Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 30 septembre 2012

Culte à Gap-(05000)

Lectures du Jour :

Nombres 11,24-29

Marc, 9,38 à 41

Jacques 3,1-5

« Au nom de Jésus »

À partir de quand, à partir de quoi, peut-on se dire chrétien ?

Quel est le facteur déclenchant ?

Le baptême ?

La confirmation ?

Une confession de foi ? (Mais laquelle ?)

La parenté ?

Un rattachement familial ou autre qui me fait dire je suis protestant sans jamais mettre les pieds dans un temple, ceux que l’on appelle les protestants sociologiques, mais pourquoi pas ?

Apparemment Jean, le disciple de Jésus, ne se pose pas tant de questions quand il dit ce « nous » qui englobe aussi bien lui et les compagnons que les compagnons et Jésus.

Alors, être chrétien serait être avec Jésus, avec les compagnons de Jésus, avec tous ceux qui recherchent la présence de Jésus.

Le test de la reconnaissance par le verre d’eau (v.41) est parfaitement symbolique. En effet un verre d’eau, ce n’est pas grand-chose mais on en est immensément reconnaissant, à une époque où il n’y a pas de bistrot pour se rafraîchir et dans un pays où il peut faire soif. Le verre d’eau, c’est un geste de la vie courante dans lequel s’expriment une confiance réciproque, une empathie. (Souvenez-vous de la Samaritaine).

On le comprend, dans ce passage de Marc, la foi est dans l’acte et c’est ce qui caractérise le comportement de Jésus tout au long de son ministère : des actes non seulement d’empathie mais d’amour, attitude à laquelle ses compagnons n’étaient pas encore habitués, réagissant selon les critères anciens.

L’homme qui a indigné Jean et ses compagnons, il faisait du bien en débarrassant les gens de leurs démons.

Alors, si les démons dont il est question dans ce texte nous sont un peu étrangers, en revanche nous connaissons très bien les démons d’aujourd’hui. La mécanique est toujours la même : un démon quel qu’il soit prend possession de notre vie et le guérisseur, quel que soit son statut, sera celui qui fera appel à une force de libération avec l’aide du malade lui-même.

Alors sans doute cet homme avait-il un don particulier et ce qui est remarquable c’est qu’il utilisait ce don pour le bien d’autrui sans en chercher apparemment aucun profit personnel puisque il agissait ainsi en se référant à Jésus. Peut-être que cette référence à Jésus, il la mettait en avant pour essayer d’entrer dans le cercle proche de ses disciples.

Et c’est justement cela qui pose un problème car les compagnons de Jésus ne veulent pas élargir le cercle. Ils tiennent à leur usage exclusif de Jésus. Et dès lors ce qui est important pour eux n’est pas le bien que cet homme peut faire mais le fait qu’il n’est pas de leur groupe.

Et voilà un enseignement pour nous pour notre Eglise, qui a pris le relais des disciples et qui passe son temps à défendre des chasses gardées. Mais notre Eglise a aussi l’occasion, en s’instruisant de ce texte, de réaffirmer ce qu’est une vraie confession de foi :

Au verset 39 : exprimer sa conviction, sa foi, dans ses comportements, ses actes.

au verset 40 : affirmer que l’essentiel c’est celui qui est guéri avant toute revendication de paternité quant à la guérison, ce qui veut dire que l’on doit savoir mettre dans notre poche notre amour-propre religieux et reconnaître à d’autres des qualités que nous n’avons plus.

Aux versets 40 41 : désigner, chaque fois que l’on en a l’occasion, Jésus comme étant celui au nom duquel nous agissons, révélant ainsi sa Seigneurie, y compris dans la rue.

Mais pour autant, l’église a-t-elle le monopole des bonnes œuvres, de la morale, voire des guérisons, autrement dit a-t-elle le monopole de Dieu dans ses actes.

« L’Esprit Saint souffle où il veut »

Bien avant l’Évangile de Jean, c’est un récit des Nombres qui le montre et non sans humour dans une scène pittoresque :

Voilà 70 anciens, donc par définition des sages, mis à part dans la tente de la rencontre avec Dieu c’est-à-dire le Temple, dans le désert. Ils sont réunis pour parler au peuple au nom de Dieu c’est-à-dire pour prophétiser. Et voilà ces 70 anciens qui se trouvent en panne de Saint Esprit, n’ayant rien à dire.

Et ce sont des indociles, ou de paresseux, restés chez eux, qui se mettent à prophétiser, non pas dans le Temple mais au milieu des tentes, c’est-à-dire dans l’espace public comme on dirait aujourd’hui.

Alors les gens vertueux, sérieux, se scandalisent, à l’image du jeune Josué qui vient rapporter à Moïse ce qu’il en est et attendant de Moïse a minima une réprimande voir une sanction, exactement comme le fera Jean auprès de Jésus.

Ce sera peine perdue car de Moïse vient une réplique déconcertante, copie conforme de la réplique de Jésus chez Marc (à moins que ce ne soit le contraire). Pour Moïse, l’essentiel est que soit manifestée la volonté de Dieu et que son nom soit proclamé. D’où son exclamation un peu désabusée qui peut aussi être comprise comme un vague rêve au v.29 : Ah, si seulement tout le peuple de Dieu devenait un peuple de prophètes. Exclamation à laquelle nous ne pouvons qu’adhérer, nous, les protestants adeptes du sacerdoce universel.

