Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 11 septembre 2016

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :

Exode 32,7-14

Luc 15 11-32

1 Timothée 1,12-17

« La Parabole du père prodigue »

Vous connaissez tous probablement cette parabole du Fils prodigue que nous venons de lire. Et vous vous êtes sûrement demandé, quand vous l’avez entendue pour la première fois qui est ce père aux largesses infinies. Ce père qui accueille son fils rebelle, l’enfant insupportable, celui qui est parti et qui a tout gâché, qui a dilapidé sa part et qui revient sans gloire et sans aucun mérite.

Je m’adresse à vous aujourd’hui pour vous montrer que la parabole du fils prodigue est, avant tout et quoiqu’on en dise, la parabole du père prodigue. C’est-à-dire d’un père qui ne compte pas son amour pour ses enfants et qui les attend et les espère inlassablement, qui les aime quoi qu’ils aient fait : Il aime le plus jeune, insolent lorsqu’il entreprend de devancer le moment du partage et tout penaud -pénitent- lors du retour. Et il aime tout autant l’aîné qui est resté à demeure, qui travaille et qui s’enferme dans ses discours et ses attitudes de jalousie et de mépris, révélant ainsi une fraternité tellement réaliste et crédible.

Ce père aime ses fils quoi qu’ils aient fait, quels qu’ils soient et comme ils sont.

Il court au devant de l’un qu’il croyait mort ou perdu à jamais. Et il veut avec la même force inviter l’autre, qui s’en scandalise, à une fête de retrouvailles, cette fête qui aura lieu mais sans être complète puisque l’aîné, refusera d’y participer.

Au fond, cette parabole nous parle d’un père, je veux dire nous parle d’un Dieu qui aime et qui ne juge pas, et de deux fils -c’est-à-dire de nous- qui s’imaginent bien à tort qu’il est un Dieu qui juge, sévère et peut-être même dangereux.

Voici donc la bonne nouvelle de l’évangile qui retourne nos idées à son sujet : voici ce que dit le texte, notre référence biblique, sur celui qui nous rassemble : il ne nous juge pas. Au contraire, il nous aime tels que nous sommes, alors que de nos rangs même, parfois, on entend dire qu’il serait dieu méchant, pervers ou pire, indifférent...

Ecoutez encore ce qu’énonce le récit : « un père avait deux fils ». Or c’est à lui qu’il arrive une bien triste histoire : Il perd, en effet, le cadet qui veut s’éloigner. Il ne lui dit rien ni ne le brime ni ne l’empêche, et il le laisse libre. Et de cette liberté, malheureusement, ce fils fait sa réelle perte : il part « dans le pays de l’oubli », le pays de l’oubli de Dieu. Il oublie Dieu et oublie de ce fait qui il était lui-même. Il croit exercer sa liberté et il s’aliène et se perd. Il pensait qu’en se tenant loin du père, enfin seul, enfin grand, autonome, il allait se réaliser et réaliser sa vie. Et voici qu’il lui faudra tout un parcours, alternant épreuve et sagesse, pour comprendre enfin que c’est dans la maison du père, c’est-à-dire dans un relation retrouvée de confiance et non plus de crainte, dans une relation de réconciliation enfin et non plus de méfiance, qu’il trouvera sa paix et sa véritable identité de fils.

Voici donc que tout se passe comme s’il lui fallait connaître Dieu tel qu’il est, à savoir comme un père aimant et pardonnant, pour qu’enfin il se connaisse lui-même et se réconcilie.

Ecoutons Jean Calvin qui écrivait au début de son livre majeur, l’Institution de la Religion Chrétienne : « Toute sagesse véritable se résume pour l’homme en deux points : la connaissance de Dieu et la connaissance de soi. Ces deux savoirs sont si étroitement liés qu’on ne saurait dire lequel conduit l’autre »

Se connaître donc, mais pas n’importe comment ! Se connaître soi-même à travers ses défauts et ses faiblesses, ses blessures secrètes mais aussi et surtout à travers ses aveuglements sur Dieu. Et reconnaître en particulier que nous attendons de lui pour vivre enfin humainement, pardon, réconciliation, guérison et joie profonde, et finalement paix avec nous-mêmes. Reconnaître que nous ne sommes pas seuls ou abandonnés, et qu’il nous attend, les bras ouverts. Cette sagesse la, qui est la certitude d’un salut, est véritablement celle du fils qui après s’être éloigné, est rentré en lui-même, et qui a fait ce travail de réflexion, de retour sur soi, de retour en soi. Comme si, partant loin du père, loin de Dieu, il était aussi parti loin de lui-même et s’était rendu compte, alors, qu’il lui fallait maintenant se retrouver, se reconstruire et pour cela, se laisser humblement et simplement accueillir et retrouver par le père.

