Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Lectures du Jour :

Job 38, 1-11

Marc 4, 35 – 40

II Corinthiens 6, 1-10

Pourquoi une telle épreuve ?

Tout le monde connaît l’histoire de Job, « intègre et droit », fidèle d’entre les fidèles devant Dieu et par là même, une provocation vivante pour ce diable de Satan qui se promet de réussir à faire chuter ce modèle humain.

Job perd tour à tour ses enfants, sa fortune, sa santé par une lèpre qui l’isole de tous, jusqu’à sa femme qui, de lassitude, va voir ailleurs.

Sans avoir eu à connaître une pareille succession de malheurs, nous comprenons que nous avons à comparer ce qu’il advient à Job avec des événements de notre vie jugés injustes qui ont pu aller jusqu’à nous éloigner de nos proches, et qui nous suggèrent cette terrible question : mais pourquoi, quel est le sens, quelle explication donner à tel ou tel imprévu, voir à tel bouleversement de notre vie ?

Si nous appelons ces événements, « épreuves » c’est bien parce que nous y cherchons une preuve mais une preuve de quoi ? Une preuve de qui ?

C’est tout le sens de la demande qui trouble beaucoup de frères, adressée à Dieu dans le Notre Père, alors, selon les traductions on dit « ne nous soumet pas à la tentation », ce qui est une version moralisatrice, une autre traduction dit « ne nous conduit pas dans l’épreuve » ou « ne nous laisse pas succomber dans l’épreuve ».

Le mot « épreuve » revêt plusieurs sens : il peut s’agir d’une épreuve lors d’un examen ou dans le sport. Cela n’a rien d’une violence morale, d’ailleurs nous aussi nous semons des épreuves dans nos rapports avec ceux que nous aimons, simplement pour savoir s’ils nous aiment eux aussi, parce que dans la réciprocité, l’épreuve apporte une preuve, y compris dans notre relation à Dieu : suis-je avec lui ? Cette question est posée simplement pour m’assurer qu’Il est avec moi, justement dans cette détresse inattendue qui est la mienne, dans l’épreuve.

Le long poème symbolique de Job aborde la foi en Dieu, mise en question par l’épreuve comme le répètent les amis qui viennent visiter Job pour rendre objectif le questionnement de tout être humain frappé dans sa chair :

Pourquoi ? Mais pourquoi m’arrive-t-il cela ?

Et les amis de Job, dans leur commisération, n’ne finissent pas de trouver des raisons qui retournent Job sur le grill des remords, le pressant d’injonctions : creuse toi, qu’as-tu donc pu faire pour en arriver là ? Et d’élaborer sentencieusement des morales pointilleuses contre lesquelles Job se défend de se sentir culpabilisé.

Jusqu’à ce que surgisse un dernier visiteur qui va secouer Job mais bien différemment c’est Dieu lui-même.

Dieu n’explique rien mais il implique Job dans une question sans réponse :

Où étais-tu quand je fondais la terre, dis-le moi puisque tu es si savant : tout est dans ce tu et dans ce moi, voilà le sens de ton épreuve, dit Dieu : Nos retrouvailles !

Le salut de Job ce sera de sortir de lui-même et le livre s’achève au chapitre 42 ainsi : le seigneur rétablit Job, alors que Job était en train de prier pour son prochain. Ainsi la dernière étape de l’épreuve serait de retrouver son prochain !

Marc 4, 35–40

Ce soir-là Jésus et ses compagnons habituels traversent le lac de Génésareth comme ils l’ont si souvent fait.

Dieu n’est pas alors dans leurs préoccupations mais plutôt la rive d’en face où ils vont aborder et peut-être la perspective de la soirée chez l’un d’eux. Pierre habite justement de l’autre côté du lac.

L’imprévu vient alors d’un coup de vent qui déséquilibre la paisible traversée et jusqu’à la vie de ces jeunes gens pour qui l’idée même de la mort était si lointaine dans leur avenir. Or les voilà tout près de la mort et Jésus avec eux !

