
DIMANCHE 25 novembre 2012
Lectures du Jour :
Jean 18,33-38
Apocalypse
1,5-8
Mon
Royaume n’est pas de ce monde
Pilate :
Pilate est un homme qui sait ce qu'est le pouvoir.
C'est un homme puissant. Il est procurateur de Judée, c'est-à-dire, qu'à
Jérusalem, il est juste en-dessous de l'empereur.
Il est le représentant de l'empereur sur ce territoire
et en tant que tel, il a tous les pouvoirs, pouvoir de vie et de mort sur tout
ce qui respire en Judée. Il sait ce qu'exercer le pouvoir veut dire, il use de
ce pouvoir, et peut-être même parfois en abuse-t-il. Il n'a pas la réputation
d'être un tendre. On dit même qu'il sera appelé à Rome pour avoir perpétré de
manière arbitraire un massacre contre les Juifs.
La
Judée :
Il faut dire que la Judée n'est pas un territoire
facile à diriger. Aujourd'hui on le dirait même sensible, à l'instar de
certains quartiers de nos grandes villes. Les gens qui y habitent sont prompts
à la révolte, ils n'aiment pas ces étrangers qui essayent d'imposer leur
domination par la force.
Et surtout, ils sont extrêmement jaloux de leur
indépendance religieuse, à tel point que les Juifs ne sont pas tenus au culte
impérial et que les grandes fêtes juives sont autant de manifestations
identitaires. À cause de cela, Pilate à chacune d'elles, quitte Césarée, le
lieu de résidence des procurateurs sur le bord de la mer, pour venir à
Jérusalem afin d'être au plus près des événements et de pouvoir réagir
immédiatement. Certaines traditions disent qu'il séjournait à ce moment-là dans
la forteresse Antonia, grande tour construite par les Romains contre le mur du
temple et qui le domine. Du haut de cette forteresse, on peut voir ce qui se
passe dans les différentes cours et surveiller de plus près cette population
rebelle et souvent incontrôlable.
Oui ! Pilate sait ce qu'est le pouvoir. Il sait ce
qu'est l'autorité. Il sait ce que c'est que la royauté.
Jésus :
Et voilà qu'on lui présente cet homme, accusé
d'usurpation, accusé de vouloir se faire roi à la place des rois. Pilate est
perplexe. Il voit vraisemblablement un pauvre diable se présenter devant lui.
Jésus n'a certainement pas l'allure d'un roi. En plus, il est déjà passé entre
les mains de la milice juive et vraisemblablement il a été, au dire des
Évangiles, molesté, voire torturé. Il fait bien peu "figure royale".
Et en plus rien dans son discours n'invite à la rébellion politique.
Le débat qui
s'engage est assez étrange :
"Es-tu le roi des juifs ? ",
demande Pilate. Jésus ne répond pas mais questionne: "Est-ce que c'est toi
qui le dis ? Est-ce que tu me le dis de ton propre chef, ou bien
reprends-tu les reproches de ceux qui m'ont livré à toi ? Est-ce que c'est
toi qui le penses, ou est-ce l'accusation portée contre moi qui te le fait
dire ? ". Jésus veut-il lui faire comprendre qu’il se fait
manœuvrer, qu’il devrait réfléchir ?
Pilate semble vouloir dans un premier temps botter en
touche, se débarrasser un peu lâchement du problème. " Est-ce que je
suis Juif, moi ? Est-ce que j'ai besoin d'être mêlé à vos
histoires ? ". Pour Pilate, la seule chose qui compte, c'est que
le calme règne. C'est que l'autorité de Rome ne soit pas remise en cause et que
la Pax Romana continue à régner sur tout l'Empire. Pilate continue : Ce
sont les chefs de ta nation qui t'ont livré à moi. C'est eux qui t'accusent.
Mon
Royaume n’est pas politique :
Jésus répond maintenant à la première question : "Mon
royaume n’est pas de ce monde". Il ne nie pas sa royauté. Il ne l'affirme
pas non plus. Il dit simplement que si royaume il y a, ce royaume n'est pas
celui auquel pense Pilate. S'il avait été question de politique, lui, Jésus, se
serait allié avec les révolutionnaires comme il y en a tant en Israël qui
combattent contre l'occupant romain. Des révolutionnaires qui quelques années
plus tard vont tenir tête aux légions romaines pendant de nombreuses années,
dans le désert de Judée, à Massada, ou à Jérusalem. Dans cette ville ils tiendront
un siège durant de nombreux mois dans le Temple, tenant tête à la plus grande
armée du monde. Pilate sait que les révolutionnaires juifs ne sont pas des gens
innocents sur le plan militaire. L'armée romaine utilise même des Juifs dans
ses troupes d'élites.
