Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 07 octobre 2007
Culte à GAP (05000)
Lectures du Jour :
Deutéronome 10, 2-37
Luc 18, 9-14
2 Timothée 4, 6-18
Seigneur, merci de n'être pas comme eux...
Dans cette parabole deux hommes en prière, un pharisien et un collecteur d'impôts.
Tout semble opposer ces deux hommes et il semble difficile d'y voir clair dans la leçon de Jésus. D'un côté un homme honorable, mais méprisant, va se retrouver au banc des mauvais. De l'autre un homme à la vie plus que discutable, méprisé, se trouve propulsé au rang des justifiés.
Ne jetons pas trop vite la pierre à notre pharisien. Je crois qu’on pourrait facilement le critiquer, le mépriser. Mais qu'est-ce qui le rend si imbuvable à nos yeux ?
Au départ un homme remarquable. Il a une vie intérieure, il prie, il médite, il va au temple. Il ne porte pas particulièrement l’image du méchant de l'histoire. Est-ce mauvais de jeûner deux fois par semaine ? Est-ce mauvais de donner une cotisation de dix pour cents de ses revenus ? Est-ce mauvais enfin d'être honnête, intègre, scrupuleux, rigoureux?
Non. Ce sont plutôt des comportements dont nous sommes admiratifs. Alors qu'est-ce qui cloche chez ce pharisien ?
Et notre collecteur d'impôts ? Qu’a-t-il pour se retrouver le bon de l'histoire ? Si l'on y regarde de plus près ce n'est tout de même pas un modèle. C'est un collaborateur de l'occupant romain que l'on déteste.. Le système fiscal de l'époque lui permet de s'enrichir de façon scandaleuse au détriment du petit peuple. Bref il est peu recommandable et l'on pourrait le comparer à un collaborateur. Et puis sa façon de prier… Très théâtral vous ne trouvez pas ? Il ne passe pas inaperçu en se frappant la poitrine avec douleur et en gémissant à haute voix. Ne joue-t-il pas un peu la comédie ?
Si nous devions aujourd'hui tendre la main à l'un des deux, lequel choisirions-nous ?
Vraiment, avec Jésus, nous perdons nos repères avec ce bon qui n'est pas si bon et ce mauvais qui n'est pas si mauvais. Bref on s'embrouille un peu avec ce bon pharisien qui devient finalement le mauvais de l'histoire et ce mauvais péager qui devient le bon. Alors reprenons au début.
Si le pharisien se trouve sur la sellette, s'il reçoit une gifle en pleine figure, ce n'est pas parce que Jésus lui reproche d'être vertueux. Il l'est et c'est tant mieux. Qu'il ne cesse pas de l'être… Son tort n'est ni dans sa fidélité à la loi, ni dans ses actes de piété ou de charité qui sont bien réels. Ce qui cloche chez cet homme c'est qu'il est trop parfait, trop pur et qu'il en devient trop dur. Son comportement est si remarquable qu'il en devient remarqué. Il l'affiche, parade, “voyez comme je suis obéissant aux commandements de la loi de Dieu”… Il est tellement vertueux que les autres sont cloués sur place, paralysés, disqualifiés d'avance. Il est si bien de sa personne qu'il en est décourageant pour les autres. Être vertueux oui, mais discrètement, sans que cela se sache, sans que cela accable l'entourage.
Le pharisien, c'est celui qui est “séparé”. Son idéal est d'être toujours séparé et séparable. Il veut avoir une manière spécifique d'être, de vivre, de prier. Il veut pouvoir être repéré, distingué. Lorsqu'il s'adresse à Dieu c'est la tête haute, et s'il a un œil pour Dieu, il a aussi un œil pour son prochain. Et celui-là est très clair, prêt à jauger, apprécier, mesurer la différence entre lui et les autres qui ne lui arrivent pas à la cheville.
Cet homme s'est mis sur un piédestal et c'est bien là que tout s'est détérioré. Dans sa relation à lui-même et dans sa relation à l'autre, Il est en rupture, et c’est bien là le péché !. Bref il veut tellement se justifier par ses actes qu'il en oublie l'essentiel. Il devient méprisant vis-à-vis de son prochain. Sa valeur il veut trop la gagner au détriment de l'autre, il veut se hisser plus haut grâce à ses vertus. En voulant se justifier, être mieux que l'autre, il s'est séparé de lui et il l'écrase. Il prendrait même Dieu à témoin contre son prochain. Et c'est bien là qu'il n'a rien compris. Il ne sera jamais valeureux aux yeux de Dieu en critiquant sur les autres. Au contraire il construit un mur entre Dieu et lui, comme il l'a construit entre lui et le collecteur d'impôts. Et c’est curieux, il emploie 4 fois le mot « je ». je, je, je…
Quant à notre péager, il ne nous appartient pas de dire s'il est vraiment sincère dans son repentir, ni s’il arrêtera son métier incorrect par la suite.
