresse à Dieu c'est la tête haute, et s'il a un œil pour Dieu, il a aussi un œil pour son prochain. Et celui-là est très clair, prêt à jauger, apprécier, mesurer la différence entre lui et les autres qui ne lui arrivent pas à la cheville.

Cet homme s'est mis sur un piédestal et c'est bien là que tout s'est détérioré. Il veut tellement se justifier par ses actes qu'il en oublie l'essentiel. Il devient méprisant vis-à-vis de son prochain. Sa valeur, il veut trop la gagner au détriment de l'autre, il veut se hisser plus haut grâce à ses vertus. En voulant se justifier, être mieux que l'autre, il s'est séparé de lui et il l'écrase. Il prendrait même Dieu à témoin contre son prochain. Et c'est bien là qu'il n'a rien compris. Il ne sera jamais valeureux aux yeux de Dieu en critiquant les autres. Au contraire il construit un mur entre Dieu et lui, comme il l'a construit entre lui et le collecteur d'impôts.

Quant au collecteur d’impôts, il ne nous appartient pas de dire s'il est vraiment sincère dans son repentir, ni s’il arrêtera son métier incorrect par la suite.

Il est loin d'être innocent, mais il le sait. Il n'a rien à attendre des hommes et rien non plus à faire valoir devant Dieu. Il n'a que des mains vides qui n'ont rien à perdre mais tout à recevoir. Lui aussi en quelque sorte a pris de la distance vis-à-vis du pharisien et vis-à-vis de Dieu en se tenant en retrait, bien séparé par ses imperfections. Mais ce qui le distingue du pharisien ce n'est plus à cet instant précis leurs écarts de conduite. Non, ce qui fait du collecteur d’impôts un homme bien différent c'est qu'il ne parle pas des autres, ne les critique pas, n'éprouve pas le besoin de les égratigner pour se justifier. Il se présente nu, tel qu'il est, et c'est sans doute en cela qu'il trouve grâce aux yeux de Dieu. Et contrairement au pharisien, le collecteur d’impôts demande à Dieu, attend de Dieu, son apaisement.

Alors que retenir de cette parabole ?

Tout d'abord que nous sommes justifiés, c’est à dire reconnus comme justes, par Christ et par Christ seulement. De même que les erreurs des autres ne nous rendent pas plus justes, nos mérites, nos bonnes œuvres n'y sont strictement pour rien. Cela ne nous invite pas à mener une vie de désordre, mais nous sommes rassurés, nous n'avons pas à faire nos preuves. Seulement parce que nous nous savons graciés, nous avons envie d'emboîter le pas au Christ.

Retenir ensuite que dans la vie rien n'est jamais fermé, perdu définitivement. Il y a toujours un avenir, un devenir possible. On peut toujours renaître de ses échecs. C'est vrai pour le collecteur d’impôts qui s'est ouvert à Dieu et rentre chez lui justifié. C'est vrai aussi pour le pharisien, égaré dans son autosuffisance mais à qui il est donné un prochain à rejoindre et à aimer

Mais nous devons faire attention.

Ce qui est reproché avant tout au pharisien est de croire qu’il est juste mais que les autres ne peuvent l’être. De voir le collecteur d’impôts avec des à priori négatifs, avec des lunettes déformantes. De penser qu'il gagnera le ciel tout seul, sans l'autre. Mais parallèlement, lorsque nous présentons les Pharisiens comme étant des êtres tortueux et vantards, nous devenons à notre tour des Pharisiens. Si nous maintenons une distance avec les autres, quels qu'ils soient, si nous les méprisons, nous tenons le rôle du pharisien. De même le collecteur d’impôts qui rentre chez lui justifié, ne sera-t-il pas tenté de dire “Merci, Seigneur, de m'avoir justifié, moi plutôt que l'autre”? Il deviendrait alors le pharisien, celui qui se croit mieux que les autres, qui se prend pour ce qu'il n'est pas.

Nous sommes toujours guettés par le besoin de nous justifier, par l'envie de nous sentir supérieurs aux autres. Nous ressentons si souvent le besoin de nous sentir admirés par les autres ou par nous-mêmes…

La porte de justice n'est fermée à aucun d'entre nous. Ni au pharisien, ni au collecteur d’impôts, ni à qui que ce soit, car nous sommes bien tous concernés par cette parabole, à condition de nous laisser conduire par une autre logique. À condition de ne pas nous placer au-dessus des autres. À condition de ne pas nous croire justes.

N'avons-nous pas si souvent la certitude que nous détenons seuls la vérité ? Aussi bien dans notre vie personnelle qu'en Église ou en politique, n'avons-nous pas trop souvent tendance à disqualifier le choix de l'autre ? Pourquoi est-il si difficile de présenter nos positions, avec force certes, mais sans pour cela jeter le discrédit sur ceux qui pensent autrement ?

Le grand message de ce texte, c'est qu'il nous faut rester ouverts aux autres, savoir les respecter, les aimer et n'exclure personne. Ce que nous faisons, ce que nous sommes, ne nous donne en aucune façon le droit de mépriser ceux qui nous entourent. Ce qui nous est redit ici c'est que nous ne sommes pas sur terre pour une recherche de la perfection, immobile et glacée, mais pour nous aimer les uns les autres. De même que Dieu nous aime, nous sommes appelés à un élan, à un regard d'amour pour nos frères. L'amour est la vraie nourriture du cœur humain. Être aimé vaut mieux que d'être respecté.

Dans notre prière, sachons, comme ce pharisien avec qui nous avons fait un bout de chemin, remercier Dieu, lui rendre grâce, non pas de ce que nous sommes des gens exceptionnels, bourrés de qualité. Non, remercions-le plutôt de ne pas être seuls, enfermés dans une tour d'ivoire, mais entourés de prochains, de prochains à aimer, même si ceux-ci ont le visage d'un collecteur d’impôts. Le visage du Christ n'était-il pas à chercher parmi les exclus ?

Amen !

Jean Jacques Veillet