Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 22 AOÛT 2010

Culte à Gap (05000)

Lectures du Jour :

Esaïe 66, 18-21 (voir également méditation sous cette référence, le 21 Août 2016)

Luc 13, 22 – 30

Hébreux 12, 5-13

Les Portes étroites

Si au moins un texte de l'Evangile n'est pas apprécié, je crois que celui-là fait partie du top 10 des moins appréciés!!

Cette histoire de porte étroite, cette histoire de 1ers qui seront derniers et vice versa, non seulement ça peut nous donner des frissons, mais encore on a l'impression qu'elle ne colle pas avec l'affirmation centrale de l'Evangile: " Dieu a tant aimé le monde qu'il a envoyé son fils unique afin que quiconque croit en lui ne meurt pas mais qu'il ait la vie éternelle".

Entre cette annonce merveilleuse et cette histoire de porte étroite où certains ne trouveront pas l'entrée, on ne voit pas bien le point commun.

Alors pour commencer ce message ce matin, je voudrais vous donner une image qui vous permettra de mieux comprendre cette histoire de porte.

Dans certaines de nos villes qui ont été fortifiées au Moyen âge, comme dans les médinas des pays du Maghreb, il y a pour entrer dans la ville une porte. Ou plutôt je dirais des portes. Pour chaque grande porte, il y a juste à côté une petite porte.

Normalement, la grande porte était destinée à laisser passer les attelages, les charrettes, et tout déplacement encombrant. La petite porte, elle, était destinée à laisser passer les piétons.

Je vous invite, si vous allez devant l'une de ces portes aujourd'hui, à regarder par où les gens entrent. La majorité, la très grande majorité va entrer et sortir…par la grande porte. Même sans chargement, c'est la grande porte qui va avoir la préférence; même s'il y a énormément de monde par la grande porte, la petite porte sera très souvent délaissée.

C'est ainsi; et avouons que très, très souvent, la grande porte a une apparence plus belle, plus majestueuse; elle est plus attirante que la petite porte juste à côté! La petite soeur-porte n'a pas souvent l'éclat de la grande soeur-porte!! Et voilà que Jésus Christ nous invite à choisir la petite porte…Vous allez me dire : "bon, pourquoi pas?".

Mais cette petite porte , c'est du concret pour nos vies; ce n'est pas juste des paroles en l'air, du style " oui, oui Seigneur, on veut bien te suivre"! le texte le dit bien: il y en a qui resteront dehors en disant "Seigneur ouvre-nous, nous avons mangé et bu devant toi et tu nous as enseigné dans nos grandes rues». Et le Seigneur leur répondra " vous, je ne sais pas qui vous êtes".

Avant de partager avec vous l'invitation du Christ à choisir la petite porte pour nos vies, je voudrais nous éclairer avec le contexte de notre texte.

Tout le chapitre 13 est édifiant: il y a la parabole du figuier stérile, où le Christ montre l'urgence de produire des fruits dans nos vies; que nos vies ne soient pas stériles; il y a la guérison d'une femme infirme un jour de sabbat ( et donc une violation de la part de Jésus de toutes les règles en vigueur); il y a la parabole de la graine de moutarde, où Jésus montre que le règne de Dieu est une graine de moutarde, tout petite, petite, mais qui, en poussant, devient un immense arbre. Puis vient notre fameuse porte étroite.

Tous ces épisodes dans notre chapitre 13 montrent que nous sommes appelés à faire une différence entre l'être et le paraître. Le paraître, c'est la grande porte, clinquante, belle, immense, majestueuse, que tout le monde veut emprunter. L'être, c'est la petite porte, celle qui remplit sa fonction de passage, celle qui n'est pas clinquante et va "juste" mener là où on veut aller.

Concrètement, vous vous demandez peut-être en quoi consistent aujourd'hui cette grande porte clinquante, et cette petite porte. La grande porte, que beaucoup, beaucoup de nos contemporains empruntent, c'est la porte du " tout moi". Le "tout moi", c'est tout ce que notre société tente de vous convaincre de devenir en vous faisant croire que c'est ça la vraie vie.

La grande porte d'abord, c'est tout faire pour être beau (le paraître); "le moi, moi, moi", c'est ça qui importe. Et les autres, c'est bien peu intéressant.

La grande porte, c'est vous qui devez tout faire pour perdre vos 3 kilos superflus…pendant que la moitié de la terre crève de faim. La grande porte, c'est vous qui devez faire de l'argent avec l'argent, et calculer nuit et jour vos placements, pendant que % de la population française vit sous le seuil de

pauvreté.

