Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 17 Octobre 2010
Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :
Exode 17, 8-13
Luc 18, 1-8
2 Timothée 3,14 – 4,2
La veuve importune
Introduction
Frères et sœurs, aujourd’hui encore nous allons parler de la prière, avec en particulier deux textes dans l’Exode (Rappelez-vous cette magnifique intercession de Moïse) et Luc.
Tout d’abord, la petite parabole de Luc, qui se termine par une question de Jésus : quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?
Cà fait froid dans le dos, que Jésus lui-même la pose, cette question, ou alors, nous connaît-il trop bien ? Et cette question mérite-t-elle d’être posée ?
Alors de quoi s’agit-il ?
Le juge inique
Jésus nous présente un juge, une figure représentant l’autorité civile, comme on dit aujourd’hui, qui ne croît pas en Dieu, et n’a d’égards pour personne. On est en pleine actualité, car des personnes ayant reçu une autorité ou disposant d’un pouvoir aussi petit soit-il, dont elles ont la tentation d’abuser, ne croyant qu’en elles-mêmes, ayant les dents longues à rayer le parquet, marchant sur tous les pieds qui se présentent pour monter dans la hiérarchie, on en connaît des tas, aujourd’hui !
Et cette justice humaine, censée protéger les faibles des caprices des riches, réparer les fautes, elle est si facile à tromper, que ceux qu’elle devrait punir profitent si souvent de l’impunité, elle semble encore aujourd’hui souvent sourde aux cris des victimes, comme si pas grand-chose n’avait changé en 2000 ans.
Alors, pas de chance pour la veuve, elle s’engage dans un vrai combat du pot de terre contre le pot de fer.
La veuve importune
Sauf que cette veuve là, ce n’est pas n’importe quelle veuve !
Tout d’abord, il faut savoir qu’elle ne devrait pas être là : les veuves, au temps de Jésus, c’est la dernière des catégories sociales c’est les plus faibles parmi les faibles. Plus de mari, elles doivent mendier pour vivre si elles n’ont pas, un fils adulte pour subvenir à leurs besoins ou au pire un beau-frère pour les épouser, selon la loi du lévirat (voir le livre de Ruth).
Les femmes n'avaient de toute façon, pas de capacité civile et juridique. Une femme devait, en toute affaire publique, se faire représenter par un homme. Pour une veuve, les choses devenaient donc très compliquées. C’est au juge que revenait l’initiative de se saisir ou non de leur dossier.
Alors, théoriquement, notre veuve devrait abandonner. Mais elle se cramponne à son droit et pour obtenir gain de cause, la pauvre veuve a trouvé le seul moyen de lutte à sa portée : la stratégie de l'énervement, du harcèlement, l'arme du faible, c'est moins noble et raffiné qu’une belle plaidoirie avec des effets de manche, mais cela peut marcher pour arriver à obliger ce juge cynique à faire son devoir : « Rends-moi justice », avec cette expression particulière, qui laisse entendre que c’est le juge qui lui doit quelque chose dont elle aurait été volée, et qu’il doit lui rendre : la justice !
Avec ses armes, les armes des faibles (faibles avec un fort caractère, tout de même) : l'insistance, la répétition, le scandale public, jusqu'à ce que l'autre craque, la veuve a fini par l’emporter, et l’on n’est plus dans un combat « pot de terre contre pot de fer », mais « 1 volonté contre 1 autre volonté » et à ce jeu là le juge n’était pas obligatoirement le plus fort, et de fait la veuve s’est montrée plus déterminée que lui.
La persévérance, la non-violence
Elle nous donne une sacrée leçon, cette veuve :
A force d’obstination, de harcèlement (pour la bonne cause), elle change non pas le cœur – ce serait trop beau – mais le comportement du juge. Et contre toute attente, pour avoir la paix, il va la lui rendre, sa justice !
Elle ne connaissait pas à l’avance l’issue du combat dans lequel elle s’était engagée, et pourtant la justice a fini par triompher de l’iniquité, sans violence, par la seule force d’une volonté et d’une persévérance hors du commun.
Belle histoire, et bel enseignement pour nous, qui apparaissons si souvent résignés, fatalistes, devant cet immense chantier qui est devant nous, tant l’injustice, la cupidité, la soif de pouvoir, la violence, l’indifférence à l’autre, semblent les seuls moteurs de l’humanité.
Et nous, avec nos prières comme seule arme, ne paraissons nous pas bien faibles voire ridicules dans notre monde et devant ses problèmes.
Il faut se dire que la veuve, sans rien d’autre, est arrivée à la fin à ce que le juge fasse son devoir, ce pourquoi on l'a nommé juge. La veuve l'a rappelé à l'honneur de son état et à sa vraie vocation. Dans le fond, le juge peut lui être reconnaissant de l'avoir remis dans le droit chemin.
Que nous dit encore Jésus ?
Jésus continue son récit : Entendez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard? Je vous le dis, il leur fera promptement justice
Tout d’abord, Jésus parle des élus de Dieu. Cette phrase en rappelle une autre « il ya aura beaucoup d’appelés mais peu seront élus », en Matthieu 22, sur le sens de laquelle il ne faut pas se tromper.
Pour qu’il y ait des élus, il faut d’abord une élection, et puis il faut des candidats. Eh bien, Notre Seigneur nous appelle tous à être candidats, et il s’agit d’une élection particulière, extraordinaire, où tous les candidats sont élus (vas, ta foi t’a sauvé). C’est tellement extraordinaire, que beaucoup de gens refusent de se porter candidats, candidats à devenir enfants de Dieu et frères de Christ, et c’est pourquoi Paul donne à Timothée cette exhortation : prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant.
