Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 23 Octobre 2016

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :

Deutéronome 10,12-11,17

Luc 18,9-14

2 Timothée 4, 6-8

Être Juste ou être justifié ?

Frères et sœurs, le dernier verset qui précède notre lecture, est une question posée par Jésus à la fin de la parabole du juge inique : Quand le fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? (v.8)

Terrible question ! Puis il enchaîne sur la parabole de ce matin, poursuivant son enseignement sur la prière, commencé dès le chapitre 11[1], et poursuivi par la parabole sur laquelle Jean-Jacques nous a fait méditer dimanche dernier.

La prière chez les juifs était très encadrée, les prières étaient collectives (il fallait un quorum de 10 hommes pour prier) accomplies au temple ou à la synagogue, rassemblées dans un recueil[2], comprenant également instructions et de commentaires.

C’est donc une révolution que suggère Jésus à travers son enseignement de la prière, qu’il pratique spontanément, en tout lieu, se mettant simplement à l’écart. Et de surcroît, la prière qu’il enseigne commence par Notre Père, initiant une relation avec Dieu, YHWH, que les juifs n’ont jamais envisagée[3].

Jésus poursuit donc son enseignement sur la prière, mais pas seulement, avec cette nouvelle parabole.

Les destinataires de la parabole :

La parabole du pharisien et du péager s'adresse à des destinataires précis : Ceux qui sont persuadés d'être justes et qui méprisent les autres. (v.9)

Et l’attitude du pharisien me fait penser à un aphorisme, attribué à Talleyrand : Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console.

Mais le pharisien, lorsqu’il se regarde, ne se désole même pas : il est très content de lui, c’est je, je, je, il énumère tout ce qu’il a accompli, comme une check-list que l’on coche avant de partir en vacances : j’ai coupé l’électricité, j’ai éteint le gaz, je jeûne 2 fois par semaine, je donne la dîme, c’est du même niveau. Aucune émotion, aucune empathie dans cet inventaire.

Et quand il se compare, non seulement il se console, mais il envoie du lourd : je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres, des ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce péager (v.11);

Moi, je suis pur, les autres, tous les autres, sont des impurs !

Et ce texte, une fois encore, nous montre le problème qu’ont les pharisiens avec la Loi, persuadés qu’ils sont, de l’accomplir, persuadés d’être les seuls purs, les seuls justes : et pourtant, ce pharisien, qui connait la Torah par cœur, comment a-t-il pu passer à côté de ce texte du Deutéronome que nous venons de lire : L’Eternel Dieu ne fait point de différence entre les personnes, il fait droit à l'orphelin et à la veuve, il aime l'étranger et lui donne de la nourriture et des vêtements. Vous aimerez l'étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte.

Ce pharisien-là est comme beaucoup d’autres, nous y compris, il est adepte des lectures sélectives : je garde ce qui m’arrange, je fais l’impasse sur ce qui me juge.

Dans sa suffisance, au sens propre, puisqu’il se suffit à lui-même, il n’a pas besoin de Dieu, il n’a rien à recevoir de Lui.

Le texte dit qu’il monte au temple pour prier, mais il ne prie pas, il se tient debout, la nuque raide (Deut. 10/16), se parle à lui-même, s’attribuant tous les satisfécits voulus, juste à ses propres yeux, il n’a pas besoin de Dieu, il le met simplement au courant.

Mais il se trompe lui-même, car qui peut prétendre être Juste ? Totalement fidèle à la Loi de Dieu ?

Ce mot, Juste, avec une majuscule, a gardé pour les juifs, un sens particulier, que l’on peut mettre en relation avec notre parabole de ce matin. Un sens particulier, que nous, nous avons perdu aujourd’hui en lui enlevant sa majuscule.

Par exemple, à Jérusalem, le mémorial de la Shoah, Yad-Vashem, pour honorer les personnes ayant aidé des juifs durant la guerre, les déclare Justes parmi les nations, comme l’a été déclarée la famille Vercueil de La Blache, en 2001, ou le village tout entier du Chambon s/ Lignon.[4]

Il n’en demeure pas moins que devant Dieu aucun humain ne peut se prétendre Juste, sans ignorer nos failles, propres à notre condition humaine, que Paul résume parfaitement : je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas.(Rom.7/19)

Et notre pharisien d’aujourd’hui, n’échappe pas à cette situation, malgré son affirmation de soi, qui fait l’impasse sur cet autre verset, du Lévitique cette fois, Tu aimeras ton prochain comme toi-même car Je suis l'Eternel ton Dieu. (Lév. 19/16)

Et en dehors de ses BA quotidiennes ou hebdomadaires, ce pharisien-là n’a rien à donner. Sa vie est vide.

Apaise-toi, Apaise-moi ! La prière du péager

En revanche, la vie du péager est plutôt chargée, collabo de l’occupant, qu’il vole à l’occasion, percepteur d’impôts iniques, et d’autres petites choses qu’il nous a cachées.

