Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 17 DÉCEMBRE 2000
Culte à Gap (05000)
Lectures du jour :
Hébreux 10, 5-10
Michée 5, 2-5 (Voir méditation du 19-déc-21)
Luc 1, 46-54 (on peut lire à partir du v.39)
DIMANCHE 17 DÉCEMBRE 2000
Culte à Gap (05000)
Lectures du jour :
Hébreux 10, 5-10
Michée 5, 2-5 (Voir méditation du 19-déc-21)
Luc 1, 46-54 (on peut lire à partir du v.39)
La joie de Marie
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En ce temps de l’Avent, quoi de plus naturel que de se voir proposer ce Magnificat, prière de louange toute empreinte de joie. Marie, pleine d'allégresse, prophétise que toutes les générations la diront bienheureuse. Mais qu'est-ce qui la pousse à exulter ainsi et à chanter sa joie ?
La raison en est qu'elle vient d'expérimenter la miséricorde de Dieu. "Réjouis-toi, toi la graciée, le Seigneur est avec toi" : ainsi l'a saluée l'ange de l'annonciation. Marie magnifie le Dieu saint qui a fait pour elle de grandes choses. Quelles grandes choses ? Elle n’a pas été témoin de prodiges éclatants, simplement, dit-elle "Le Seigneur a porté son regard sur son humble servante". Il est venu vers elle, jeune fille insignifiante pour lui dire qu’il l’a choisie pour mettre à exécution son projet de salut en nous rejoignant dans notre fragile condition humaine : Le Fils du Très-haut va naître d'elle, faible créature, et elle l’a cru !
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La grandeur de Dieu, c'est de s'abaisser, tel est le sens profond de Noël. Dieu se révèle en devenant l'un d’entre nous, par pure miséricorde, parce qu'il a pris à cœur notre misère. Il sera pleinement Dieu avec nous, Emmanuel.
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Mais Marie élargit sa louange au-delà de son cas personnel et exceptionnel. Elle célèbre Celui dont la miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent. Jeune juive élevée dans la tradition de ses pères, elle pense aux générations qui l'ont précédée, et qui ont témoigné des actes de Dieu en leur faveur. Avec sept verbes d'action, son chant est une anthologie d'expressions tirées des psaumes ou des prophètes qu'elle a souvent lus et médités, peut-être récités à haute voix, et qui se sont gravés dans son cœur. Elle rappelle ainsi que lorsque Dieu est intervenu, c'est pour briser l'orgueil des puissants et ruiner la fausse sécurité des riches, pour rassasier les affamés et relever les humiliés. Le Dieu d'Israël est le Dieu juste et miséricordieux qui prend la défense des pauvres et des sans pouvoir.
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Mais ces verbes au passé, comme souvent chez les prophètes, annoncent aussi l'avenir : ce que Dieu a fait, c’est ce qu’il fera encore. Marie pressent que ces actes secourables de Dieu, qu'elle évoque avec les mots de la tradition, vont trouver leur accomplissement d'une manière nouvelle et définitive dans l'œuvre de l'enfant annoncé. Le titre de Sauveur, qu'elle attribue justement à Dieu, le seul à pouvoir sauver les hommes, va en effet être transféré à Jésus dans l'annonce des anges de Noël : "Aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur." Le Dieu de miséricorde se manifeste en cet enfant qui nait dans l'humilité d'une mangeoire, solidaire de ces bergers pauvres et méprisés, qui reçoivent en premier la bonne nouvelle. Le message du fils de Marie sera avant tout "la bonne nouvelle annoncée aux pauvres". Les béatitudes diront comme le Magnificat le jugement de Dieu qui déboute les repus, les vaniteux, tous ceux qui se font encenser par les autres, et déclare paradoxalement bienheureux les humbles, les affamés, les méprisés.
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Alors que la réalité quotidienne dément les Béatitudes, Marie nous invite à chanter avec elle, dans la joie, la louange de ce Sauveur miséricordieux. Mais c'est un singulier défi ! Comment entrer dans une telle allégresse ?
Le climat dans lequel nous vivons-est-si morose ! Il y a près de nous des frères frappés par des deuils cruels, des gens découragés par un long chômage, des enfants atteints d'un mal inguérissable, des jeunes qui se perçoivent sans avenir, des amis en situation de conflit ou d'échec. Et dans le vaste monde nous savons que se comptent par millions les affamés, les exilés, les victimes de guerres fratricides, de l'oppression et de la torture, les enfants abandonnés à la rue, tandis que des minorités sans scrupule s'enrichissent scandaleusement du commerce des armes ou de la drogue, et que tant de responsables d'exactions criminelles restent impunis. Où est le juste jugement de Dieu, ce retournement souverain des situations intolérables que chante le Magnificat ? Qu'en est-il du merveilleux programme de Jésus, promettant la proche venue de son royaume de justice et de paix ?
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A vrai dire, Marie ne l'a, pas plus que nous, vu se réaliser. Elle y a cru de tout son cœur. Le secret de sa joie, c'est sa foi dans les promesses de Dieu : "Heureuse celle qui a cru" .Cette première béatitude, proclamée par Élisabeth, est la clef de toutes les autres. La foi de Marie a pourtant été mise à rude épreuve au pied de la croix, quand s'est réalisée la prophétie de Syméon : "Une épée te transpercera l'âme". Cependant c'est bien là qu'éclate toute la vérité du Magnificat, c'est là que Dieu renverse le jugement des hommes et manifeste sa miséricorde infinie. Et le jour de Pentecôte, Marie pourra la célébrer à nouveau, quand Pierre proclamera, en écho aux paroles des anges de Noël ; "Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié" ! Oui, c'est par la mort et la résurrection de son fils, que Dieu a une fois pour toutes manifesté et sa justice et sa miséricorde. Il y a condamné l'orgueil et l'aveuglement des hommes, et exalté celui qu'ils ont rejeté. Par-là, il relève les humbles qui découvrent le mystère de son amour, en ce sauveur qui donne sa vie pour nous. Ah bien sûr, nous ne voyons pas encore la manifestation plénière et éclatante de ce salut, et c'est pourquoi, du fond de la détresse présente du monde, nous ne cessons de prier "Que ton règne vienne !" Cette prière peut avoir l'accent d'une supplication douloureuse. Mais elle ne doit pas évincer la louange pour ce que nous avons déjà reçu.
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Avec Marie, osons dire que la miséricorde du Seigneur s'étend d'âge en âge sur ceux qui croient en sa promesse. Quoiqu'il nous arrive, sachons qu'il est avec nous, et prend à cœur notre misère. Au sein même de nos angoisses ou de nos lassitudes, il peut mettre sa lumière dans nos ténèbres et nous faire renaitre à l'espérance.
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Mais pour croire fermement à-la victoire finale de son amour, il faut que nous en vivions dès maintenant, il faut que nous nous laissions imprégner par son esprit pour porter nous-même un regard de miséricorde sur notre prochain. "Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde" Heureux si nous essayons de pardonner comme il nous a pardonné, d'aimer comme il nous a aimés.
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C’est ainsi seulement que nous pourrons entrer dans la vraie joie de Noël.
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Amen !
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Pr Charles L’EPLATTENIER