Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 7 août 2016
Culte à Orpierre (05700)

Lectures du Jour :
Ezéchiel 33,10-16
Luc 12,33-48
Hébreux 11,1-9
« N’aie pas peur, petit troupeau »
L’idée selon laquelle l’homme serait seul dans le monde face au hasard des événements n’est pas nouvelle. Depuis bien longtemps elle a fait partie des questions qui interpellent l’humanité, humanité qui cherche des réponses aux questions posées par l’évolution déconcertante du monde. C’est ce que pensent beaucoup d’incroyants qui estiment marquer ainsi des points face aux croyants qui, de leur côté, ne semblent pas avoir de réponses convaincantes. On prétend que l’approche du monde par les croyants de jadis est devenue obsolète et que les défis auxquels les hommes étaient confrontés ne pouvaient trouver de réponse en Dieu et que toutes les prières restaient vaines. Aujourd’hui ce genre de problèmes semble dépassé et ces mêmes défis n’espèrent plus trouver de solution que dans la sagesse humaine. C’est la science que l’on croit seule capable de combattre les épidémies et on ne croit plus que Dieu puisse nourrir les affamés en envoyant une manne céleste.
Dans tous les domaines, les penseurs contemporains estiment que seul l’homme pourra apporter des réponses cohérentes aux problèmes qui restent encore aujourd’hui sans réponse. C’est ce à quoi s’attachent certains penseurs qui vont même jusqu’à envisager de prolonger la durée de la vie humaine au-delà des limites du raisonnable. Si sur le plan technique, on peut les suivre dans cette utopie, aucune réponse humaine cependant ne donne de solution pour s’opposer à la folie des hommes quand elle se déchaîne et menace de mener le monde à sa ruine.
Ces idées selon lesquelles les hommes seraient seuls, confrontés à leur destin ne sont pas nouvelles et ne viennent pas du monde des incroyants. Depuis le haut Moyen Age les théologiens juifs de la kabbale ont émis l’hypothèse selon laquelle Dieu, depuis la création, se serait retiré du monde pour laisser aux hommes le soin de le gérer. Cette idée a été reprise plus récemment par Spinoza et aujourd’hui par d’autres encore.
En lisant le passage de ce jour avec attention, il semble que Jésus lui-même approuve cette idée qu’il expose dans une parabole. Il imagine le maître d’un domaine, derrière lequel on pourrait voir se profiler le visage de Dieu, qui partirait en voyage, laissant ses serviteurs maîtres des lieux et responsables de la bonne marche de ses affaires. Il n’est pas très difficile d’y voir la réalité de notre monde. Si les serviteurs ont la liberté de faire ce qu’ils veulent, ils ont cependant reçu des consignes pour gérer correctement le domaine afin que les choses se passent bien en l’absence du maître. Si la maison doit être bien éclairée, c’est pour qu’aucun coin ne soit laissé dans l’ombre et qu’aucun espace ne soit négligé. Chacun devra être en vêtement de travail et devra, pourrions-nous dire, mettre ses mains dans le cambouis pour que les moteurs, bien huilés, tournent normalement.
Libre à chacun maintenant de faire ce qui lui plait. Chacun peut suivre les consignes et faire ce à quoi le maître s’attend. Chacun peut aussi s’approprier les clés du domaine et en prendre à son aise, il peut piller à son profit les réserves, opprimer et exploiter ceux qui ont la malchance d’avoir été placés sous ses ordres. Il nous suffira d’un faible effort de transposition pour imaginer notre monde dans lequel les règles les plus fondamentales de la vie en commun sont souvent bafouées
Jésus dans cette histoire prévoit un retour du maître et une reprise par lui des affaires de son domaine, les mauvais serviteurs seront punis et les bons seront récompensés. Il faut bien que la morale soit sauve ! Mais réflexion faite, ce retour du maître n’est pas nécessaire pour que cette histoire ait un sens. Il suffit d’imaginer que si ceux qui exploitent le domaine à leur profit continuent à le faire d’une manière injuste, tout finira par s’effondrer. A force d’inégalités, de mépris des uns pour les autres, la révolte viendra et toute l’organisation du domaine finira par s’écrouler, même si cela prend du temps. Est-ce là que nous en sommes ?