L’interpellation de Jésus secoue leur brève expérience de la vie « n’avez-vous pas encore la foi ? … Alors que de l’autre côté du lac sur la rive je vous enseignais la parabole du semeur ?

Et nous ? Pensons à notre école du dimanche, notre catéchisme, tous ces cultes, tous ces messages bibliques reçus ! Faut-il l’épreuve dans notre vie brusquement mise en danger pour prendre conscience de ce que signifie la foi en Dieu si imperceptiblement sédimentée.

Sur le lac de Génésareth tout se termine bien… mais ces gens comprennent que c’est la présence de Jésus qu’il aura fait saisir la présence de Dieu. Il fallait donc cette épreuve pour en avoir la preuve.

En fait qui a eu la foi sur ce bateau dans la tempête ? Jésus, et lui seul. Et sa foi sauve les autres !

Voilà un trait de lumière peut-être inattendu pour chacun de nous, sur la découverte ou la redécouverte de sa foi personnelle, celle qu’on décortique jusqu’en «articles de foi » auxquels il faudrait souscrire un à un pour garantir qu’on est croyant.

Dans la tempête, pas le temps de les énumérer, seulement une expérience, une «preuve ».

La foi de Jésus qui sauve ses compagnons chrétiens, c’est comme cela que pour chacun de nous se révèle la foi en Dieu grâce à la foi de Jésus pour les autres.

On retrouve ici la question de Dieu à Job « où étais-tu au temps du commencement ? « Tu n’existais pas ! Jusqu’à ce que tu vives maintenant : aujourd’hui tu es vivant, alors pour quoi pour qui, et là, commence la foi : c’est de ton histoire que va naître ta foi !

II Corinthiens 6, 1-10

C’est ce que Paul avait découvert et qu’il décrit aux corinthiens dans notre lecture :

Comme lui, nous pouvons dire : quel calvaire que cette vie ! Et pourtant nous trouvons cent raisons de nous y accrocher et c’est juste :

* les jeunes dans leur attente d’avenir

* tout comme les vieux rhumatisants opérés de la cataracte, aux oreilles appareillées,. Pensez aux disciples dans la tempête, pensez à Job sur son tas de fumier, qu’est-ce qui leur révèle que cela vaut le coup de vivre dans les ouragans, les malheurs, tous les risques de l’existence ?

C’est Jésus pour ses disciples, un visiteur pour Job, l’Eglise de Corinthe pour Paul

L’église que justement les premiers chrétiens aimaient à comparer à une barque qui se risque sur la mer au risque des tempêtes

L’église des serviteurs de Dieu, attristés mais toujours joyeux, pauvres et faisant bien des riches, n’ayant rien et qui pourtant possèdent tout.

Voilà à quoi sert ma vie : ma vie sert à partager ma foi, comme Jésus faisait servir la sienne : chez l’autre, ma foi va devenir confiance : les disciples de la barque n’ont pas découvert la foi d’un seul coup, simplement ils aimaient Jésus et lui ont fait confiance avant même de comprendre comment.

C’est pourquoi Paul finira par mettre l’amour fraternel avant la foi.

Dans l’épreuve sortons de nous-mêmes : Paul s’adressant aux nouveaux chrétiens de Corinthe leur dit « vous n’êtes pas à l’étroit chez nous c’est en vous-même que vous êtes à l’étroit : payez nous de retour, je vous parle quel que soit votre âge, comme à mes enfants. Ouvrez tout grand votre cœur, vous aussi ! « Personne quel qu’il soit ne doit se sentir à l’étroit « chez nous » mais c’est à nous de payer d’abord (c’est l’épreuve) avant que nous ne soyons payés en retour : c’est le sens de l’épreuve. Après, en famille, avec athées, juifs, musulmans, bouddhistes, nous pourrons toujours discuter des articles de foi.

Amen !

Pr Pierre FICHET