Et Jésus nous donne une assurance, Dieu ne tardera pas à notre égard, il nous fera promptement justice, il exaucera nos prières.
Alors, si nos prières semblent parfois sans effet, il ne faut pas en conclure hâtivement que Dieu est distrait, ou qu’il se détourne de nous.
A la révocation de l’Edit de Nantes, c’est ce que disaient les pasteurs qui avaient fui aux Pays Bas ou en Suisse : ils disaient aux malheureux restés dans nos campagnes : quittez ce pays, Dieu en a détourné ses regards, et si vous restez, vous vous condamnez ! Quelle détresse, pour ces malheureux ! Et il fallut l’obstination (encore) d’un Antoine Court, dont ceux qui étaient à Mialet cette année, pourraient aussi parler, qui sillonna le midi de la France pour dire au contraire, il faut rester, abandonner la lutte armée qui ne mènera qu’à notre extermination et à discréditer notre communauté, poursuivre nos assemblées, faire revenir les pasteurs dans le pays et Dieu nous accompagnera de ses bénédictions.
Dieu nous regarde
Non, Dieu n’est pas distrait. Il est notre père, il nous aime, il nous regarde. Et nous, est-ce que nous regardons vers lui comme il faudrait ?
Et là on peut revenir sur ce combat d’Israël contre les Amalécites, dans le livre de l'Exode. Un petit rappel, les Amalécites, c’est une tribu, basée au pied du Sinaï, dont le chef Amalek n’est autre que le petit fils d’Esaü, donc, pour les descendants de Jacob, un ennemi héréditaire qu’il était important de battre.
Lorsque Moïse élevait sa main, Israël était le plus fort, mais lorsqu'il reposait sa main, Amalek était le plus fort.
Ce n’était pas Moïse que les hébreux regardaient, ni sa main, mais son bâton, Le symbole de la puissance de Dieu, ce bâton qui les avait fait traverser la mer rouge, et ce contact visuel leur donnait la force nécessaire.
Quand Moïse attrapait des crampes, il baissait les bras et le peuple se décourageait. Et l’on comprend bien alors le rôle d’Aaron, son frère et Hur qui lui soutenaient le bras pour que le peuple, emmené par Josué, continue de voir le bâton.
Oui, le rôle d’un regard : réprobateur, ou critique, nous nous bloquons. Bienveillant, encourageant, nous donnons le meilleur de nous-mêmes.
Si ce regard est absent, alors que nous en aurions besoin, nous perdons toute motivation. Pensez à votre enfant qui apprenait à faire du vélo en vous disant: " regarde-moi !"
Il était fier de faire du vélo sans les roulettes derrière, mais surtout il avait besoin de votre regard qui le soutenait. Vous détournez votre regard, paf ! Il chute !
Priez, persévérez pour les autres
Avec Notre Seigneur c’est pareil, c’est une histoire de regards croisés.
Si nos prières restent parfois sans effet, il faut d’abord considérer que nous ne sommes pas seuls sur terre, et que les forces du mal, çà existe ! Allumez votre poste de télé à n’importe quelle heure pour vous en convaincre !
C’est pourquoi il nous faut plus que jamais puiser dans le regard de Dieu les forces nécessaires pour persévérer dans cette lutte du Bien contre le Mal dont l’issue dépend en grande part de nous, les chrétiens, tout en sachant que le mal peut être aussi au milieu de nous.
Dieu compte sur nous
Mais pour puiser pleinement ces forces, il nous faut nous aussi regarder vers Dieu, comme le faisait le peuple hébreu emmené par Josué.
Et paradoxalement c’est en fermant les yeux, dans une prière, mais dans une prière ardente, intense, où l’on sente vraiment que le contact avec Notre Seigneur est établi, que nous pouvons regarder vers Dieu. Fermer les yeux, c’est quitter pour un moment ce monde, et accéder à une toute petite parcelle du divin, c’est être déjà dans la Vie Eternelle
Pas forcément besoin de paroles pour vivre cette communion, puisque Dieu sait à l’avance ce que nous allons lui demander.
C’est en tous cas comme cela que je conçois la prière.
Dieu compte sur nous, sur notre prière et notre engagement, pour agir contre l'injustice de ce monde.
Dieu compte sur nous pour rappeler à leur devoir tous ceux qui ont une responsabilité, tous ceux qui sont au pouvoir, tous ceux qui peuvent changer quelque chose dans ce monde. Jésus se reconnaissait bien dans la démarche de la pauvre veuve, face à une humanité dure et lente à la justice ou à la compassion.
Mais notre prière ne doit pas consister à demander à Dieu de faire quelque chose (que ta volonté…), mais qu’il nous donne la force de faire quelque chose. C’est à ce prix que le Christ, lorsqu’il reviendra, trouvera sur la terre un peu de foi
Conclusion
Alors cette question de Christ peut être posée autrement :
Crois-tu assez en moi pour continuer à t’indigner, te révolter, crier quand l’humain est foulé aux pieds, crois-tu assez en moi pour, après chaque échec, après chaque chute, te relever, te redresser, et, confiant en la force qui vient de ma croix et de ma résurrection, de recommencer, sûr qu’un jour, la vie l’emportera ?
Mais n’oublions pas que si Dieu a le pouvoir de guérir le monde de ses maux, il peut aussi guérir nos frères et sœurs, un à un, de leurs souffrances physiques ou morales. Pensons aussi à eux dans nos prières d’intercession.
Amen !
François PUJOL