Mais Jésus ne raconte pas cette histoire pour laisser les lecteurs se poser des questions, hésiter sur le sens de cette parabole et peut être se tromper. Jésus nous parle bien ici de la manière dont le monde doit être géré. Dieu en créant les hommes n’en a pas fait des êtres irresponsables. Ils peuvent faire des erreurs, ils peuvent même être mauvais et commettre des abus, mais ils ne sont pas tous ainsi et s’ils ont des règles, c’est bien pour les respecter et pour les retrouver en cas de dérapage. Mais quelles sont ces règles ? Elles ont été données dans les premières phrases du texte que nous avons lu dans des paroles rassurantes : « n’ayez pas peur ». Il s’agit de ne pas avoir peur de gérer ce monde qui nous est confié car le succès de l’entreprise est déjà acquis. Jésus, qui nous parle au nom de Dieu, nous garantit que nous sommes capables de mener à bien la gestion du monde qui nous est confié, le succès de l’entreprise est déjà inscrit dans le programme : « n’aie pas peur petit troupeau car il a plu à mon Père de vous donner le Royaume. »
Si donc Dieu a pris ses distances par rapport à la gestion du monde, il ne nous a pas laissé sans la possibilité d’agir, il a mis en nous cette certitude que si nous respectons ses consignes tout se passera bien et les choses iront dans le bon sens. Nous devons donc faire confiance à Dieu en sachant qu’il a fait les bons choix.
Bien évidemment, il ne relève pas de notre compétence d’empêcher ceux qui n’agissent pas comme il le faudrait d’en faire tout à leur guise, mais il est de notre responsabilité de témoigner par notre attitude qu’ils ne suivent pas la bonne voie et ainsi de les pousser à se convertir à une autre manière de voir les choses. Bien sûr, les sceptiques vont douter du succès d’une telle attitude et penser que tout va mal en regardant évoluer notre société. Mais, en fait, nous ne sommes pas vraiment des acteurs d’un tel défi, nous sommes de simples agents du Saint Esprit. Nous lui ouvrons simplement la voie par notre présence si bien que nous agissons de telle sorte que la fraternité, le partage et l’espérance deviennent lentement les signes d’un changement d’attitude possible de beaucoup d’humains. C’est ce que Jésus nous demande de faire quand il nous demande de veiller.
La demande de Jésus contient deux injonctions. La première relève de la confiance en Dieu. Dieu n’est pas irresponsable au point d’avoir laissé le monde se débrouiller tout seul sans lui donner la chance de réussir, et la deuxième consiste à être assez conscients de la responsabilité que Dieu nous donne à chacun et de la confiance qu’il nous fait pour que ça marche !
Gens de peu de foi que nous sommes ! Avons-nous réalisé que nous regardons évoluer le monde par le mauvais côté de la lorgnette. Nous sommes attentifs à ce qui ne marche pas, nous regardons ce qui ne va pas en nous lamentant et en disant que Dieu nous abandonne. Nous disons même, sans aucun moyen de comparaison, que les choses s’aggravent, alors que le devoir de vigilance que Dieu nous a donné nous demande de voir les choses autrement.
Que nos yeux regardent d’abord les gens qui s’aiment, qui s’entraident au lieu de regarder ceux qui exploitent et humilient, voyons les associations qui se mobilisent au profit des autres et non celles qui les humilient, découvrons chaque jour ce qui se fait de beau et de généreux et le monde changera de visage. L’instrument principal qu’il nous est demandé d’utiliser pour rester vigilants avec optimisme, c’est la prière. C’est la dernière demande de Jésus. Par la prière nous restons en contact permanent avec Dieu qui nous a mis dans cette situation et qui a prévu que les choses devaient évoluer dans le sens du mieux-être des humains. La prière nous fait toujours prendre un pas d’avance sur nos contemporains, puisqu’elle nous met déjà en contact avec ce monde meilleur que Dieu a créé pour que, par nos actions, nous y allions et entraînions tous les hommes du monde à nous suivre.
« N’aie donc pas peur, petit troupeau, puisqu’il a plu à notre Père de nous donner le Royaume. »
Amen !
Jean Jacques Veillet