Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 1° Août 2010
Orpierre (05)
Lectures du Jour :
Ecclésiaste 1,2 et 2,21-23 (Voir sous ces références, méditations des 4 Aout 2013 et 31 Juillet 2016)
Luc 12, 13-21
Colossiens 3,1-11 (voir également méditation sous cette référence, le 31/07/2016)
La dernière nuit du riche insensé
Chers frères et sœurs,
Encore une histoire d’héritage qui tourne mal ! Je dis encore, car ces histoires d’héritage ne datent pas d’hier, rappelez-vous le plat de lentilles avec Jacob et Esaü, on ne peut pas dire que cela se soit bien passé !
Et les histoires d’héritage, çà ne concerne pas que les grandes familles, non, çà peut commencer avec l’armoire normande de la Grand-mère Aglaé ou le couteau suisse de l’oncle Ernest.
Et j’en ai entendu des dizaines, d’histoires d’héritage, mais ce qui est curieux, c’est que chaque fois, la personne qui me racontait son histoire, était une victime, spoliée, dépouillée par des frères et sœurs sans scrupules, à moins que ce ne soit par leurs conjoints ! J’en ai donc conclu que dans ces histoires de partage il n’y avait que des victimes.
Et voilà que la lecture de ce texte est en plein dans le mille : encore une victime ! Et cette fois c’est sérieux, elle va demander justice à Jésus en personne. Bon ! Cela prouve en tous cas que Jésus faisait autorité, on l’avait vu débattre, au Temple, avec les membres du sanhédrin de l’interprétation de la Torah et des textes des prophètes, il était donc dans l’esprit de ses contemporains habilité à dire la Loi, à rendre des jugements, c’était un « rabbi » à qui cet homme s’adresse en lui demandant « Dis à mon frère de partager ! »
Mais était-ce comprendre la mission réelle de Christ sur cette terre ? N’est-ce pas un peu gonflé de venir appeler Jésus au secours, alors que l’Homme s’évertue depuis les origines, à essayer de prouver qu’il peut très bien se débrouiller sans Dieu pour gérer sa vie, la vie de ses communautés ?
Et Jésus, est-il venu pour juger, donc condamner les uns au profit des autres, les pauvres contre les riches, pour que les uns puissent dire Jésus est avec nous, contre vous ?
Bien sur que non, et Jésus ne se laisse pas piéger et fait à l’homme une réponse sans appel : « Qui m'a établi pour être votre juge, ou pour faire vos partages ? »
Jésus n’est pas venu pour nous condamner, ou nous juger, bien au contraire, il est venu pour nous libérer, nous affranchir, selon l’expression de Paul, de ce vieil homme qui nous conduit droit dans le mur.
C’est l’humanité toute entière qui intéresse Jésus, ce n’est pas un clan contre l’autre, comme semblait le supposer le frère spolié, et Jésus, pour se faire bien comprendre raconte à la foule cette histoire que l’on nomme la parabole du riche insensé, pour que cet homme s’interroge lui aussi, sur cette question cruciale : Si Jésus lui avait rendu justice, qu’aurait-il fait de cette moitié d’héritage retrouvée ?
Et mes vraies fausses victimes d’héritages familiaux, qu’auraient-elles fait d’un partage mieux équilibré? Ne sont-elles pas comme ce frère de notre texte ?
Et Jésus nous parle de cet homme, qui est en fait déjà mort : plus de contact avec l’extérieur, plus de relations humaines toutes simples, sans calcul, plus d’intérêt pour l’autre, qui n’est même pas encore un prochain, c’est l’enfermement total, le repli sur soi qui le conduit à ne plus parler qu’à lui-même, l’accumulation de biens étant devenue le but ultime et exclusif de sa vie. Les parois de ses greniers, qu’il fait monter de plus en plus haut, croyant y gagner en sécurité, deviennent des murs de prison infranchissables à l’intérieur desquels il s’enferme irrémédiablement.
C’est caricatural ? En êtes-vous aussi sûrs ?
Que nous donnent à voir nos contemporains dans nos sociétés développées : un hédonisme malsain, centré sur soi : satisfaire sa fièvre acheteuse, s’occuper de son corps, de ses loisirs, de sa santé, veiller à ce que son collègue de travail ne gagne pas plus que soi, profiter, profiter encore, tout est centré sur soi.
La préoccupation de l’Autre ? On nous recommande aujourd’hui, si l’on voit une personne en plein hiver dormir dans la rue sous un carton, de taper le 117 sur notre portable et le tour est joué. Plus besoin d’un regard pour réchauffer l’autre, plus besoin d’une parole de fraternité pour rompre son isolement, ce sont des salariés qui s’en chargeront. Que l’on est loin de la parabole du samaritain.
Avoir en permanence les yeux fixés sur le taux de croissance de nos sociétés, pour quoi faire pour quoi en faire ? Jamais le lien social n’a été aussi dégradé, jamais nos sociétés n’ont été aussi dures et froides pour les plus vulnérables.
Mais il faut être clair : Nulle part, ni dans l’ancien ni dans le nouveau testament on ne trouve de condamnation globale de la richesse. Dans l’ancien testament, celle-ci était plutôt vue comme une bénédiction, pour le peuple hébreu lorsqu’il vivait selon le plan de Dieu. Cette vision des choses est assez conforme à l’esprit protestant et avec cette idée que nous avons une mission : gérer la création que Dieu nous a confiée, selon son dessein. Si nous gérons la création, qui englobe l’humanité elle-même, pour le bien commun, selon la volonté de Dieu, alors, nous serons couverts de bénédictions.
