Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 04 JUILLET 2010

Orpierre (05700)

Lectures du Jour :

Luc 10, 1-20

Esaïe 66,10-14

Galates 6,14-18

Etre présents au monde

Chers frères et sœurs, ce texte que nous venons de lire est connu sous le nom des 70 disciples, bien que certaines traductions, comme la TOB, indiquent le nombre de 72 disciples et que Castellion donne les deux nombres, nous laissant le choix

Interrogeons-nous rapidement sur ce nombre : 70, pourquoi pas 60 ou 80. Vous savez que dans la Bible, les nombres ne doivent rien au hasard mais qu’ils ont tous une signification symbolique. Vous savez aussi que Jésus - ou les évangélistes qui ont écrit ces récits - ne manquait pas une occasion de rappeler ses liens avec la tradition hébraïque. Nous sommes précisément dans cette situation : 70, c’est le nombre de nations ou de peuples connus ou plutôt nommés dans la Genèse lorsque Dieu annonce à Abram qui n’est pas encore Abraham, quelle sera l’alliance qu’il signera avec lui.

Ainsi, en choisissant ce nombre de 70, Jésus donne un signe fort, ces disciples iront visiter l’ensemble des peuples connus, confirmant la vocation universelle de son ministère. Il fixe ainsi le contenu et le périmètre de la mission de ses envoyés, qui formeront sa nouvelle Eglise. Et s’il commence par les villes de Judée, après être allé en Samarie et en Galilée, chez lui, où il fut très mal reçu, la terre de mission de ses serviteurs, c’est toute la terre toute la création de Dieu le Père, ce qui lui fait dire que la moisson sera grande.

Et c’est d’ailleurs tout le sens de ce passage de la lettre de Paul aux Galates : « Car ce n'est rien que d'être circoncis ou incirconcis; -c'est-à-dire Juif ou non juif - ce qui est quelque chose, c'est d'être une nouvelle créature ».

Voilà le message que devront délivrer les envoyés de Jésus : Devenez une nouvelle créature, naissez de nouveau après vous être agenouillés aux pieds de Jésus-Christ qui sera dorénavant votre seigneur et votre guide.

Et alors ces disciples qui suivaient le maître, deviennent des apôtres, des envoyés qui vont le précéder, lourde tâche pour des petites gens.

Mais Jésus annonce tout de suite la couleur : les ouvriers vont vite manquer car le chantier est immense.

Et de fait, Jésus a commencé son ministère avec 12 apôtres (Matthias remplacera Judas) puis 70 disciples, voilà toute son armée, et aujourd’hui combien d’individus se réclament de Jésus ?

Un homme sur trois est chrétien, parmi eux 1 sur 2 est catholique, 1 sur 3 protestant rattaché à une Eglise[1]..

Comment ne pas voir l’action du Saint Esprit dans cette extraordinaire multiplication, qui crée directement le lien entre ce texte vieux de 2000 ans et aujourd’hui ?

Cette multiplication, elle commence dans le texte même : les 70 reviennent tout guillerets, tout émerveillés de leur première mission, Seigneur c’est formidable, nous guérissons des gens, nous en libérons d’autres, qui étaient possédés du démon, etc…

Jésus les met tout de suite en garde : ne vous emballez pas, ne cédez pas à l’excès de confiance et d’enthousiasme et conservez une bonne dose d’humilité, car si ces choses arrivent ce n’est pas par vos propres mérites, mais seulement parce que vous êtes venus au père en reconnaissant Jésus comme votre Seigneur et que dorénavant votre nom est inscrit dans les cieux.

Par ailleurs, Jésus les met en garde contre un autre danger : là où ils iront, ils ne seront pas toujours les bienvenus, peut-être même seront-ils rejetés, mis à l’écart, voire persécutés, car ils iront au milieu des loups, et ici plus qu’ailleurs, parler des loups ce n’est pas de la littérature.

Et cette mise en garde est, elle aussi, d’une brûlante actualité, car dans le même temps où je vous propose de nous réjouir de ce que dans le monde 1 individu sur 3 se déclare chrétien, en même temps, nous devons constater que le nombre de pays où les chrétiens sont persécutés ne fait qu’augmenter, ce qui a provoqué un communiqué officiel en forme de protestation de la Fédération Protestante de France ce 22 Juin contre la multiplication d’agressions au Maghreb, au Moyen Orient, en Inde, dans les pays communistes d’Asie.

Car les forces du mal sont toujours là, prêtes à agir, et c’est normal, puisque les forces du mal, c’est en nous qu’elles se trouvent, chaque individu portant en lui-même autant de capacité de faire le mal que le bien, nous le savons tous, voilà ce qu’il en coûte de vouloir jouer au créateur, gérer seul la création que Dieu nous a confiée. On en voit aujourd’hui le résultat, en de nombreux domaines dont je vous laisse faire l’inventaire.

Jésus par son sacrifice, nous sauve, nous sauve de nous-mêmes, de la part de mal absolu qui est en nous. Jésus est le seul chemin par lequel l’humanité peut être sauvée d’elle-même, elle qui a aussi le pouvoir de se détruire elle-même. La radioactivité en étant l’exemple le plus frappant, à la fois rayonnement guérisseur et énergie destructrice : outil du bien commun ou d’un suicide collectif, selon qui en détient les clefs.

