
DIMANCHE 12 mai 2013
Lectures du Jour :
Jean 17 20-26
Actes 7, 55-60
Apocalypse
22,12-20
Le monde ne t’a pas connu
Jésus adresse ici à son Père une prière qui n'a pas
d'équivalent dans le Nouveau testament. Jésus prie son Père pour lui-même, puis
pour ses disciples qui sont exposés dans le monde, et à partir du verset 20,
pour tous ceux qui croiront en lui et qui vivront de sa foi. Et pour ceux là,
c’est une sorte de testament, ce sont les ultimes recommandations pour fonder
une communauté et la maintenir dans l’unité et l’amour. Fonder et maintenir
l’Eglise en quelque sorte. C’est ainsi pour nous la justification de
l’existence de l’Eglise.
Finalement, à quoi sert l’Eglise ?
A quoi servent nos
rencontres, nos cultes, notre organisation ? Quelle est la fonction de l'Église
? A-t-elle seulement un rôle quelconque ? Vous vous êtes peut-être déjà posé
cette question. Est-ce que vous ne vous demandez jamais : "Mais qu'est-ce
que je fais ici, dans ce temple ? Qu'est-ce que c'est que cette Église
protestante réformée ? Qu'est-ce qu'elle fait dans le monde d'aujourd'hui
?".
La réponse à cette interrogation, on peut la trouver
dans cette fin du chapitre dix-sept de l'évangile de Jean, que nous venons de
lire. Ce texte du chapitre dix-sept, on l'appelle traditionnellement la prière
sacerdotale, parce que Jésus prie pour ses disciples comme le prêtre d'Israël
priait pour le peuple. L'évangéliste Jean met cette prière dans la bouche de
Jésus à la fin de ses dernières recommandations à ses disciples, quelques
heures avant son arrestation et sa condamnation.
La fin de cette prière se rapporte au temps de
l'Église, au temps que nous vivons. Elle concernait les chrétiens du premier
siècle, et elle nous concerne, nous aussi qui sommes dans la suite de
l'histoire. Elle nous replace dans l'histoire du monde et donc dans l'histoire
de l'Église, présente dans le monde, quelle que soit son étiquette ou sa particularité.
Alors, la réponse à notre question « Pourquoi
l'Église ? », nous pouvons la trouver dans quelques traits de cette
prière, dans quelques-unes des affirmations mises dans la bouche de Jésus et
qui expriment la conviction des chrétiens du premier siècle.
Jésus affirme : "Le monde ne t'a pas connu". Il n'a pas connu Dieu, son Père. Voilà quelque chose qui nous étonne. Il existe de nombreuses religions qui prétendent le connaître. Du temps de Jésus et longtemps avant existaient des religions antiques ; elles étaient nombreuses et croyaient à de nombreuses divinités. De telles religions existent encore de nos jours. Elles nous assurent que leur dieu est le bon. Chacune, ancienne ou moderne, a son idée de dieu ou des dieux, chacune a ses théologiens et sa théologie. Pourtant l'affirmation de Jésus que le monde ne connaît pas Dieu est vraie. Toutes ces divinités que les religions adorent sont des inventions humaines.
Ce ne sont pas de vrais dieux, mais des dieux
inventés, des idoles.
Ce n'est pas seulement la conviction de Jésus, c'est
aussi celle de toute la Bible. Personne, aucune religion ni aucun peuple ne
sait qui est le Seigneur vivant. On ne le connaît que lorsqu'il se révèle par
sa Parole. C'est là toute la différence me semble t-il entre la religion et la
foi. Et toute la Bible, ancienne et nouvelle alliance confondues essaye de nous
transmettre cela, qui a été compris
progressivement par le peuple hébreu puis par les premiers croyants.
Deuxième affirmation de Jésus, qui suit immédiatement
: "Moi, je t'ai connu".
Jésus connaît Dieu, parce qu'Israël le connaît. Les Israélites ont reçu la
révélation de Dieu, ils ont gardé la Parole de Dieu, ils l'ont transmise au
long des siècles. Jésus est un Israélite, c'est un Juif. Il est tout à fait normal
qu'il dise à Dieu : "Je te connais,
toi, le Seigneur vrai, le Seigneur
unique". C'est en tant que Juif qu'il peut le dire.
Le Nouveau Testament affirme qu'il existe une relation
particulière entre Jésus et son Père. L'évangile de Jean la fait ressortir tout
particulièrement. Il montre ce qu'il y a d'unique dans cette relation. Jésus
dit lui-même à son Père : "Moi et
toi, nous sommes un". Tous
les deux forment une sorte d'unité, ils sont en pleine communion l'un avec
l'autre.
Jésus trouve sa connaissance de Dieu dans cette
communion, dans cet accord avec son Père. Mais il ne garde pas cette
connaissance pour lui-même. Il la transmet aux autres. Il peut dire : "Je leur ai fait connaître ton
nom" ; autrement dit, il nous fait connaître la personne, la vraie
personne de Dieu. Telle est la mission qu'il a remplie.
Jésus est le point de rencontre entre Dieu et le
monde, entre Dieu et le monde païen. C'est au monde que Jésus fait connaître
Dieu. Ce n'est que par Jésus que les non-Juifs peuvent connaître Dieu. Pour les
non-Juifs il n'existe aucune autre façon de connaître Dieu. Il est inutile de
chercher d'autres détours, d'autres chemins. Jésus-Christ apporte la révélation
unique, il est le seul canal, le seul point de passage, le seul pont entre Dieu
et le monde non-Juif.