Mais le père de la parabole va devoir perdre encore l’autre fils, l’aîné qu’il croyait pourtant près de lui. En réalité, il était là mais comme absent, parce que méfiant. Il avait tant de griefs inexprimés qui s’expriment soudain à l’occasion du retour du cadet... : « Je t’ai obéi, clame t’il, j’ai été un bon fils, je te sers depuis mon enfance sans avoir jamais désobéi à tes ordres, je vis suivant les règles que tu m’as enseignées et tu ne m’as jamais donné la moindre récompense.. ». Le texte s’arrête là mais nous pouvons facilement imaginer la suite :« Sans m’en rendre compte peut-être, et c’est vraiment là mon tort, j’ai toujours agi avec toi comme avec quelqu’un qui allait me juger, me jauger, m’évaluer sans cesse, et je n’ai rien compris à ton sujet. J’étais inquiet, avec ce sentiment terrible d’être en permanence en probation...Je n’ai pas saisi l’occasion de te dire une seule fois que je t’aimais, parce que je ne croyais même pas que tu étais capable, toi, de m’aimer... »

Le fils aîné s’est effectivement construit une image de Dieu fallacieuse et inquiétante, et même menaçante. Et tout ressort soudainement : sa jalousie vis-à-vis du frère de même que son ressentiment vis-à-vis du père. Il y a tant de fils aînés parmi nous ! Et la famille a donc éclaté. Il est peu probable qu’une cohabitation, dès lors, soit possible à nouveau, comme avant.

Cette parabole est d’abord la parabole d’un père aimant qui perd ses deux fils. Mais elle est aussi l’histoire d’un père qui ne désespèrera pas : il a retrouvé le fils prodigue, il fera tout, à partir de ce jour, pour retrouver le fils aîné.

Dans votre parcours, quel qu’il soit, n’oubliez jamais cela.

Vous pouvez un jour, saisissant une occasion, être amenés à partir, à découvrir le pays séduisant et difficile à vivre de « l’oubli de Dieu », à faire votre fils prodigue pendant quelques temps ou pendant longtemps. Sachez alors que votre plus grande sagesse sera de rentrer en vous-mêmes et de vous retrouver; De rentrer en vous-mêmes, en prenant la question du sens de votre vie au sérieux, sans vous laisser balader ni tromper par quiconque, en vous référant avec discernement aux textes qui portent la trace de celui qui vous aime, qui vous attend et qui vous oriente.

Ou bien vous pouvez être un jour l’aîné, plein de ressentiment et la mémoire encombrée de comptes imaginaires à régler violemment avec vos frères ou avec Dieu. Et vous reprocherez à l’un son manque de reconnaissance, aux autres leur dureté de cœur et leur égoïsme, alors que vous n’aviez qu’un mot à dire que vous n’avez pas dit : « je t’aime, c’est avec joie que je suis près de toi, dans ta maison, à ton service... »,

Oui, si vous êtes l’aîné, sachez que Dieu le père vous attend et vous invite à la fête, sachez que votre place restera toujours marquée.

C’est donc qu’au-delà de cette parabole, au-delà de ce petit récit familial et dramatique, le message est profond, et même plus profond qu’on ne le dit parfois : Désormais, devant nos yeux, l’horizon avec Dieu est celui d’une fête, d’une joie, d’une retrouvaille, d’une vraie réconciliation. Ne tardez plus, alors, vous tous réunis ici, fils et filles d’un même père :

Vivez réconciliés, et où que vous vous trouviez, dans votre vie, faites œuvre de réconciliation. Ne vous laissez pas impressionner par les frontières, réelles ou supposées, qui séparent les hommes. Et apprenez à débusquer les constructions imaginaires qui nous divisent et nous éloignent de Dieu.

Et, par conséquent, à l’image de Jésus-Christ notre frère, qui a ouvert ce chemin de réconciliation avec nous mêmes et avec celui qui nous attend aimez votre prochain comme vous-mêmes...

Amen !

Jean Jacques Veillet