La grande porte, c'est vous qui devez toujours mieux vous équiper et qui, pour cela, faites crédit " revolving" (ça ressemble à revolver cette histoire, comme une balle en pleine tête!!) sur crédit revolving, et arrivez doucement au surendettement… La grande porte, c'est votre image que vous devez perfectionner; c'est votre confort que vous devez améliorer; c'est vos loisirs que vous devez multiplier; et c'est votre petite paix que vous ne voulez pas voir toucher.

La grande porte, c'est notre société qui vous fait croire que le salut se trouve dans la consommation, dans le cartable de rentrée le plus beau ou de marque; la grande porte, c'est celle qui doucement insidieusement, est en train de vouloir monter des populations contre d'autres, en disant que la grande porte, ça se mérite; et que pour entrer par cette grande belle porte, mieux vaut être aryen de nos jours…

La grande porte, c'est celle de la belle voiture, de la belle montre, du bel appartement. "Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite"; à bien oui, celle-là, elle est beaucoup moins clinquante !!!

Cette porte-là, tout le monde peut y entrer; je vous l’assure, il n'y a aucun critère discriminatoire: pas question d'argent et de richesses et de confort perso et d'en jeter plein la vue. Cette porte-là n'a pas besoin de vos richesses extérieures à étaler; juste de vos richesses intérieures à vivre.

Cette petite porte, vous voyez, elle n'était déjà pas très à la mode du temps de Jésus. Cette petite porte, c'est la façon dont je gère ma vie avec Dieu et avec les autres;

POUR Dieu et POUR les autres.

Cette petite porte, elle est ouverte, grande ouverte pour chaque petit geste d'amour, pour chaque petit mouvement de solidarité envers quelqu'un! Cette petite porte, elle permet d'être fier, heureux de soi et non pas de son porte-monnaie. Efforcez-vous…

C'est un vrai combat que de ne pas hurler avec les loups d'aujourd'hui, les loups de la finance, les loups de l'indifférence, les loups du protectionnisme, les loups du nombrilisme. Efforcez-vous…

Chacun de nous est appelé à s'efforcer; à lutter contre le courant actuel, contre la mode de la grande porte. Chacun de nous est appelé à des valeurs qui ne sont pas à la mode: des valeurs d'entraide, des valeurs de compassion, des valeurs d'amour.

Chacun d'entre nous est appelé à rompre cette machine infernale qui est en train de nous broyer, où le chacun pour soi l'emporte. Chacun d'entre nous est appelé à lutter pour plus de justice (« éloignez-vous de moi vous qui commettez l'injustice" dit Jésus dans notre texte). Nous sommes appelés à du sens; pas de la survie; du sens. Appelés à vivre en harmonie avec les autres; appelés à pardonner, à reconstruire, à rebâtir sans cesse; sensibles aux autres; à nos voisins qui peut-être ont besoin d'un petit coup de main…ou un simple bonjour. A cet enfant dans mon quartier qui a du mal à faire ses devoirs et que je peux aider. A cette personne âgée qui ne reçoit jamais un coup de fil. Sensible à ce jeune qui aimerait bien s'en sortir; à cette personne

malade; à ma famille avec laquelle je me suis disputée; sensible à cette gapençaise du Congo Kinshasa qui va être expulsée par décision d'un préfet au coeur-quota plus qu'avec un coeur humain et juste.

Oh! Certains penseront qu'ils sont de bons croyants, et que c'est ça qui compte… "Nous avons mangé et bu DEVANT toi" disent ceux qui frappent à la petite porte alors qu'il est trop tard.

DEVANT toi, ce n'est pas AVEC toi.

DEVANT toi, on retombe dans le " paraître"; on parait parfois au culte le dimanche… La petite porte n'a rien de brillant en apparence; elle est "juste" faite de ce que nous sommes appelés à vivre: aimer Dieu, aimer notre prochain. Manger AVEC Dieu et avec notre prochain.

Se ressourcer avec Dieu , au culte, en lisant la Bible; se savoir aimé comme on l'a rappelé ce matin avec le baptême de Melinda; se savoir aimé personnellement si fort que cet amour doit rejaillir sur les autres. Ce n'est pas à la mode; ça ne rapporte pas d'argent, d'aimer Dieu, le Dieu de Jésus-

Christ et d'aimer les autres. Mais si l'argent est aujourd'hui le grand gagnant; si aujourd'hui l'amour, le vrai, le profond amour de l'autre n'a pas la côte; je vous le dis, si vous mettez en avant cet amour, pour Dieu, pour l'autre, vous serez dans notre société un peu le loser, le perdant… ce n’est pas grave… il arrivera un jour où les loosers seront les grands gagnants. Aux yeux de Dieu. Et c'est ça qui compte…Les derniers seront les premiers!

Amen !

Nathalie Paquereau.