Mais il n’en peut plus, de cette situation dont il ne peut se libérer, de cette vie qu’il voit sans avenir, qu’il voit se refermer peu à peu. Alors, il ne lui reste plus qu’un recours, Dieu, le créateur qui voit, qui sait toutes choses. A lui, il peut parler, se confier, crier son désespoir.

Dieu l’entend, Dieu écoute cette prière de repentance, d’une sincérité totale. Dieu va lui ouvrir une fenêtre, qui s’appelle le pardon, ce pardon qui permet l’espérance en une nouvelle vie, ce pardon qui nous permet de naître de nouveau chaque matin.

Juste ou justifié ?

Mais il ne le sait pas encore, et il repart, le cœur un peu moins lourd, certes, mais il n’a pas entendu la réponse de Dieu. Alors il poursuit sa quête, cette quête de rédemption, et il a entendu parler de ce Jésus, dont certains disent qu’il est le Messie, et il suit sa trace, cherche à le voir. Car le péager de la parabole, c’est Zachée[5], qui poursuit son chemin de repentance, qui s’achèvera par la rencontre avec Jésus, cette rencontre, point de départ nécessaire d’une nouvelle vie, expérience que chacun de nous a également vécue.

C’est Jésus lui-même qui prononcera ces paroles qui l’assureront de son pardon :

Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

Qui est qui ?

Toutes les paraboles de Jésus renferment un jeu, celui de « qui est qui » : A quel personnage puis-je le mieux m’identifier ?

Alors, évidemment, nous ne nous voyons pas revêtir les habits du pharisien, mais est-ce pour autant que nous nous identifierions au péager ? Tout de même pas !

Et pourtant, nous sommes à la fois le pharisien et le péager. Tantôt contents de nous, tantôt bourrés de regrets, nous sommes bien des fils de Talleyrand. C’est pourquoi nous avons besoin de faire ce travail d’introspection avec lucidité et humilité.

Un point de bascule

Cette parabole nous montre le point de bascule entre le temps de la Loi, les juifs comptant sur eux-mêmes pour être Justes aux yeux de Dieu et le temps de la Grâce où cette Justice nous est donnée par Dieu

Mais la Justice de Dieu n’est pas la justice des hommes[6]. C’est pourquoi nous avons besoin de nous en remettre totalement à Lui et à son amour.

Elle trouve sa démonstration par Jésus Christ, mort une fois pour toutes pour la rémission de nos péchés, mais cette mort nous ouvre à nous aussi une fenêtre, un avenir, ici, maintenant et au-delà, Dieu manifestant sa puissance par la résurrection du Christ le 3° jour. Et comme le dit Paul : si christ est ressuscité, nous aussi nous ressusciterons.[7]

La question initiale

Si Jésus trouve la foi sur la terre, il la trouvera chez tous ces péagers d’aujourd’hui, conscients de leur finitude, de leur infirmité morale résumée par Paul, angoissés, inquiets de cette situation, appelant Dieu à leur secours, dans un acte de repentance intime connu d’eux seuls. Alors oui, par leur foi de charbonnier[8], qu’il faut réhabiliter pour l’occasion, Dieu leur accordera la Grâce, le pardon, et ainsi, déclarés Justes aux yeux du Créateur qui s’est fait Sauveur par Jésus Christ, libérés de toutes ces chaînes, de tous ces carcans, de toutes leurs parts d’ombre, ils deviendront, dans la joie, l’esprit apaisé, ils deviendront le Royaume de Dieu ici-bas.

Quant aux autres… Et c’est la conclusion de cette parabole, Celui qui s’élève sera abaissé.

Amen !

François PUJOL.

[1] Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu'il eut achevé, un de ses disciples lui dit: Seigneur, enseigne-nous à prier. Il leur dit: Quand vous priez, dites: Père! Que ton nom soit sanctifié; que ton règne vienne.… (Luc 11/1)

[2] Le Siddour

[3] Bien que le début du Notre Père soit directement inspiré du Kaddish, la prière de louange liturgique des juifs.

[4] On peut aussi se référer au roman d’André Schwartz Bart « Le dernier des Justes », prix Goncourt 1959.

[5] Déduction toute personnelle, donc « apocryphe ».à voir au chapitre 19

[6] Car l'Eternel est un Dieu juste: Heureux tous ceux qui espèrent en lui! Il te fera grâce, quand tu crieras; (Esaïe 30/18) * Jésus répondit au jeune homme riche: Pourquoi m'appelles-tu bon? Il n'y a de bon que Dieu seul.(Luc 18/19) Cette association Justice/Bonté nous est effectivement étrangère.

[7] Il faut relire Romains 6 et 8

[8] « Je crois, mais je ne sais pas. Je crois et cela me suffit ». Voir aussi Hébreux 11/1