
Dimanche 26 février 2012
Trescléoux (05)
Textes bibliques:
1
Pierre 3,17-22
MARC 1, 12-15
Il est descendu aux enfers
Introduction
Frères et sœurs, aujourd’hui commence la
période du carême, c’est un mot que certains protestants prononcent avec difficulté,
et pourtant, c’est une préparation spirituelle, qui doit nous conduire à vivre
pleinement cette semaine centrale pour nous chrétiens, la semaine sainte qui s’ouvre
sur le dimanche des rameaux, et se termine par la résurrection de Notre
Seigneur, avec, au milieu, le sacrifice que vous savez.
Je vous propose donc de méditer ce matin sur ce
texte de l’Epître de Pierre, que Martin Luther tenait en très haute estime. Le chrétien, disait-il, peut y trouver tout ce qu'il
lui faut pour vivre dans la foi et la fidélité.
Cette épître, écrite très tardivement, pratiquement
1 siècle après la résurrection du Christ, est effectivement une sorte de
catéchisme, écrit en termes simples, de façon brève, donnant des repères aux
jeunes chrétiens (dans la foi) pour la vie de tous les jours.
On y trouve même les prémices du symbole des
apôtres, qui ne sera rédigé que 2 siècles encore plus tard. Tout y est, même
l'article sur la descente du Christ aux enfers.
La
souffrance
Mais auparavant il y a ce 1° verset : « Christ
aussi a souffert », qui rappelle l’article du Credo : Il a souffert
sous Ponce Pilate.
Il est toujours délicat d’aborder la question de
la souffrance, car elle en amène toujours une autre : lorsqu’une personne
souffre, que ce soit moralement ou physiquement, l’une entraînant souvent l’autre,
vient cette question : Pourquoi ? Et une question subsidiaire :
Qu’a-t-elle donc fait pour subir de telles souffrances ? Nous ne sommes
pas si loin que cela des pharisiens, qui pistaient les malades, aveugles et
autres, pour leur reprocher leur culpabilité !
Entrer dans ce genre de questions c’est s’aventurer
sur une voie de garage, car il n’y a pas de réponse, sinon celle-ci :
Jésus, l’Homme sans péchés, donc le seul qui
aurait pu se la poser, cette question, lui, il a souffert pour les pécheurs, à
leur place, pour les libérer de leurs propres péchés. Alors, du coup, au lieu
de se poser la question : qu’ai-je fait, sous entendu « au Bon
Dieu », pour mériter de pareilles souffrances, la question à se poser
c’est plutôt : Qu’ai-je fait au bon Dieu pour que son fils aille au bout
de ces souffrances pour moi ? – Donner sa vie pour moi ?- Rien, je
n’ai rien fait, c’est un don – gratuit -.
Voilà une bonne façon d’entrer dans ce temps de
Carême.
Alors, Pierre peut déclarer, sans susciter trop
d’incompréhension, au v. 14 : « D'ailleurs,
quand vous souffririez pour la justice, vous seriez heureux. N'ayez d'eux
aucune crainte, et ne soyez pas troublés ».
Pierre distingue ainsi les souffrances de la vie
quotidienne, des souffrances pour la Justice, qui seraient la conséquence de la
proclamation de l’Evangile ou de notre obéissance « à Dieu plutôt qu’aux
hommes ».
Ainsi, lorsqu’il déclare : « même si
vous avez à souffrir, vous êtes heureux », il dissocie la souffrance, qui
nous est extérieure, dont la cause est d’origine humaine, du bonheur qui lui, est
intérieur, il nous est procuré par ce don inconditionnel de Dieu. Le don du bonheur
est d’origine divine, et éternel. Alors, en effet, souffrance et bonheur peuvent
cohabiter, ils ne s’excluent pas.
En
disant les choses autrement, Pierre nous dit de ne pas associer souffrances et
malheur : la souffrance est une épreuve à
traverser, comme l’eau du baptême, l’eau du déluge, un temps qui passe et
s’ouvre sur le salut, sur la vie donnée par l’Esprit Saint. La souffrance n’est
pas une punition.
Mais il faut se méfier de 2 écueils :
- Ne pas tomber dans la théologie de la
souffrance : Plus tu souffriras plus tu auras de chances d’aller au
paradis, car les souffrances éventuelles ne précèdent pas le salut, mais en
sont la conséquence éventuelle, elles n’ont donc aucun effet sur celui-ci,
- Renoncer à souffrir pour la Justice, en se repliant
sur soi, individuellement, ou en communauté, une communauté de purs, bien sûr,
bien à l’abri dans son petit désert, ou son petit temple, attendant que
son Dieu vienne la délivrer.
La lecture de ce bref passage de Marc nous
rappelle ce qu’il en est : Après un temps passé au désert, Jésus reprit le
chemin de la Galilée, pour annoncer aux Hommes : « Le temps est
accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne
nouvelle. » Nous montrant que nous aussi nous devons prendre le chemin de nos
Galilée(s).
Il est
descendu aux enfers
Puis Pierre aborde un autre article de notre
Credo : Il est descendu aux Enfers.
Cette « descente aux enfers » de
Jésus-Christ, que Pierre est le seul à aborder dans le N.T., nous laisse
perplexe. Personne ne comprend tout à fait pourquoi Jésus devait descendre aux
enfers.
