
VENDREDI 21 novembre 2014
Conseil Presbytéral (Méditation) - GAP (05000)
Texte biblique :
Jean 10/9
Les 7 « Je Suis » de Jésus
Je voudrais vous parler ce soir, pour notre méditation, de ce que
‘l’on appelle « les 7 Je suis de
Jésus » dans l’Evangile de Jean, que, bien sûr, vous connaissez, même si
ce n’est pas dans l’ordre (petit test) :
Je voudrais vous parler en particulier du 3° Je suis : « Je suis la porte. Si quelqu'un
entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira, et il trouvera sa
nourriture." (Jean 10:9)
Si je vous parle de cela aujourd’hui, c’est que le 9/11, nous
avions à méditer sur la parabole des 10 jeunes filles, et je me suis trouvé
face à ces versets : (Matt.25/10) :
« Pendant qu'elles allaient en acheter (de l’huile), l'époux
arriva; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces,
et la porte fut fermée. Plus tard, les autres vierges vinrent, et dirent:
Seigneur, Seigneur, ouvre-nous. Mais il répondit : Je vous le dis en vérité, je
ne vous connais pas. »
Et puis il y a ce 3° Je suis.
Quand dans le NT on parle de l’époux, on pense à l’épouse, et quand
on pense à l’épouse vient l’image de l’Eglise, l’épouse du Christ, donc l’époux
de la parabole serait le Christ Cqfd. Mais le Christ qui dit « je suis la
porte », peut-il être celui qui ferme la porte ?
Et là je suis entré dans un cheminement que je voudrais vous faire
partager :
-Quelle est la fonction principale d’une porte ?
- Que vous a ton dit des centaines de fois dans votre enfance ?[1].
Eh oui, la fonction d’une porte est d’être fermée. Mais quand on
dit cela, on pense à la partie battante de la porte.
Mais une porte se réduit-elle à son battant ? Il y a aussi l’encadrement,
linteau et tableau, ce qui est le propre des portes d’entrée des villes :
la porte d’Aix à Marseille, la porte Saunerie à Manosque. Et ces portes-là vous
laissent entrer et sortir, comme dans le 3°
Je suis.
Et alors m’est revenu en mémoire un film de Luis Buñuel[2], l’ange exterminateur. Je
vous fais la version courte : Une réception mondaine dans un hôtel particulier.
La soirée se passe bien, on boit, on bavarde. Lorsque les premiers invités
veulent partir, ils n’arrivent pas à sortir, or, curieusement la porte n’a plus
de battant. Les secours dépêchés sur place ne peuvent, eux, pas plus entrer
dans la maison.
Angoisse, scènes d’hystérie, au fil de la nuit, les traits de caractère
les plus sordides apparaissent.
Puis, quand le jour se lève, un enfant passe devant la porte et la
traverse. Alors tout le monde le suit, chacun reprend son rôle et s’en va.
En juxtaposant tout cela, j’en ai tiré quelques pistes :
La fonction d’un battant de porte est effectivement d’être fermé et
de créer ainsi deux espaces totalement séparés, le dedans (au chaud et à la
lumière) et le dehors (au froid et à l’obscurité). Pour celui qui est dedans,
le dehors est invisible, inconnu, peut-être source d’inquiétude. Franchir cette
porte devient motif d’angoisse, de peur, pouvant faire reculer, renoncer à
« franchir le pas ». Pensez au titre de ce thriller « Quelqu’un
derrière la porte ».
Si on enlève le battant, il n’y a plus que l’encadrement, le dedans
et le dehors deviennent un espace continu, on voit de l’autre côté, on peut
passer en permanence de l’un à l’autre, plus d’angoisse, plus de crainte, mais
pour aller de l’un à l’autre il faut obligatoirement passer par cet encadrement
de porte et éventuellement s’incliner à son passage.
Il en est ainsi avec Jésus. A travers Lui (au sens propre), nous pouvons
passer de l’un à l’autre, du dedans au dehors, du visible à l’invisible, sans rupture,
sans angoisse, il n’y a plus d’en dedans et d’au-delà.
Et finalement, à force de passer de l’un à l’autre nous ne pouvons
plus dire auquel des deux nous appartenons, ou plutôt, nous appartenons aux
deux à la fois.
Et là il faut ouvrir une parenthèse :
* les premiers chrétiens étaient obsédés par 2 questions :
- Quand Jésus va-t-il revenir ?
Demandaient-ils à Paul avec impatience,
- Que nous arrivera-t-il si nous mourons avant qu’il revienne ?
Demandaient-ils à Paul avec angoisse,[3]
Ils étaient obsédés par ces questions, n’ayant que les lettres de Paul
(ou des fragments) comme référence, « Vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à
ce qu'il vienne. » 1Cor. 11:26. Faisant, du coup, une confusion
entre « qu’il vienne » et « qu’il revienne ».
Le Credo, fixé 3 siècles plus tard reflète ces préoccupations[4].
* Puis la Réforme, se fondant en particulier sur l’Évangile de
Jean (6/47) : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en
moi, a la vie éternelle. » et sur ce présent de l’indicatif, a développé
le concept de « l’ici et maintenant », reléguant un peu au second
plan cette question de notre résurrection et au 3° plan celle du retour du
Christ lors des fins dernières, au moins dans nos méditations dominicales.
Revenons sur les 7 je suis.