Il est loin d'être innocent, mais il le sait. Il n'a rien à attendre des hommes et rien non plus à faire valoir devant Dieu. Il n'a que des mains vides qui n'ont rien à perdre mais tout à recevoir. Lui aussi en quelque sorte a pris de la distance vis-à-vis du pharisien et vis-à-vis de Dieu en se tenant en retrait, bien séparé par ses imperfections. Mais ce qui le distingue du pharisien ce n'est plus à cet instant précis leurs écarts de conduite. Non, ce qui fait du péager un homme bien différent c'est qu'il ne parle pas des autres, ne les critique pas, n'éprouve pas le besoin de les égratigner pour se justifier. Il se présente nu, tel qu'il est, et c'est sans doute en cela qu'il trouve grâce aux yeux de Dieu. Et contrairement au pharisien, le péager demande à Dieu, attend de Dieu son apaisement.
Alors que retenir de cette parabole ?
Tout d'abord que nous sommes justifiés par Christ et par Christ seulement. De même que les erreurs des autres ne nous rendent pas plus justes, nos mérites, nos bonnes œuvres n'y sont strictement pour rien. Cela ne nous invite pas à mener une vie de désordre, mais nous sommes rassurés, nous n'avons pas à faire nos preuves. Seulement parce que nous nous savons graciés, nous avons envie d'emboîter le pas au Christ.
Ensuite que dans la vie rien n'est jamais fermé, perdu définitivement. Il y a toujours un avenir, un devenir possibles. On peut toujours renaître de ses échecs. C'est vrai pour le péager qui s'est ouvert à Dieu et rentre chez lui justifié. C'est vrai aussi pour le pharisien, égaré dans son autosuffisance et à qui il est donné un prochain à aimer, à rejoindre.
“Attention Danger !”
Je verrai ensuite ce panneau de signalisation. Ce qui est reproché avant tout au pharisien est de se croire juste mais pas les autres. De voir le péager avec des à priori négatifs, avec des lunettes déformantes. De penser qu'il gagnera le ciel tout seul, sans l'autre. Dans un registre parallèle, lorsque nous présentons les Pharisiens comme étant des êtres tortueux et vantards, nous devenons à notre tour des pharisiens. Si nous maintenons une distance avec les autres, quels qu'ils soient, si nous les méprisons, nous tenons le rôle du pharisien. De même le péager qui rentre chez lui justifié, ne sera-t-il pas tenté de dire “Merci, Seigneur, de m'avoir justifié, moi plutôt que l'autre” ? Il deviendrait alors le pharisien, celui qui se croit mieux que les autres, qui se prend pour ce qu'il n'est pas.
Nous sommes toujours guettés par le besoin de nous justifier, par l'envie de nous sentir supérieurs aux autres. Nous ressentons si souvent le besoin de nous sentir admirés par les autres ou par nous-mêmes…
La porte de justice n'est fermée à aucun d'entre nous. Ni au pharisien, ni au péager, ni à qui que ce soit, car nous sommes bien tous concernés par cette parabole, à condition de nous laisser conduire par une autre logique. À condition de ne pas nous placer au-dessus des autres. À condition de ne pas nous croire justes.
N'avons nous pas si souvent la certitude que nous détenons seuls la vérité ? Aussi bien dans notre vie personnelle qu'en Église ou en politique, n'avons-nous pas trop souvent tendance à disqualifier le choix de l'autre ? Pourquoi est-il si difficile de présenter nos positions, avec force certes, mais sans pour cela jeter le discrédit sur ceux qui pensent autrement ?
Le grand message de ce texte, c'est qu'il nous faut rester ouverts aux autres, savoir les respecter, les aimer et n'exclure personne. Ce que nous faisons, ce que nous sommes, ne nous donne en aucune façon le droit de mépriser ceux qui nous entourent. Ce qui nous est redit ici c'est que nous ne sommes pas sur terre pour une recherche de la perfection, immobile et glacée, mais pour nous aimer les uns les autres. De même que Dieu nous aime, nous sommes appelés à un élan, à un regard d'amour pour nos frères. L'amour est la vraie nourriture du cœur humain. Être aimé vaut mieux que d'être respecté.
Dans notre prière, sachons, comme ce pharisien avec qui nous avons fait un bout de chemin, remercier Dieu, lui rendre grâce, non pas de ce que nous sommes des gens exceptionnels, bourrés de qualité. Non, remercions-le plutôt de ne pas être seuls, enfermés dans une tour d'ivoire, mais entourés de prochains, de prochains à aimer, même si ceux-ci ont le visage d'un péager. Le visage du Christ n'était-il pas à chercher parmi les exclus ?
Amen !
Nathalie PAQUEREAU