Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 24 Sept.2006

Culte à Gap (05000)

Lectures du Jour :

Jérémie 11, v.18 à 20

Jacques 3, v.16 à chap.4, v.3

Marc 9, v.30 à 37

La langue...

Dans cette loi donnée à Moïse, seulement cinq commandements parlent des relations entre humains ! Seulement 5 !

Et dans ces cinq, il y en a un qui annonce : «Tu ne porteras pas de faux témoignage».

Dans ces seulement 5 commandements, Dieu met déjà en garde l’humanité contre les méfaits de la langue.

Et voilà un chapitre entier de l’épître de Jacques qui traite des méfaits de la langue…

Peut-être vous frottez-vous déjà les mains en vous disant que je vais remonter les bretelles de certains qui ont la langue bien pendue…Pourtant, j’aurais envie de faire comme Jésus l’a fait lors de l’accusation de la femme adultère : nous demander lequel d’entre nous n’a jamais mal utilisé sa langue ? Lequel d’entre nous ne s’est jamais laissé déborder par ses propres paroles ? Lequel d’entre nous n’a jamais menti ? Si un seul d’entre nous se lève et dit « moi », j’ai une bonne nouvelle alors à vous annoncer : « Christ est de retour parmi nous !! »


Si Jacques consacre tout un chapitre aux méfaits de la langue, c’est que ce problème existait déjà dans les premières communautés. Ainsi, Jacques met en garde cette communauté pas même seulement contre le mensonge. Le mensonge, c’est vrai, il le dénonce au verset 14.

Seulement 5 chapitres pour cette épître…Et un tout entier pour l’usage de la langue.


Cette mise en garde n’est effectivement pas nouvelle dans la Bible ; déjà les proverbes annoncent , parmi tant de versets parlant de la langue et de la bouche : « Les lèvres du juste connaissent la grâce, et la bouche du méchant la perversité ; Les lèvres fausses sont en horreur à l’Eternel ».


Cette épître parle de l’articulation entre la foi et les œuvres ; parle de l’amour fraternel ; du danger des richesses ; de l’écoute mutuelle… N’est-ce pas toujours d’actualité ?

Et concernant les dangers de la langue, on peut tout à fait rapprocher cela des paroles de jésus disant : « si ton œil est occasion de chute, arrache-le ». Là, en l’occurrence, c’est la langue que Jacques conseille de s’arracher.

Autant que les proverbes, Jacques a su donner de bons exemples sur les dangers de la langue.

Pourquoi des exemples ? C’est vrai qu’à première vue, on pourrait se dire qu’un si petit bout de chair n’est rien en comparaison du reste de notre corps !

Jacques va montrer que ce ne sont pas forcément les grosses choses qui dirigent.

Ainsi prend-il l’exemple des chevaux, ces animaux lourds, fougueux, puissants, à qui il suffit de mettre un mors, cette partie métallique et tirer dessus pour que toute la bête obéisse.

Ou encore l’exemple des bateaux, qui peuvent être si grands, si majestueux, mais qui ne sont rien sans ce si petit gouvernail qui donne la bonne direction.

Et tous ces animaux que l’homme peut dompter ; qui ne résistent pas à la domination humaine.

Au commencement était la parole, et la parole était avec Dieu, et la parole était Dieu. La parole de Dieu est créatrice ; Dieu a donné à l’homme la parole qui fait de lui une création à l’image de Dieu ; parce que c’est bien la parole qui fait que nous sommes totalement différents des autres créatures.

Mais autant la parole de Dieu est créatrice, autant la parole de l’homme peut être destructrice.

Alors, quelles sont les différentes manières, pour la langue, d’être destructrices ?

Il y a d’abord le faux témoignage. C’est cette parole qui, en général, accuse quelqu’un sans en avoir la preuve.

Ça ne vous est jamais arrivé ?!!!

Le faux témoignage pourtant englobe aussi la rumeur.

La rumeur, tout le monde sait ce que c’est.

Prendre part à une rumeur, faire courir un bruit que l’on a entendu sans même le vérifier!!

Et juger quelqu’un sur une rumeur, c’est un acte grave.

Il y a aussi le non-discernement de ce qui doit être dit. Rapporter à une personne quelque chose qu’elle a entendu sans que la personne ne puisse se défendre, par exemple.

Du style : « je te le dis parce que je l’ai entendu et ça te concerne. Mais ne va pas dire que je te l’ai dit, j’aurais des ennuis ; et c’est pour ton bien que je te l’ai dit ».

Ca, c’est un usage terrible de sa langue ; rapporter les ragots et autres bruits à une personne.