Certaines versions disent « c’est moi le… ». Or dire c’est moi ou dire je suis ce n’est pas du tout la même
chose.
En disant je suis 7
fois, Jésus se relie directement à Exode 3/14 et au dialogue entre Moïse et
Dieu « s'ils me
demandent quel est ton nom, que leur répondrai-je? Dieu dit à Moïse: Je
suis celui qui suis. Et il ajouta: C'est ainsi que tu répondras aux enfants
d'Israël : Celui qui s'appelle "je suis" m'a envoyé vers vous. »
Jésus rappelle ainsi sa filiation divine, donc son éternité. (Voir
le Prologue de Jean (Jean 1/1-18), ou l’hymne aux Philippiens (Phil.2/6-11),
L’éternité et l’infini, les deux ordres de grandeur divins, totalement
inaccessibles à notre finitude[5]. Dieu, l’éternel, qui n’a
ni commencent ni fin, est hors du temps, il n’existe pas, il EST. L’homme a
volé à Dieu la connaissance[6], mais Dieu a inventé le temps
pour nous rappeler à cette réalité, nos vies sont bornées par un début et une
fin.
Quand Jésus dit aux 3°, 5° et 6° je suis, « Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira
/ Celui qui croit en moi vivra, quand bien même il serait mort / On ne vient au
Père qu'en passant par moi », il place la balle dans notre camp. Jésus est-il vraiment présent
en nous ?, Si c’est le cas, alors il donne à notre vie terrestre la
dimension de l’Eternité, c’est cela qui nous permet de rejoindre le Père, de
l’autre côté de la porte, dès à présent. Et du coup nous échappons à la dictature
du temps, nous aussi nous pouvons dire je suis. Non pas un je suis, affirmation de soi, mais un je suis, affirmation de
notre courage d’être, notre volonté de vivre, confiants en Sa promesse :
Jean 14 : Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous. Encore un peu de
temps, et le monde ne me verra plus; mais vous, vous me verrez, car je vis, et vous vivrez aussi.
Cela n’est pas sans conséquences
pour nous ce soir. Car si les minutes qui s’égrènent ne sont plus des unités
décomptées d’un capital temps dont nous ne connaissons pas le montant, mais si
ces minutes sont vues comme des parcelles d’éternité alors, le temps ne compte
plus, il n’y a plus d’urgence, nous avons simplement à ÊTRE et à faire ce que
nous devons faire, en nous rappelant humblement que de toutes façons, quoi que
nous fassions nous ne serons jamais autre chose que des serviteurs quelconques (Luc 17, 10).
Retenons donc ce soir que Christ étant vivant en nous aujourd’hui,
nous sommes déjà dans sa résurrection et la porte de l’Eternité nous est déjà ouverte.
Dès lors la question de savoir si croire en la vie éternelle ici et maintenant est compatible avec un retour du
Christ sans cesse différé et avec la résurrection de notre chair, devient seconde, même si elle n’est
pas secondaire.
La mort n’est plus qu’un passage. Nous sommes dans un continuum
visible/invisible, terrestre/universel, temporel/éternel. La Grâce, c’est aussi
cela.
En conclusion, L’au-delà n’existe pas.
Une conclusion à laquelle, je pense, vous étiez arrivés bien avant
moi.
Amen !
François PUJOL
Les 7 "Je suis" de Jésus
1.
"Je suis le Pain"
Jésus leur dit: "Je suis le pain de la vie. Celui qui vient à
moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif."
(Jean 6:35)
2.
"Je suis la lumière"
Jésus leur parla de nouveau. Il dit: "Je suis la lumière du
monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au
contraire la lumière de la vie." (Jean 8:12)
3.
" Je suis la porte":
"Je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé;
il entrera et sortira, et il trouvera de quoi se nourrir." (Jean 10:9)
4.
"Je suis le bon berger" :
" Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses
brebis." (Jean 10:11)
5.
"Je suis la résurrection et la
vie ":
Jésus lui dit: "Je suis la résurrection et la vie. Celui qui
croit en moi vivra, même s'il meurt." (Jean 11:25 )
6.
"Le chemin, la vérité, la
vie" :
Jésus lui dit: "Je suis le chemin, la vérité et la vie. On ne
vient au Père qu'en passant par moi." (Jean 14:6)
7.
" Je suis le vrai cep" :
"Je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron."
(Jean 15:1 )
[1] « Ferme la porte ! »
[2] Cinéaste surréaliste espagnol, ami de
Dali, réfugié au Mexique. Antireligieux néanmoins très préoccupé de questions
spirituelles, à travers des films comme Nazarin (1961), Viridiana (1962), Los
Olvidados (1952)
[3] Au point qu’ils inventèrent le
« réfrigerum » devenu plus tard le purgatoire.
[4] « Il viendra de là pour juger les
vivants et les morts », « je crois en la résurrection de la
chair »
[5] Le Big Bang, survenu il y a 4.5
milliard d’années nous donne-t-il une idée de l’éternité ? Pas sûr. La
comète « Tchouri » située à 500 millions de Kms, atteinte par la sonde
Rosetta, au bout de 10 ans, nous donne-t-«elle une idée de l’infini ? Même
pas !
[6] Depuis, engagé dans une compétition
permanente avec Dieu pour savoir qui sera le plus fort, l’homme croit avoir
apprivoisé l’éternité et l’infini en les confondant dans une unité de mesure ad
’hoc : l’année-lumière. Pure illusion.