Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 14 juillet 2019
GAP (05000)
Lectures du Jour :
Deutéronome 30, 10-14
Luc 10, 25-37 (Voir également, méditations du 14-juil-13 et du 10-juil-16)
Colossiens 1, 15-20
Qui est mon prochain ?
Et bien décidément encore un texte de la Bible qui va complètement à l’inverse de ce qui à la 1ère lecture nous aurait paru évident. Mon prochain n’est pas celui que j’aide mais je suis le prochain de celui que j’aide. Vous me suivez ?!
Bon, de toute façon, nous commençons à savoir qu’avec Jésus, rien n’est évident… !
Mon prochain ne serait donc pas celui que j’aide, celui à qui je fais du bien, celui que je vais aimer envers et contre tout. Celui qui pourra ou devra me dire merci parce qu’il me sera redevable, moi qui ai pris du temps de l’énergie pour m’occuper de lui. Moi qui me décarcasse, qui essaie d’être un « bon » chrétien, une « bonne » chrétienne, dévouée et appliquée, celle que l’on pourrait un peu plus considérer… Et bien non pas du tout ! Jésus me dit que c’est moi qui ai besoin d’un prochain. C’est moi qui ai besoin de compassion, de secours et d’attention. Mais alors je vais servir à quoi moi ?
J’aime bien faire le bien, j’aime bien me sentir utile. J’aime bien qu’on me dise merci surtout quand je fais de super efforts pour essayer d’aimer celui ou celle qui justement ne me revient pas…
Alors pourquoi, encore une fois Jésus vient-il bousculer tout ce qui me paraissait évident ? Qu’est-ce qu’il cherche, que veut-il que je fasse de plus ? Ou peut-être …. Quelle piste m’amène-t-il à suivre ?...
Vous savez, la Bible, j’y réfléchissais, c’est un peu comme un jeu de piste. On a des indices, ce sont les textes de l’AT et les Evangiles (Mt Mc Lc Jn), les lettres de Paul et même l’Apocalypse (même si on n’y comprend parfois goutte). On part de pas grand-chose, et on découvre petit à petit les indices, le but du jeu étant quand même de trouver un Trésor. Car il y a toujours un trésor à la fin des jeux de piste !
Mais pour avancer, il ne faut pas avoir trop d’idées préconçues car si on est certain d’avoir trouvé à peine on commence le jeu, on sera vite déçu… Le plaisir du jeu c’est justement la recherche de ce que l’on ne connait pas, la surprise… Si on part en étant sûr d’avoir déjà trouvé, non seulement on peut s’être trompé et alors il faut faire marche arrière pour repartir du début mais en plus on se prive de ce qui peut nous titiller, nous passionner et nous surprendre !
Et bien ce texte est un élément du jeu de piste que Dieu nous propose chaque jour. Un élément de cette recherche joyeuse et excitante du trésor.
La question que pose le maître de la Loi qui, vous l’aurez bien compris, veut avant tout coincer le petit jeunot un peu trop dérangeant qu’est Jésus. Elle sous-entend : « toi qui prétend en savoir plus que moi, allez, vas-y dis-moi toi : qui est mon prochain ? »
Vous aurez remarqué que Jésus ne lui donne pas de réponse directe. A mon avis, il a dû le sentir venir le « espécialiste » en lois divines… Et puis, ce serait trop facile si, dans un jeu de piste, on vous donnait directement la réponse…
Alors Jésus lui raconte une parabole à cet homme important véritable puits de science religieuse. Vous savez, les paraboles, ce sont ces petites histoires qui nous permettent de lâcher le réel et nous laisser partir, rêver, imaginer. Ce sont là les fameux indices qui vont nous permettre d’avancer vers le trésor…
Jésus lui raconte une histoire de blessé sur une route entre Jérusalem et Jéricho, une route rocailleuse et raide, longue d’environ 30 kms soit l’endroit idéal pour les brigands pour détrousser les passagers. Autre personnage, un sale Samaritain, de la race que les juifs ne peuvent pas sentir (et réciproquement… encore une histoire obscure de rivalités et de pouvoir) Un homme qui normalement, ne devrait pas s’approcher du blessé puisqu’il n’est pas de sa race mais qui va quand même le faire parce qu’il est « pris de compassion » nous dit le texte – « pris aux entrailles » littéralement ; en gros il a mal au ventre de voir cet homme souffrant perdu sur un chemin raide et loin de tout. Alors, par bonheur, il n’écoute que son ventre et son cœur.
Après cette histoire, Jésus retourne la question au Maître de la Loi : Alors, « lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? » Il l’oblige un peu à chercher, à faire des suppositions, en bref, à trouver par lui-même. Le maître de la Loi qui n’était pas sot, lui répond « c’est celui qui qui a exercé la miséricorde envers lui ».
Il dit de lui-même ce que Jésus lui aurait répondu : bingo, il a le 1er indice, l’indice primordial !
En effet, « celui » qui a exercé la miséricorde n’est pas l’homme à terre et secouru mais bien le Samaritain lui-même. Mon prochain n’est pas celui que j’aide mais bien celui qui m’aide. Tu aimeras ton prochain comme toi-même reviendrait à dire « tu aimeras comme toi-même, celui qui s’oblige, pour te redonner la vie, à passer par-dessus toutes ses lois, ses idées reçues et ses peurs, celui qui n’écoute rien que son ventre, ses tripes et qui, en s’approchant de toi, est de fait ton « prochain ». C’est lui que tu dois aimer malgré toutes tes propres lois, tes propres idées reçues, tes propres peurs (quoi, c’est un sale Samaritain qui m’a aidé ?!)
Comme l’écrivait Arnaud, notre pasteur, dans un article d’Echanges (notre journal régional auquel je vous invite à vous abonner ! cf. les sacs mis à votre disposition à l’entrée du Temple)… comme l’écrivait Arnaud « Aimer mon prochain comme moi-même, c’est m’en remettre à cet autre – que je n’attends pas, que je n’aime pas, que je ne veux pas- qui m’approche, me touche et me soigne de cette maladie que l’on appelle la peur, le préjugé, le racisme, l’ostracisme. »
Jésus emploie tout exprès le terme très généraliste de « Samaritain » ; il utilise le même langage que le Maître de la Loi pour mieux l’interpeler sur l’image que ce Maître a des Samaritains. Pour lui signifier que ce qui est important, ce ne sont pas les catégories mais bien les individus. Oui, un sale Samaritain, une sous-espèce, un que je ne veux même pas calculer peut être mon prochain. Un « bon » docteur de la Loi, un « bon »sacrificateur, un « bon » Lévite, un « bon » chrétien peut passer à côté de moi sans s’arrêter et se priver ainsi d’être mon prochain et aimé de moi.
Vous voyez bien que ce n’est pas ce qui nous paraissait évident de prime abord qui nous aurait amené à cette conclusion.
C’est donc bien là que Jésus nous surprend et nous surprendra encore et encore…
Alors, continuons à suivre la piste en joyeux joueurs, impatients de trouver la suite et ouverts à tout ce qui peut nous éclairer : ces bons vieux textes de la Bible, nos échanges, nos découvertes sans oublier qu’un jeu de piste c’est un jeu que l’on fait en équipe !
Amen !
Isabelle Christophe