Mon
royaume est différent
"Mon royaume n'est pas de ce monde !" Mon
royaume est différent. Jésus marque bien la distance entre le politique et le
religieux, ce qui est pour le coup proprement "révolutionnaire" à
l'époque. Mais peut-être ce royaume différent, ce royaume d'un autre monde,
est-il un royaume encore plus dangereux. Oui, c'est un royaume qui fait peur
parce que justement il est construit sur d'autres valeurs, construits sur
d'autres fondements.
La
Vérité :
"Tu es donc roi ?", dit Pilate. Jésus répond
: "C'est toi qui dit que je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le
monde pour rendre témoignage à la vérité. " Et Pilate, qui ne comprend pas
plus que nous ce qu’il veut dire, le lui demande : "Qu’est-ce
que la vérité ?" .
Et en effet, pour Pilate, de formation grecque, la
vérité est une réalité objective, une correspondance entre le réel et l’esprit,
comme pour nous aujourd’hui. Une correspondance dont le contraire est l’erreur
ou le mensonge.
Pour Jésus, de langue sémite, la vérité est ce à quoi
ou celui à qui on peut se fier, qui est solide, et, dans la Bible, c’est Dieu
qui est solide et en qui on peut se fier ; et Jésus, le Christ, est
porteur de cette vérité, de cette Parole, celle qui résiste à l’usure du temps
et nous invite à vivre à son exemple, pour nous et pour tous les autres, de
manière à rester dans cette vérité la.
Le
Royaume
La royauté de Jésus réside donc d'après l'Évangile de
Jean dans ce témoignage à la vérité, ce témoignage à l'Évangile annoncé au
monde. Et la royauté de Jésus et sa puissance trouvent leur accomplissement sur
la croix qui est son trône. Et tous ceux qui écoutent cette vérité, qui écoutent
cette Parole, tous ceux qui suivent ce roi un peu spécial, alors rentrent dans
un royaume différent. Un royaume qui est craint parce que personne, aucune
puissance humaine, aucune armée ne peut le détruire. La vérité ne peut être
détruite. La vérité ne peut pas être détruite par les armes des hommes. Et
c'est pour cela que la vérité dérange. Et c'est pour cela que la Parole
dérange. On ne peut pas la faire plier.
Les
témoins
Les hommes et les femmes qui témoignent de l'Évangile
peuvent être détruits, comme le Christ lui-même a été cloué sur la croix. Mais
la vérité elle-même et l'Évangile ne peuvent pas être éliminés. Il y aura
toujours des hommes et des femmes qui se lèveront pour témoigner de la vérité,
témoigner de l'Évangile partout dans le monde. Il y aura toujours des hommes et
des femmes qui se lèveront pour appeler ceux qui souffrent, pour appeler ceux
qui plient devant le pouvoir aveugle ; pour les appeler à être debout, pour les
appeler à être des femmes et des hommes libres.
Face au
Pouvoir
Cela, de tout temps, depuis que l'Évangile est
annoncé, a gêné les pouvoirs en place. On peut entendre ici et là des ministres
exiger "que les Églises s'occupent de leurs problèmes de sacristie, et que
surtout elles n'en sortent pas pour "faire de la
politique" ! ". Et pourtant, de tout temps, des hommes et
des femmes de foi se sont levés pour lutter contre les injustices, pour
témoigner de cet Évangile, pour affirmer que l'amour de Dieu pour tous les
hommes est un amour sans partage. Et que surtout il n'existe pas dans le monde
de pouvoir de droit divin. Que le pouvoir, quelque qu'il soit, comme celui de
Pilate, est un pouvoir fondé sur la force des armes ou des lois et non pas sur
la charité divine, quoiqu'en disent ceux qui le détiennent.
Alors comment vivre dans ce monde et coexister avec le
pouvoir en place ? Jésus reconnaît, et respecte l'autorité de Pilate, elle
est incontestable. La puissance des armes a parlé, l'Empire romain domine le
monde. Mais pour autant, il ne plie pas la tête. Il est debout, en homme libre.
Sa liberté n'est pas celle que donne la puissance. Sa royauté n'est pas celle
des armées et de la force. Elle est d'ailleurs. Elle vient de la soumission à
l'Évangile, de la confiance en l'amour de Dieu pour tous les hommes, et surtout
de l'appel de cet Évangile à être debout et vivre libre face à toute autorité,
dans le respect même de cette autorité. C'est à cette liberté-là que nous
sommes appelés.
Amen !
Jean Jacques Veillet