Dans nos églises, il y a une manière subtile de rapporter des ragots ou de faire preuve de non-discernement dans ses paroles. Il y a …la prière !!

Ca existait déjà dans la Bible : « seigneur, je te remercie de ce que je ne suis pas comme cet homme »…

Aujourd’hui, ce serait peut-être plus : « seigneur, je te prie pour mon frère Untel qui a fait ceci ou cela ( bravo, maintenant tout le monde est au courant !!) ; aide-le à revenir dans la vérité ». BRAVO !! Sous des petits airs charitables (tu vois mon frère, j’ai prié pour toi), on vous déballe devant tout le monde votre vie et en plus on se permet de vous juger avec un grand sourire !!!

Il y a aussi plus classiquement la parole blessante, celle qui met par exemple en lumière l’état de l’autre sans pour autant lui donner les possibilités de sortir de cet état : « Il n’y a que les fainéants qui ne trouvent pas de travail …Ah au fait, tu n’as toujours pas de travail ?… »

Ou encore : « Les enfants qui bougent sont des enfants qui n’ont pas reçu d’éducation ; tiens, tes enfants, qu’est-ce qu’ils sont remuants !!! »

Des exemples comme ceux-là, chacun pourrait en raconter des tas ; et si chacun était honnête, il pourrait peut-être chercher dans sa mémoire et trouver une parole blessante qu’il a prononcée.

Il y a également le secret non gardé.

Le Conseil presbytéral, dans la liturgie de reconnaissance, s’engage à garder secrètes les confessions. C’est bien parce que la discrétion est un élément essentiel de la confiance que peuvent porter les gens à des institutions ou à des personnes.

Très vite, vous savez, vous êtes catalogué si vous racontez à d’autres ce que des personnes vous ont confié ; très vite plus personne ne vous fera confiance. Même si les gens continuent à vous sourire et à vous saluer, il viendra un moment où vous vous rendrez compte que vous n’êtes plus au courant de rien et que plus personne ne vous fait réellement confiance (sauf s’il s’agit de faire passer un message à tout le monde en s’économisant les frais de téléphone !!!!)

Enfin, je garde une terrible utilisation de la langue pour la fin : la manipulation.

Ne croyez pas qu’on ne trouve pas ça dans les églises…

La manipulation, c’est aller voir des personnes avant une réunion pour leur dire quoi voter, qui voter ; c’est faire la réunion avant la réunion avec les personnes que l’on souhaite…

La manipulation, c’est aussi prêcher le faux pour savoir le vrai ; c’est en définitive bien souvent semer la zizanie pour mieux régner ; monter discrètement les personnes les unes contre les autres pour être la personne centrale dont tout le monde croit avoir besoin…Oui, diviser pour mieux régner…

La langue est un feu. L’homme a toujours eu du mal à dompter ce feu. Et Jacques dit bien que par la langue nous bénissons Dieu, donc étymologiquement disons du bien de Dieu, et par la même bouche nous maudissons les hommes…

Personne n’est à l’abri de cette perversion. Personne.

Jacques montre bien que cette langue que nous avons est merveilleuse quand elle est utilisée avec sagesse, mais qu’elle devient instrument du diable quand elle devient parole blessante, rumeur qu’on fait circuler, faux témoignage, secret non gardé ou manipulation.

Je rajouterais à ce que dit Jacques que nous devons tous être conscients dans nos églises et dans nos familles que notre langue est un véritable couteau qui peut poignarder.

Rien de nouveau sous le soleil depuis Jacques ; entre frères et sœurs, entre humains, il y a ce petit instrument qui peut permettre la louange, la joie, le partage, l’amour déclamé. Qui peut hélas permettre aussi la méchanceté, la manipulation, la blessure, la peine, la haine.

Jacques nous met en garde. TOUS. Pas un d’entre nous ne peut se permettre de penser aux autres dans ce que j’ai dit sans d’abord s’examiner lui-même dans ses paroles.


C’est un exercice difficile que de garder sa langue, ou de la tourner sept fois dans sa bouche avant de parler.

Mais c’est à ce prix que l’Eglise peut rayonner, seulement à ce prix-là. C’est à ce prix qu’une famille peut rester unie.


Notre langue gouverne notre corps ; corps humain et corps qu’est l’Eglise. Le vent aura beau souffler dans nos voiles ; l’esprit aura beau souffler, si notre gouvernail qu’est notre langue est mal utilisée, nous nous échouerons ; nous échouerons.


Amen !


Pr Nathalie Paquereau