Mais nous sommes porteurs d’un message d’espérance. La persécution, le mal absolu peuvent triompher temporairement ici ou là. Nos ancêtres, les galériens de la foi, ont connu cela ici même. Mais la où la persécution sévit, il se trouve toujours des ouvriers pour servir le Seigneur, et la où les ouvriers travaillent, le Saint Esprit est à l’œuvre : Voilà qui explique que malgré la persécution, ces Eglises persécutées grandissent : certains rapports indiquent ainsi que, dans plusieurs pays, on remarque un développement significatif des Eglises. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître et malgré les persécutions dont ils font l'objet quand ils se convertissent, des citoyens de ces pays décident de se tourner vers Jésus-Christ.

Dans ces pays, les fidèles de Jésus ne considèrent pas ces persécutions comme un échec, ou comme le signe d’un manque de foi de leur part, mais comme une épreuve à surmonter, dont ils savent qu’ils sortiront un jour par le haut, relisant sans cesse ce verset de la lettre de Paul aux Romains : Soyez patients dans l'affliction. Persévérez dans la prière mais toujours, Réjouissez-vous en espérance. (Rom 12/12), Paul qui savait ce qu’il en était d’être persécuté, de vivre au milieu des loups.

Etre les enfants de Dieu, les frères de Christ n’est pas une assurance tous risques, ce serait trop facile, et nous qui sommes issus de la Réforme ne sommes surtout pas dans une théologie de la rétribution. Les persécutions, les afflictions, ne sont pas le signe que Dieu nous aurait abandonnés pour quelque faute que nous aurions commise, mais que le Mal est et sera toujours à l’œuvre.

C’est aussi le moment de nous rappeler cet autre verset, de Paul aux Ephésiens : C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. (Ephésiens 2:8-9). Seule la Foi sauve ! Et Luther ajoutait : A Dieu seul la Gloire.

Nous sommes en face d’un curieux paradoxe : Serait-ce donc là où l’Eglise est persécutée que la foi serait la plus vive, que les manifestations du Saint Esprit seraient les plus visibles ? Nous devons écouter ces informations avec beaucoup d’humilité, nous qui bénéficions depuis 2 siècles d’une liberté de culte de plus en plus large, et qui, depuis 50 ans, avons perdu, au sein de l’Eglise Réformée, la moitié de nos frères et sœurs (Où sont-ils passés ? Je vous laisse calculer combien nous serons dans 50 ans, à ce rythme-là). Notre institution a-t-elle pris la réelle mesure de cette évolution ? La fait que lors du dernier Synode national qui vient de se tenir à Bergerac, le diaconat ait été au centre des débats, en est peut-être le signe, car c’est notre façon à nous d’aller vers l’autre, vers cet inconnu dont parle Jésus, au secours de sa détresse morale ou matérielle et qu’ainsi il devienne notre prochain.

Et nous ? Chacun de nous ? Nous qui revendiquons le Sacerdoce universel, nous qui rejetons la distinction entre clergé et laïcs faite ailleurs, qui revendiquons d’être tous égaux devant Notre Seigneur, sans hiérarchie quel que soit notre rôle dans l’Eglise. Nous qui avons bien noté que ce texte ne dit rien de particulier sur ces 70, Jésus n’ayant certainement choisi ni des théologiens patentés ni des intellectuels, mais bien plutôt de petites gens, comme les 12, peut-être bien même des gens de la campagne, objets réguliers de la risée des pharisiens de la capitale.

Le moment n’est-il pas venu de le jouer, ce rôle ? De partir, comme les 70, au milieu des loups ?

Et il n’y a pas si loin que cela à aller, pour se trouver en milieu hostile, çà ne manque pas : le milieu de travail, le lycée, pour certains les engagements politiques ou syndicaux, autant de lieux où il n’est pas si aisé de parler de Jésus Christ. Vous en avez peut-être déjà fait l’expérience, peut-être l’amère expérience.

Et pourtant n’est-ce pas là où l’on peut rencontrer des gens qui n’en ont peut-être jamais entendu parler et à qui, si nous nous taisons, l’on ne pourra peut-être jamais dire « Le royaume de Dieu s’est approché de vous ». Voilà la responsabilité que nous risquons de porter, car si Dieu nous a placés ici et maintenant et non pas ailleurs et en d’autre temps, c’est pour que nous soyons ici et maintenant ses témoins.

Mais comme nous ne savons pas comment faire, nous ne savons pas comment résoudre ce cruel problème de la transmission de notre foi, qui peut être douloureux, y compris au sein de nos propres familles, c’est par la prière que Dieu nous montrera quels chemins prendre, nous donnera les bons outils, les bons mots, les bons gestes, c’est par la prière que nous pourrons faire descendre le Saint Esprit sur nous et sur ceux qui nous entourent.

Alors peut-être aurons-nous la bénédiction, comme les 70, de rencontrer des gens de paix qui nous écouteront et prendront avec nous le chemin du salut, d’une nouvelle vie, et ainsi de proche en proche, pourquoi ne pas imaginer un nouveau réveil dont nous serions les modestes acteurs, rien n’est impossible au Saint Esprit. Voilà le challenge qui est placé devant nous par ce texte des 70 disciples.

Dorénavant, chaque fois que nous dirons la prière que Jésus nous a enseignée, nous dirons avec une intensité particulière cette troisième requête : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »

Amen !

François PUJOL

[1] (Les chrétiens représentent 2 milliards de personnes, parmi lesquelles on peut dénombrer:

- 1,09 milliard de catholiques.

- 356 millions de protestants rattachés à une église.

- 218 millions d'orthodoxes.

- 83 millions d'anglicans.

- 245 millions de chrétiens indépendants : non rattachées à une église, ces chrétiens appartiennent à une mouvance récente, très présente en Afrique et en Amérique latine, caractérisée par une approche émotionnelle, spontanée de la foi chrétienne.