Jésus aussi dit que l’essentiel est la réalisation de ce que Dieu veut pour chaque être humain comme pour chaque peuple. Moïse, Jésus, sont sur la même longueur d’onde : ils veulent que chacun puisse savoir que Dieu est là à travers eux.

Faire « exister Dieu »

Sans communication, Dieu n’est pas là et s’il n’est pas là, c’est comme s’il n’existait pas. Dramatique conséquence de notre silence.

Moi-même si je ne communique pas avec toi c’est comme si je n’étais pas là et si tu ne communiques pas avec moi c’est comme si tu n’étais pas là.

Un homme qui reste enfermé dans un ermitage, dans son autisme, ou dans ses idées, cet homme-là n’existe pas car on n’existe qu’à travers les autres.

On voit les ravages que font cette absence de communication cet autisme entre les peuples. Et si Dieu lui-même ne communique pas avec nous c’est parce que c’est nous qui avons coupé la communication, alors nous nous réfugions dans notre imaginaire nous représentant Dieu trônant dans les espaces infinis, un Dieu qui n’est plus pour nous qu’un pouvoir sourd ou bien aveugle, un Dieu mal connu, inspirant crainte plutôt qu’amour. C’est dans cette représentation que le refoulent les athées.

Pour nous, nous connaissons Dieu, nous le reconnaissons non pas par des définitions livresques mais lorsque nous savons qu’il est en contact avec nous ou lorsque nous le laissons entrer en contact avec nous. Cette relation privilégiée, cette communication dans les deux sens est exprimée dans la Bible par l’expression « Esprit Saint ».

Et il faut conserver à cette expression son sens le plus simple : un souffle, semblable au souffle qui porte les mots : de ma bouche à ton oreille, de ta bouche à mon oreille. C’est alors que tu réalises qui je suis, et surtout ce que je veux être pour toi. C’est alors que je réalise qui tu es et comment tu vas le réaliser avec moi.

C’est cette volonté de Dieu de se faire connaître réellement, que l’écrivain biblique a traduite par souffle (de Dieu) avant d’oser dire Parole (de Dieu). Ces mots humains n’étant qu’une bien faible transcription de ce qui se passe réellement dans la relation entre Dieu et nous.

La lettre de Jacques

Ainsi grâce à ce souffle, notre parole peut-elle devenir Parole de Dieu. C’est ce qui nous est indiqué dans la lettre de Jacques comme une sorte d’avertissement ne vous mettez pas tous à enseigner… au risque que nous trébuchions tous. Jacques exprime ainsi le risque que nous courons en nous prévalant fallacieusement de la parole de Dieu. Car la parole, n’importe quelle parole, à une portée qui nous dépasse. Ce qui explique la description assez négative que Jacques fait de notre langue.

La parole est semblable à ce qui est le plus petit sur un bateau : le gouvernail. Et l’on voit bien comment ce bout de bois sur son étambot peut dévier la route de notre bateau et l’envoyer à des dizaines, des centaines de milles de sa destination initiale rien qu’en le bougeant de quelques centimètres. Voilà le risque que nous fait encourir notre langue.

Quelle responsabilité ! À la mesure de l’océan des possibles qu’est une vie d’homme. Je ne pense pas que Jacques veuille nous paralyser. Il terminera sa lettre en disant : Mes frères, si l’un de vous s’est égaré loin de la vérité et qu’un frère le ramène alors sachez que celui qui le ramène du chemin où il s’égarait lui sauvera la vie.

Alors, nous taire ? Mais que serions-nous sans les hommes de Parole de la Bible ? Sans Paul et Saint-Augustin, sans Luther et Calvin. ?

Ce que nous avons à faire, c’est plutôt de convaincre ceux qui ne sont ni Paul ni Luther Ni Calvin, que s’ils n’osent parler au nom de Jésus ils ont à agir au nom de Jésus : c’était la modestie de l’usurpateur décrit par Marc.

Qui donc a porté l’Évangile jusqu’à tel ou telle d’entre nous ? Paul ? Luther ? Ou bien ces humbles relayeurs qu’étaient nos parents, nos frères et sœurs de la paroisse, par leurs gestes quotidiens ? Eux aussi sont des guérisseurs dans les épreuves de la vie comme le sont les compagnons d’Emmaüs, les équipiers de la Mission Populaire, ceux de la Cimade, tous des anonymes.

Par eux, nous comprenons que l’Évangile est entre nos mains avec une seule parole possible « au nom de Jésus ».

Est-ce si difficile à dire ? N’importe où… à n’importe qui…

Vous savez ce que fut le sens primitif des croix portées autour du cou par les premiers chrétiens, avant qu’elles ne deviennent des bijoux profanes ? Elle signifiait pour celui qui la portait, qu’il se rattachait au nom de Jésus.

Aujourd’hui, me revendiquer Chrétien, revient à faire comprendre, de quelque manière que ce soit, que mes gestes, mes actes, mes paroles sont accomplis, prononcées, au nom de Jésus, le Christ.

Amen !


Pr Pierre FICHET