Cet
article du Credo a tenu une grande place dans les premières professions de foi,
car il répondait à une question souvent posée : « qu’en est-il du
sort des gens qui ont vécu avant Jésus ? » que l’on peut aussi poser
différemment : « Qu’en est-il des populations qui n’ont pas encore
été touchées par l’évangélisation ? » Encore ces questions sans
réponse.
Et cet article du Credo, énonce que tous les
hommes, « les vivants et les morts » seront "sauvés". En
effet, c'est ce que dit ce texte, le seul du Nouveau Testament qui évoque cette
descente aux enfers. Il énonce que Jésus est allé délivrer des enfers les
hommes de la génération de Noé, qui dans la Bible, sont considérés comme
d'infâmes pécheurs puisque Dieu les a noyés en ne gardant que Noé.
Cet article du Symbole des Apôtres, on peut le
lire comme une bande dessinée, où l’on verrait le Christ effectuer cette
« descente aux enfers » un peu comme on parle d'une « descente
de police ». Il va combattre un pouvoir malfaisant. Il va rétablir le
pouvoir légitime. Ainsi il brise les verrous des portes de la mort, foule aux
pieds Satan vaincu et délivre les morts et les pécheurs que Satan avait
enchaînés. Puis il remonte au ciel, auprès du Père, en tirant derrière lui les
morts qu'il a libérés. Tous les morts, de toutes les générations, puisque l’on
remonte jusqu’à Noé, autant dire toute l’Humanité, oui Jésus est bien le
sauveur de l’Humanité.
Ainsi, le Christ descend aux enfers pour
libérer ceux qu'il aime, c'est-à-dire tous les humains, de l'emprisonnement et
de la mainmise du Prince des ténèbres. « Jésus est descendu aux
enfers » signifie : Jésus est allé manifester la victoire et la
seigneurie de Dieu en allant prendre possession des enfers.
Les juifs imaginaient qu’il y avait un lieu, le
« shéol » désignant le « séjour des morts », la
« tombe commune de l'humanité », un puits, sans vraiment pouvoir dire
qu'il s'agit ou non d'un au-delà.
L’ancien Testament le décrit comme une place
sans confort, où tous, justes et criminels, rois et esclaves, pieux et impies
se retrouvent après leur mort pour y demeurer dans le silence et redevenir
poussière, lieu qui échappait et qui résistait au pouvoir de Dieu.
La manifestation de la victoire de Jésus-Christ
sur la mort, elle a déjà lieu là, le Samedi Saint, le jour de « sa
descente aux enfers ».
Le Samedi saint, dont on parle peu en général, c’est
le jour où tout bascule.
Le Christ, au nom du Père, prend possession du
dernier bastion qui échappait à son pouvoir et à son amour. Dès lors, Christ manifeste
« sa puissance sur toutes choses », comme il est dit ailleurs. Il n'y
a plus de lieu exclu de la seigneurie de Dieu.
Le Christ triomphant, a vaincu non seulement la
mort, mais le séjour des morts dont il détient maintenant les clés (Apoc 1,18).
Ce qui permettait à Sébastien Castellion de
dire, dans son langage imagé du 16° siècle : « Jésus est
descendu aux Enfers pour en fermer la porte », ce qui est théologiquement
tout à fait exact, car par le sacrifice de Jésus sur la croix, nous avons tous vocation,
nous sommes tous prédestinés à être sauvés, à participer au Royaume de Dieu.
Ainsi donc, Adam, le premier humain, celui qui
symbolise l'humanité toute entière, par la grâce de la descente de Jésus-Christ
aux enfers, retourne au Paradis dont il avait été chassé.
C’est ainsi qu’il faut également comprendre ce
passage de la lettre de Paul aux Ephésiens, où il écrit (v.9-10) :
« En lui, Dieu
nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et
irrépréhensibles devant lui, nous ayant prédestinés dans son amour à être ses
enfants d'adoption par Jésus Christ, selon le bon plaisir de sa volonté »
Cette prédestination concerne bien l’Humanité
entière, et non pas une caste de quelques privilégiés bien pensants.
Le
nouveau baptême
Enfin, ce passage de la lettre de Pierre fait
l’analogie entre l’eau du déluge et l’eau du baptême, cette eau qui dans le
judaïsme, est à la fois un signe de jugement et de salut.
Le baptême était le symbole du passage de la
mort à la vie. Il plonge le croyant dans les eaux de la mer, pour la
destruction du péché, mais l’en fait ressortir pour le rendre participant à la
résurrection.
Mais en ce premier dimanche de Carême, il est
bon de rappeler qu’aujourd’hui, être baptisé ne signifie plus être purifié des
souillures intérieurs ou extérieures, mais exprime une volonté d’engagement de
tout notre être, un engagement profond à participer activement, à coopérer à
l’œuvre du salut initiée par le Christ. Le baptême, ou sa confirmation, est l’expression
publique de notre adhésion à la mission dont le Christ est lui-même investi dès
son propre baptême, qui se terminera sur la croix en mourant pour les coupables
que nous sommes.
Alors, nous pouvons mettre face à face, en
inversant leur ordre, les premières paroles du Christ, dans l’évangile de
Marc :
« Le temps est accompli, et le royaume de
Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle ».
Et ses dernières paroles dans l’Evangile de
Matthieu :
« Allez, faites de toutes les nations des
disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et
enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. »
En nous rappelant cette promesse, accomplie dès
le jour de Pâques, qui est aussi pour
nous, aujourd’hui :
« Et voici, je suis avec vous tous les
jours, jusqu'à la fin du monde. »
Amen,
François PUJOL