Mais les choses ont dérapé, comme souvent avec les hommes qui oublient volontiers les sentences de l’Ecclésiaste. Les richesses que nos sociétés ont produites, ces accumulations de connaissances, de découvertes scientifiques et médicales, de technologie, de savoir faire, de culture, qu’en font-elle ? Trop occupées à sauvegarder ce qu’elles ont elles-mêmes dilapidé par les excès de quelques uns, elles aussi érigent des murs, de béton ou de grillage, des murs administratifs, croyant elles aussi mettre tous ces biens à l’abri, mais créant en réalité des bombes à retardement qui, un jour leur sauteront à la figure.
Et elles n’ont même plus de honte à remettre en cause des promesses pourtant modestes, d’aide aux pays du Sud pour l’accès des populations à l’eau si vitale. C’est ce que viennent de faire l’U.E. et la France.
Et Jésus nous interpelle avec cette condamnation sans appel :
« Insensé celui qui amasse des trésors pour lui-même : Cette nuit même son âme lui sera redemandée ».
Insensé, oui, l’insensé, c’est celui qui a perdu le sens, avec ce préfixe que l’on retrouve souvent : insoumis, invincible, etc…
Insensé, celui qui a perdu le sens de sa vie, qui tourne en boucle, qui confond l’objectif et les moyens, qui confond avoir et être, ou plutôt qui prend avoir pour être, avoir sans Dieu ou être, avec Dieu, voilà l’alternative que pose cette parabole.
Car ce que Jésus condamne ce n’est pas de recevoir un héritage, mais l’accumulation, l’accumulation pour soi. Et cela ne concerne pas seulement les biens matériels. Jésus parle d’un héritage c'est-à-dire d’un bien que l’on reçoit, sans avoir forcément transpiré pour l’obtenir.
Jésus nous propose de retrouver le sens, de redonner un sens à nos vies. Il nous dit, un héritage, on doit le faire fructifier, nous rappelant la parabole des talents, et ce serviteur qui ne trouve rien de mieux à faire qu’enterrer le talent que le maître lui a donné en attendant son retour. Avec cet héritage tu dois construire un projet, un projet de vie dans lequel Jésus t’accompagnera.
Faire fructifier son héritage, porter du fruit, voilà l’injonction de Jésus à ceux qui veulent le servir. Et il s’adresse à nous tous, car nous avons tous un héritage à faire fructifier. Vous pensez le contraire ?
Un regard chaleureux, une parole amicale, peuvent porter beaucoup de fruits.
Et à propos d'héritage, ce livre, n’en est-il pas un ? Ce livre dans lequel nombre de nos pères ont appris à lire, ce Livre qu’ils nous ont légué, au prix des sacrifices que vous connaissez, ce livre qui nous permet de garder le cap, de rester en intimité avec Jésus, en communion avec nos frères et sœurs, ne mérite-t-il pas autre chose que de rester confiné sur nos tables de nuit ? Ne mérite –t-il pas de prendre l’air ? D’aller chez notre voisin qui n’en a peut-être jamais entendu parler ? Ce livre qui est entre nos mains doit lui aussi porter du fruit !
Et notre foi, n’est-ce pas un beau cadeau que nous avons reçu du Seigneur ? Se savoir aimé par Celui qui détient le pouvoir de la Vie au delà de l’éphémère de notre vie terrestre, n’est-ce pas un trésor à partager ? Partager notre Foi, voilà encore une autre façon de porter du fruit.
Vous voyez que nous avons reçu beaucoup plus d’héritages que nous le pensions, que nous sommes beaucoup plus riches que nous le pensions
Portons du fruit et notre vie sera riche aux yeux de Dieu, en nous rappelant que les héritages que nous avons reçus continuent d’appartenir à Dieu et qu’il nous en confie la gestion pour que nous les fassions fructifier au profit de tous ses enfants.
Alors ne soyons pas avares de tous ces moments de joie et de bonheur, partagés avec d'autres, tous ces liens que l'on tisse et qui demeureront quand tout s'écroule, et alors tant mieux si le partage de nos biens, matériels, nos richesses, nos savoirs, nos expériences spirituelles peuvent simplement permettre à notre prochain d’entrer avec nous dans la vie éternelle.
Pour conclure, je voudrais souligner un point qui me parait important : Ce riche insensé, sa mort lui est annoncée pour la nuit même. Il va avoir une attaque dans son sommeil. S’il reste dans le même état d’esprit, il est clair que cette mort sera une mort définitive, puisqu’en fait, comme le dit Paul, il est déjà mort aux yeux de Dieu, et que tout ce qu’il aura gagné, finalement ce sera d’être le plus riche du cimetière.
Mais tout n’est jamais définitivement écrit. Jésus n’est pas venu sur cette terre pour condamner, mais pour sauver et jusqu’à cette nuit, notre pauvre riche a la possibilité de changer de cap, de faire un demi-tour complet, de faire sa conversion, de retrouver le vrai sens de la vie, en se tournant vers notre Seigneur. Après s’être incliné au pied de la croix, il pourra naître de nouveau et suivre le seul cap permettant de mener une vraie vie, œuvrant pour le bien commun, Jésus, le Christ. Alors ce riche insensé, comme l’ouvrier de la dernière heure, pourra entrer au Royaume le cœur apaisé. Sa mort ne sera plus une fin définitive mais un passage vers la lumière de l’Eternité qui a déjà commencé ici, aujourd’hui.
Voilà, je voulais terminer cette méditation sur ce message d’espérance qui s’adresse aussi à chacun de nous, et que chacun de nous peut transmettre à ceux que Dieu placera sur nos chemins.
« Recherchez premièrement le Royaume de Dieu et toutes choses vous seront données par-dessus ».
Amen !
François PUJOL