Maintenant c'est à travers nous, c'est à travers
l'Église, que Jésus-Christ fait connaître son Père. C'est le sens de sa prière
: "Je prie aussi pour ceux qui,
grâce à votre parole, croient en
moi". Notre rôle, notre mission, consiste à travailler à la suite de
Jésus-Christ, à continuer la mission qu'il a commencée. Notre mission, c'est de
faire connaître la Parole de Dieu à tous ceux qui ne la connaissent pas encore.
Nous recevons la Parole de Dieu pour la répandre. Nous ne devons pas la garder
pour nous-mêmes, nous avons à la diffuser.
La mission de l'Église et la nôtre, la raison d'être
de celles et ceux qui se posent des questions sur Dieu et sur Jésus et se
laissent interpeller, c'est de fouiller dans l'Évangile pour faire connaître la
Parole de Dieu. Mais nous ne détenons pas cette Parole de Dieu ! Tout ce que nous
pouvons faire c'est d'être à son écoute pour essayer ensuite de dire au monde,
à nos contemporains en quête d'espérance et de sens à leur vie que le Seigneur
est vivant. Plutôt que de réciter un catéchisme par cœur, c'est comme cela que
l’on peut inviter à la foi en
Jésus-Christ.
Et c'est aussi cela la foi, faire confiance peut être
pas trop naïvement quand même à cette nuée des témoins de la foi qui nous ont
transmis ce message de l'Evangile avec leur culture et leur conception de
l'époque. A nous aujourd'hui d'essayer de le retraduire et de le retranscrire
pour interpeller et inviter à la foi personnelle au Christ.
De cette façon pourra se réaliser cette affirmation de
Jésus : "Je leur ai donné la gloire
que tu m'as donnée". La gloire,
ce n'est pas seulement une lumière, ce n'est pas une clarté, même éblouissante.
Dans la Bible, la gloire, c'est le poids. Ce qui est glorieux, c'est ce qui est
pesant, ce qui a de la consistance. En français, on dit qu'un homme a du poids
quand on lui reconnaît de la valeur, quand il a de l'influence. Dieu est
glorieux, parce qu'il est important, parce qu'il est efficace. La gloire d'une
personne, c'est son poids d'humanité, c'est sa valeur humaine. C'est ce qui
fait qu'elle est réellement une créature de Dieu.
Mais cette "gloire
humaine", elle n'est reçue que dans la foi. C'est seulement dans la
foi en Dieu qu'on reçoit sa vraie personnalité, sa vraie humanité. Il faut
cette confiance en Dieu pour devenir vraiment soi-même. Jésus reçoit de son
Père sa gloire, son humanité pleinement réalisée. En transmettant la Parole de
Dieu, il fait venir ceux qui l'écoutent à la gloire, il les amène à la vraie
dimension humaine.
Et ainsi ils parviendront à l’unité parfaite, « ils seront un comme nous sommes un, mon
Père et moi » dit Jésus. Mais
ce n’est pas un simple objectif. Jésus
poursuit : « pour qu’ainsi
le monde puisse connaître que c’est le Père qui m’a envoyé et qu’il les a aimés
comme il m’a aimé ». Nous ne
sommes pas UN pour notre propre plaisir. Nous ne devons pas rechercher l'unité
pour notre satisfaction ecclésiale. L'unité vise au témoignage, elle fait de
nous des témoins de l’amour de Dieu et de Jésus-Christ.
Voilà donc la prière de Jésus. Il ne prie pas
seulement pour nous, mais aussi pour ceux que nous sommes chargés d'appeler à
la foi. Notre témoignage manifeste la grâce de Dieu, sa bonne disposition
envers les hommes. L'Évangile atteste que Dieu aime le monde, qu'il aime tous
les hommes et qu'il veut leur donner la chance et le bonheur de le connaître.
Mais ce n'est pas facile à faire. Jésus prononce cette
prière juste avant d'entrer dans sa Passion. On va l'éliminer sous le faux
prétexte qu'il se prétendrait le roi des Juifs, donc un homme qui menacerait
l'hégémonie de l'empire romain.
A la suite de Jésus, ses disciples sont comme un corps
étranger dans le monde. Les chrétiens ne pensent pas comme le reste des gens,
ils ont des idées à part, leur seule présence conteste les religions ou devrait
les contester. C'est pourquoi il arrive que ce monde incrédule rejette les
chrétiens, comme il a rejeté leur Maître. Nous en avons un exemple dans la
deuxième lecture proposée pour aujourd'hui. Les Actes des apôtres rapportent le
procès qui est fait au diacre Etienne. On l'arrête, on l'accuse, on finit par
le tuer à coup de pierres. Etienne meurt en remettant son esprit à Dieu, comme
Jésus l'avait fait sur la croix.
La persécution subsiste encore dans certains pays, il
y a toujours, comme à cette époque, des païens et d’autres religions, et la
mission qui nous est confiée garde tout son sens. Nous pouvons difficilement
croire, comme les contemporains des évangélistes, que nous verrons notre
mission aboutir de notre vivant, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous y
consacrer..
Amen !
Jean-Jacques VEILLET